Culture / Égalités

Au Brésil, le «L word» se transmet en musique

Temps de lecture : 3 min

Parce qu'elle occupe une place centrale dans la culture brésilienne en général, la visibilité lesbienne y passe d’abord par les chansons.

Arlindo Cruz et Maria Gadu. REUTERS/Nacho Doce.
Arlindo Cruz et Maria Gadu. REUTERS/Nacho Doce.

Depuis les années 90, où la visibilité est devenue un motif important de la culture lesbienne, c’est par les films, les séries ou encore les festivals LGBT qu’elle a trouvé à s’exprimer. Du moins aux Etats-Unis et en Europe, où l’on compte plus de 200 festivals de films LGBT.

Le Brésil accueille la plus grande pride au monde à São Paulo. Cette année, ce sont plus de 2 millions et demi de personnes qui ont défilé dans la ville, qui compte également depuis 1993 un excellent festival de films, le MixBrasil. Mais faute d’un réseau de festivals consistant et d’une production de films DIY communautaires, et parce que la musique occupe une place centrale dans la culture brésilienne en général, la visibilité lesbienne y passe d’abord par les chansons.

Même si les zapatõns («gouines» en brésilien) consomment aussi Orange is the New Black et les séries télévisées américaines, comme les lesbiennes du monde entier, sur Netflix. Ce qui n’est pas sans poser de problèmes... Toutes ces images ou modèles qui circulent partout comme du Coca-Cola n’ont souvent pas grand chose à voir avec la réalité de la vie des lesbiennes en dehors de l’Europe ou de l'Amérique du nord, même si elles peuvent y grappiller des codes ou prendre du plaisir à voir enfin des lesbiennes à l’écran.

Car les lesbiennes brillent par leur absence dans les productions télévisuelles brésiliennes et il faut voir le foin qu’a provoqué le premier baiser gay en janvier 2014 dans le premier épisode de la série Amor a Vida, celui de Félix et Nico, qui vont se marier et avoir des enfants par la suite. Il faut dire que toutes les scènes de baiser avaient été censurées à la télévision brésilienne jusque là.

Mais avant de regarder un épisode d’une série télé américaine, une bonne soirée brésilezbienne commence en chansons. Comme ce soir-là à Florianopolis, au sud du Brésil, dans l’Etat de Santa Catarina, juste au-dessus de Porto Alegre. C’est l’hiver mais il fait 24° la journée et frais le soir.

Nous sommes chez Sami, qui s’identifie comme «zapatrans», en look South Park supercute avec sa casquette visée sur la tête et ses lunettes noires intellos. Sami a invité ses amies dans la maison qu’il partage avec sa copine Bambi sur la magnifique plage de Campêche. Il y a beaucoup d’étudiantes de l’UFSC, l’Université fédérale de Santa Catarina. L’ordinateur est sur le balcon, les guitares à portée de main. On se repasse en boucle les vidéos YouTube de chanteuses lesbiennes, si possible out. Sami reprend les L-Titres en question et quelques standards du rock. Kess, une butch piercée et tatouée très sexy, le suit avec des chansons militantes féministes et queer en prime.

Playlist, donc.

A la première place du top 10 trône l’ultra sexy Cássia Eller. Avec sa voix grave et son look butch de plus en plus affirmé, c'est une icône lesbienne nationale au même titre que Maria Bethania, davantage dans le placard et nettement moins rock’n'roll. Morte en 2001 à 39 ans des suites de son addiction à la cocaïne, Eller a interprété tous les titres des grands du rock brésilien, comme Cazuza, mort du sida à 32 ans en 1990, ou Renato Russo, sans oublier les classiques de Jimi Hendrix, des Beatles ou encore de Nirvana, mais aussi de la MPB (musique populaire brésilienne) avec Chico Buarque, et enfin ses compositions originales. Le titre Rubens, qui parle d’une relation homosexuelle masculine, a été censuré en 1990, mais Eller a remis ça en 1993 avec E.C.T, qui sera qualifié d’hymne à la libération sexuelle. Trois ans plus tard, la chanteuse a eu un fils avec Maria Eugênia Vieira Martins et fait son coming-out à l'occasion.

Maria Bethânia, star de la MPB, pourrait prétendre à la deuxième place du podium. L'artiste ne s'est jamais déclarée lesbienne, mais ses vidéos avec sous-textes (chorégraphiques) lesbiens sont plébiscitées, comme son fameux duo Baila Comigo Shangrilá avec Zélia Duncan, une autre chanteuse homosexuelle.

En troisième position figurerait Ana Carolina, bisexuelle autodéclarée (comme beaucoup de lesbiennes au Brésil) et son duo Sinais De Fogo, un corps-à-corps chaud chaud chaud avec Preta Gil. Elle fait partie de cette nouvelle génération de compositrices-interprètes à l’aise dans le rock, la pop, la MPB, la bossa nova et la samba, dans la lignée de Cássia Eller.

Lors de son passage à Paris en juin dernier, pour un concert à la Cité de la musique, une journaliste du Monde a reproché à Maria Gadú de faire du rock «national» ennuyeux, mais loué son look qui «s’inscrit en faux contre l’imagerie de la créature tropicale». Alors que la coiffure de Gadú, cheveux ras surmontés d’une mèche blonde, fait la joie des lesbiennes françaises et que ces artistes brésiliennes font vivre un répertoire beaucoup plus international qu’elle ne le pense. A travers elles, c’est aussi tout l’apport des gays à la musique brésilienne qui se transmet, par exemple à travers la reprise des titres de Cazuza, comme son célébrissime Malendragem.

Voilà pour les charts officiel. Mais chamboulé en aléatoire underground et avec tout le queer funk qui explose au Brésil, c’est l’irrésistible Soy una butch de La Tia Carmen, version zapatõn du Soy una punk des Espagnoles Aerolineas Federales, qui remporterait l'adhésion.

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