Dans la lettre où elle annonce à François Hollande et Manuel Valls son intention de ne pas rentrer dans le nouveau gouvernement, la (bientôt) ancienne ministre de la Culture Aurélie Filippetti évoque une réunion récente révélatrice des tensions internes de l'exécutif. Comme on peut le lire sur le site du Monde, qui publie le document dans son intégralité, l'élue mosellane juge que:
«La réunion des ministres de jeudi dernier à Matignon a été malheureusement à la fois révélateur et un exemple des raisons qui rendaient indispensable une discussion collective. Au moment où nos concitoyens attendent de nous une politique réaliste mais de gauche, les discussions qui y ont eu lieu furent le tragique contrepied de tout ce pour quoi nous avons été élus. Je l’ai dit lors de cette réunion, faudrait-il désormais que nous nous excusions d’être de gauche?»
Que s'est-il passé lors de cette réunion gouvernementale du 21 août qui justifie qu'Aurélie Filippetti la qualifie de «tragique contrepied de tout ce pour quoi» elle et ses collègues, ont été élus, allant jusqu'à menacer, selon l'ancienne ministre, l'appartenance même des membres de l'ancien gouvernement à la gauche?
Si le site du Premier ministre ne pipe mot de la dite réunion, se contentant d'un simple communiqué de presse annonçant la rencontre deux jours auparavant, Mediapart en revanche se montre bien plus prolixe. Et livrait, avant même la sortie d'Arnaud Montebourg ce dimanche 24 août, qui a précipité la démission du gouvernement, la nature des échanges de cette réunion à Matignon. «Démonstration», écrivait alors Mediapart, que «les avis différents ou les simples questionnements [ne semblaient] plus tolérés» au sein de l'exécutif.
Et c'est Laurent Fabius qui aurait mis le feu aux poudres, avec une prise de parole «longue, très longue», à en croire les sources de Mediapart, sur l'attractivité de la France, laissant à certains autour de la table l'amère impression «que la mission du gouvernement était plutôt de faire allégeance aux leaders d’opinion mondiaux [...] que d’emporter l’adhésion et la confiance des Français.»
A la fin de l'intervention, Michel Sapin prend la parole et nuance le propos de son collègue, avant d'être rejoint par Aurélie Filippetti, comme l'écrit le site d'information:
«D’habitude beaucoup plus effacée, à s’en faire oublier pendant la grève des intermittents du spectacle, Aurélie Filippetti a demandé, puisque le gouvernement en arrivait à ce point, s’il ne fallait pas mieux renoncer tout de suite à faire une politique de gauche, s’il ne fallait pas s’excuser d’être de gauche pour plaire au patronat.»
Une remarque qui n'a pas du tout plu à Manuel Valls. «Le clash fut bref mais tendu», poursuit Mediapart, mais révélateur du «malaise latent» au sein du gouvernement, ainsi que de «la nervosité du Premier ministre» face aux multiples questionnements sur sa ligne politique, accusée, notamment au sein de sa propre majorité, de dévier vers la droite.
Une nervosité qui s'est traduite, ce lundi 25 août, par la démission en bloc du gouvernement, que personne n'avait vraiment vue venir.