Tiens tiens hier matin, Europe 1 nous parlait d’une «révolution» dans l’éducation. Quoi? La fin du redoublement? Sujet et interview du secrétaire national du Snalc, Jean-Rémi Girard pour dire tout le mal qu’il en pense… relai sur les réseaux sociaux. L’info passe pour une nouvelle exclu.
Sauf que… la fin du redoublement et le contenu de la circulaire examinée en ce moment par le Conseil d’état ne sont pas à proprement parler une nouveauté: on en parle depuis le lancement de la «Refondation de l’école» par Vincent Peillon à l’été 2012.
Et la Refondation c’est aussi une loi, qui a été discutée à l’Assemblée nationale au printemps 2013. D’ailleurs, au moment du premier vote, en mars 2013 on se dirigeait vers une fin du redoublement. Et Europe 1 l’avait déjà annoncée.
A l'époque la station expliquait:
«Le texte initial, qui recommandait simplement de "poursuivre la réduction progressive" du nombre de redoublements. Le gouvernement a apporté son soutien à l'amendement. Il devra, en même temps que la loi sur l'école, ensuite être débattu au Sénat au mois d'avril.»
Le 8 juillet 2013, le vote définitif de la loi sur la refondation de l'Ecole a lieu. Une loi qui indique bien que le redoublement doit devenir une procédure exceptionnelle. Par exemple si l’enfant est malade une grande partie de l’année, ou si sa famille en fait la demande.
«Le législateur n’a pas souhaité supprimer le redoublement mais le limiter à certaines circonstances particulières qui le justifient absolument», indique aujourd’hui le Ministère.
Tout ça il suffisait de taper «redoublement» dans Google pour le lire. Je le sais puisque je préparais moi-même depuis plusieurs jours le dossier documentaire d’une émission sur le sujet.
On pourrait s’interroger des heures sur la pratique journalistique qui tend à vendre comme un scoop ce que tout le monde sait déjà en gonflant un peu l’info –et cela tient uniquement à la façon dont les choses sont présentées: on ne parle plus de rendre le redoublement «exceptionnel» mais de le «supprimer» et on fait comme si l’info venait de tomber. Mais ce faux scoop a été repris toute la journée... L’éducation, on n'en parle jamais assez non?
Là où l’observateur avisé (l’observatrice avisée en l'occurrence) est surpris(e) c’est que le ministère a publié un démenti. Pas un correctif, pas une précision, pas une note d’information, un démenti.
Avec un démenti, le sous texte c’est donc que le redoublement n’est «PAS SUPPRIMÉ». Et, ce qu’on peut entendre c’est «ne vous inquiétez pas chers parents, chers enseignants, rien ne change.» Alors que si, puisque depuis 2012 on réfléchit à le rendre exceptionnel...
Cas d'école
Derrière, le classico de l’éducation: des communiqués indignés pour dénoncer la fin du redoublement, une cristallisation des positions; Camille Bedin, porte parole de l’UMP publiant une tribune pour défendre le redoublement et dénonçant une «démagogie comptable» dans un communiqué. Et des crispations de toutes parts.
Cela rappelerait presque ce qui s’est passé avec les ABCD de l’égalité. Le ministère de l’éducation impulse une réforme, un changement mais recule facilement quand il faut vraiment assumer une position ferme. On pourra toujours dire qu’il faut apaiser l’école. Quitte à mener une politique illisible. La détermination n’est pas le fort des ministres de l’Education nationale.
Inutile redoublement
On peut tout de même rappeler ici que la pratique du redoublement a reculé de 10% depuis dix ans comme nous l’indique le Conseil national de l’évaluation des politiques éducatives qui vient de publier une note sur le sujet. Un organisme qui chiffre à 1.6 milliards d'euros (mais Europe1 écrivait 2.5 milliards en 2013) le coût de la pratique: un peu cher pour une pratique inefficace.
D’ailleurs ne faudrait-il pas retourner la question et passer de la mise en cause de la suppression à la mise en cause du maintien? Comme le formule bien l’économiste Julien Grenet:
«Pour justifier une pratique telle que le redoublement, il faudrait être capable de démontrer qu’il a des effets très positifs.»
Ce n’est pas le cas, tout le monde le sait.