C’était il y a douze ans. Un attentat à la bombe dans une discothèque de Bali endeuillait l’Australie le 12 octobre 2002, tuant 88 de ses citoyens. Reste que dans l’ère post 11-Septembre, aucune attaque terroriste n’a été répertoriée sur le sol australien.
Pourtant, 79% des Australiens craignent que leur pays soit victime d’une attaque terroriste dans les vingt prochaines années. Une peur persistante, selon The Intercept, qui s’intensifie à mesure que la classe politique locale renforce une campagne antiterrorisme que le magazine en ligne estime liberticide.
A l’aube du 18 septembre, pas moins de 800 policiers ont interpellé quinze personnes soupçonnées de préparer la décapitation d’un individuau nom de l’Etat islamique (Da’ech). Sur ces quinze «terroristes», arrêtés en vertu des lois de détention préventive, un seul a été accusé d’infractions liées au terrorisme rapporte une dépêche de l’Associated Press. Un autre a été inculpé pour détention d’armes. Les charges ont été abandonnées pour neuf d’entre eux avant la fin de la journée.
Cette opération, la plus grande de ce type jamais organisée en Australie, est survenue une semaine à peine après que Canberra a relevé son niveau d'alerte face à la menace terroriste représentée par les combattants australiens du groupe Etat islamique (EI) de retour du Moyen-Orient.
Des lois antidémocratiques en réponse au terrorisme
Dès le lundi suivant, le gouvernement demandait «de nouveaux pouvoirs élargis en matière de sécurité» pour lutter contre «une menace croissante de militants islamistes». L’objectif étant, entre autres, d’interdire formellement le voyage de citoyens australiens dans n’importe quelle zone terrestre à partir du moment où le gouvernement a établi qu’elle était «hors limites». The Intercept s’inquiète :
«Même pour l’époque liberticide que traverse l’Occident depuis le 11 septembre 2001, ces pouvoirs sont extrêmes.»
Une proposition du procureur général au sujet de l’interdiction de divulguer des informations relatives à des opérations de renseignements généraux, sous peine de cinq ans de prison, est déjà étudiée. Si ce projet de loi vise clairement les lanceurs d’alerte qui voudraient suivre l'exemple d'Edward Snowden, les journalistes ne sont pas épargnés.
Le gouvernement a également annoncé l’augmentation des dépenses en matière de sécurité, s’engageant à verser dans les douze mois prochains la somme de 630 millions de dollars australiens à police fédérale et aux organisations responsables du renseignement.
Le Premier ministre, Tony Abott, l'a reconnu lui-même dans un discours au Parlement, le 22 septembre:
« Malheureusement, dans les temps à venir, le délicat équilibre entre la liberté et la sécurité va sans doute devoir être redéfini. Il peut y avoir plus de restrictions pour certains que de protections pour d’autres. Après tout, la liberté la plus fondamentale est de pouvoir marcher dans les rues indemne et de dormir en toute sécurité la nuit.»
Pour The Intercept, cette déclaration ne laisse aucun doute sur les intentions du gouvernement qui exploite les émotions provoquées par la vague d’arrestations pour réduire les libertés et renforcer la puissance de l’Etat, «en disant aux citoyens qu’ils vont mourir s’ils ne l’acceptent pas».
«Les dirigeants politiques n’aiment rien de plus que de voir leurs populations effrayées par une menace extérieure. A cet égard, les dirigeants occidentaux partagent le même but que l’Etat islamique: terroriser les citoyens en exagérant grossièrement la portée de cette menace.»
Une vision critique des lois antiterroristes partagée en France, après l'adoption du projet de loi par l'Assemblée nationale le 18 septembre.