Économie / Monde

Dans les chaînes de restauration américaines, les salariés confrontés à l'enfer de la flexibilité-minute

Temps de lecture : 2 min

L'emploi du temps et le nombre d’heures travaillées par ces salariés varient en fonction de la demande, et évoluent à l'heure près...

Post-it time! Ignacio Palomo Duarte via Flickr CC License By
Post-it time! Ignacio Palomo Duarte via Flickr CC License By

Aux Etats-Unis, plusieurs chaînes de restauration et de distribution utilisent des logiciels de gestion du personnel qui leur permettent de flexibiliser leur main d’œuvre au maximum. En utilisant plusieurs données, notamment des statistiques sur les pics de vente, ces logiciels déterminent exactement le nombre d’employés qui doivent être présents à tel moment de la journée.

Cela signifie que de semaine en semaine, de nombreux salariés ne savent absolument pas quand ils devront travailler. Leur emploi du temps et le nombre d’heures travaillées varient en fonction de la demande.

«Les hypermarchés et autres chaînes de magasins peuvent embaucher plus d’employés si une livraison par camion est prévue ce jour-ci, ou en fonction de la météo. Ils peuvent les renvoyer plus tôt à la maison si leurs analyses en temps réel montrent que les ventes ralentissent», explique la journaliste Jodi Kantor dans un article du New York Times publié cette semaine.

Avec des programmes informatiques comme Kronos –notamment utilisé par Starbucks– les entreprises peuvent faire beaucoup d’économies. Les managers de boutique ne font travailler les employés que lorsque leur présence est vraiment nécessaire. Ces outils permettent en quelque sorte d’éliminer tous les temps morts. Une employée de McDonald’s interviewée dans l’article raconte qu’elle est renvoyée plus tôt (et donc moins payée) lorsqu’il y a peu de clients.

Au quotidien, cette flexibilité imposée est un véritable cauchemar, particulièrement pour les employés qui ont des enfants, et qui ont donc besoin de connaître leurs horaires à l’avance pour savoir quand les faire garder.

Pendant plusieurs mois, la journaliste Jodi Kantor a suivi le quotidien de Jannette Navarro, une employée de Starbucks et mère d’un garçon de quatre ans. Quand on l’appelle pour travailler le weekend, elle doit trouver une baby-sitter, souvent sa tante, à la dernière minute.

Elle explique aussi avoir parfois dû travailler tard pour assurer la fermeture (à 23 heures) du Starbucks, alors qu’elle devait le lendemain assurer l’ouverture à cinq heures du matin. Cette pratique a même un nom: «clopening», une contraction de close (fermer) et open (ouvrir).

Le récit de cette jeune femme a déjà eu un impact. Le jour même de la publication de l’article, Starbucks a promis que la compagnie ferait en sorte que le logiciel prenne mieux en compte les besoins des employés. Le directeur des boutiques nord-américaines de la chaîne a aussi annoncé que les horaires de travail seraient postée au moins une semaine à l’avance, et que le «clopening» serait éliminé.

Mais à part Starbucks, de nombreuses autres compagnies continuent d’utiliser ces logiciels pour tirer le maximum de leur main d’œuvre au moindre coût. Dans la chaîne de jus de fruits frais et smoothies Jamba Juice, les managers de boutique inscrivent les prévisions météo dans le logiciel de gestion des emplois du temps. S’il fait chaud, le programme suggèrera de faire venir plus d’employés pendant l’heure de pointe (le logiciel connaît l’histoire des ventes de la boutique et a remarqué une augmentation pendant les journées chaudes). Cet outil informatique permet aussi de découper les journées en séquences de 15 minutes. Ainsi, un employé qui travaille habituellement jusqu’à 14 heures pourra être renvoyé 15 minutes plus tôt si le logiciel montre que les ventes ralentissent après 13h45

Comme le résume la directrice d’une organisation de soutien aux employés de la distribution: «De plus en plus, le coût des fluctuations du marché est absorbé par les travailleurs, pas par les compagnies.»

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