Alors comme ça, Netflix –le service américain de VOD par abonnement mensuel proposant films et séries, parfois de son cru comme House of Cards– ne proposera que du réchauffé côté films à son lancement en France, prévu pour mi-septembre? Empêtré dans la chronologie des médias franchouillarde, qui prévoit 36 mois de délai entre la sortie d'un film et sa disponibilité en SVOD, Netflix serait –si l'on en croit certains– condamné à ne fourguer que du fond de catalogue plus très frais.
Une telle prévision est réductrice: comme le rappelle le blogueur FilmsDeLovers, toujours à l'affût des tendances en matière de distribution ciné dématérialisée, «la chronologie des médias, c'est que pour le ciné». En clair, elle ne concerne pas les milliers de films produits chaque année privés d'une exploitation en salles françaises, notamment ceux qui se frayent tant bien que mal un chemin en France directement en vidéo ou à la télévision.
Rien que dans les dernières fournées de films proposés par CanalPlay, le concurrent direct de Netflix, on trouve ainsi le polar McCanick avec David Morse et feu Cory Monteith, sorti au printemps 2014 outre-Atlantique et inédit en salles françaises.
Un exemple clair qui montre que la SVOD n'est pas condamnée à rimer avec films périmés, d'autant que pour certains genres de films –le fantastique, notamment–, une sortie direct-to-video n'est plus un signe d'infamie, loin de là, tant la distribution salle s'avère frileuse en la matière.
Comme le rappelle Filmsdelover, la force de frappe de Netflix pourrait théoriquement lui permettre d'acheter les droits mondiaux de certains films indépendants (oui, on ne parle pas de Fast & Furious 7, hein). Ces derniers pourraient ainsi être disponibles en France sans souffrir de délais aberrants à même de favoriser le piratage, d'autant que Netflix Canada garantirait la présence de sous-titres francophones.
Tout ceci ne reste à ce stade que pure spéculation (croisons les doigts), mais il est permis d'espérer voir sortir du placard des films récents toujours inédits en dépit de leur qualité. Quitte à jouer les programmateurs, voici dix exemples de telles perles déjà vues par des moyens plus ou moins honnêtes, de la projection en festival (l'Etrange Festival, PIFFF, Utopiales, etc.) à la requête honteuse sur l'increvable Pirate Bay.
1.World's Greatest Dad
Le trépas prématuré de Robin Williams a été l'occasion de lire dans divers nécrologies (même françaises) des louanges fort méritées sur le film World's Greatest Dad de Bob Goldtwaith. Paradoxe: cette exellente comédie dramatique présentée à Deauville en 2009 n'a malheureusement jamais distribuée dans l'hexagone.
2.Paper Man
Comment un sympathique film de 2009 avec Jeff Daniels, Emma Stone, Lisa Kudrow et Ryan Reynolds (ici dans un de ces meilleurs rôles, celui de l'ami imaginaire superhéros d'un écrivain dépressif) a-t-il pu décourager tous les distributeurs français?
310 Years
Maintenant que Chris Pratt est une superstar de l'univers Marvel avec Les Gardiens de la Galaxie, que Oscar Isaac a joué Llewyn Davis pour les frères Coen et que Channing Tatum a démontré qu'il était bien plus qu'un tas de muscles au regard bovin, on ne voit pas quels obstacles à la distribution pourrait rencontrer 10 Years, plaisant high school reunion movie, façon American Pie 4 en moins beauf. D'autant qu'on trouve également Rosario Dawson et Aubrey Plaza au casting.
4The Human Race
Filmé avec le budget pâte-à-dent d'un épisode de Plus belle la vie, The Human Race est une petite bombe SF cheap mais pas bête, avec en premier rôle un acteur amputé d'une jambe, ce qui rajoute une touche d'originalité et d'étrangeté à ce survival fantastique bien tendu.
5Our Idiot Brother
Il y a les films avec Paul Rudd qui sortent en salle (Comment savoir), ceux qui débarquent directement en vidéo (Anchorman 2), et ceux qui passent tout simplement à la trappe, comme ce Our Idiot Brother au casting pourtant impeccable (Zooey Deschanel, Elizabeth Banks, Emily Mortimer, Rashida Jones, Adam Scott, Steve Coogan...). Allez comprendre.
6Celeste & Jesse Forever
On reste avec Rashida Jones dans l'une des meilleures comédies romantiques américaines récentes, toujours inédite plus de deux ans après sa sortie américaine. Jones (également coscénariste) et Andy Samberg y jouent le rôle d'un couple séparé... mais inséparable. Le film est signé Lee Toland Krieger, décidément poissard côté distribution en France puisque son film précédent, la solide comédie dramatique The Vicious Kind, n'a également pas eu les honneurs d'une sortie hexagonale.
7Upstream Color
Malgré le bon accueil critique de son premier film, Primer, le deuxième long métrage de Shane Carruth reste encore invisible plus d'un an et demi après sa première projection à Sundance (et il nous avait tapé dans l'oeil bien avant). Dommage, tant ce trip halluciné à base de vers parasites méritait d'être expérimenté sur grand écran.
8Bernie
Si les deux derniers films du texan Richard Linklater (Boyhood, encore en salles, et Before Midnight) ont eu droit d'exister dans les cinémas français, les deux qui les ont précédés (Me and Orson Welles et Bernie) restent encore inédits.
Le second, homonyme du classique barré de Dupontel avec qui il ne partage vraiment rien d'autre que son titre, propose un Jack Black métamorphosé en croque-mort draguant une veuve fantasque (Shirley MacLaine) qu'il assassine, s'attirant l'attention d'un shérif incarné par Matthew McConaughey. On est loin de la gaudriole de School of Rock, précédente collaboration entre Black et Linklater, mais le film (et son format particulier, parfois à la limite du docu) est une belle curiosité.
9Extraterrestre
Pas plus que CanalPlay ne propose que des films français, loin delà, le catalogue de Netflix ne se limite pas qu'aux films américains. Allons donc puiser dans des inédits européens pour conclure cette sélection avec l'espagnol Extraterrestre, une comédie romantique sur fond d'invasion alien réalisé par Nacho Vigalondo. Drôle et touchant, le film peut compter sur la performance inquiétante de Carlos Areces, vu chez Alex de la Iglesia (Balada Triste) et Pedro Almodovar (Les Amants passagers).
10Deliver Us From Evil
Bombe danoise de 2009 signée Ole Bornedal (Le Veilleur de Nuit), Deliver us from evil (titre international Fri os fra det onde, à ne pas confondre avec le film d'horreur américain bientôt en salles) nous plonge dans un village pourri par la xénophobie. L'ambiance déjà putride vire à la folie meurtrière quand un autochtone coupable d'un accident de la route meurtrier fait porter le chapeau à un immigré du coin. Malsain, le film marque le tout premier rôle au cinéma de Lene Nystrøm. Son nom ne vous dit sûrement rien, mais pas sa voix.
Le référencement en France de films sortis en VOD, SVOD ou vidéo de rattrapage (la catch-up pour les abonnés aux chaînes Canal ou OCS, par exemple) étant fastidieux, il n'est pas impossible qu'un des films ici évoqués soit par miracle (ou ait été) disponible en France légalement quelque part. Merci de le signaler en commentaire si c'est le cas!