Parfois, les éditeurs de magazine de mode en ont assez des plages et des hôtels particuliers, et ils essayent de faire des séquences photos plus «audacieuse», des images fortes qui ont «quelque chose à dire sur la société ». Il leur arrive alors de s’inspirer d’événements contemporains tragiques.
Dans cette veine, un photographe indien a mis en scène un mannequin femme qui se fait agresser par deux mannequins homme dans un bus. Elle porte une robe noire et des talons dorés, un des «agresseurs» porte une chemise à fleurs et des baskets. L’idée était de «représenter la place de la femme en Inde», selon le photographe Raj Shetye cité par la BBC.
Evidemment, tout le monde a pensé à la jeune étudiante violée et tuée dans un bus à New Dehli en 2012. Ces photos ont donc tout de suite fait scandale; le photographe s’est fait insulté et les images ont été retirées du site.
Ce n’est pas la première fois que le monde de la mode se ridiculise en essayant de parler des dures réalités du monde. Pensez à une catastrophe naturelle ou humaine ayant eu lieu ces dix dernières années et vous trouverez probablement des pages mode ayant «traité» le sujet.
En 2013, l’ouragan Sandy avait détruit des centaines de milliers de logements à New York et dans le New Jersey. Désireux de rendre hommage aux infirmiers, pompiers et autres héros de la ville, les éditeurs du magazine Vogue avaient produit une étrange série d’images.
Des mannequins en robes banches sur un bateau de la garde côtière, des top model en robes moulantes qui se baladent avec des pompiers dans les rues dévastées, ou d’autres en train de fraterniser avec les membres de la garde nationale pendant qu’ils préparent une distribution d’eau et de nourriture.
Les photos étaient de mauvais goût, mais Vogue avait tout de même fait des efforts. Le magazine avait organisé une levée de fonds et récolté 1,7 million de dollars pour aider les victimes de l’ouragan.
Comme le relevait The Guardian en janvier 2013, c’est surtout l’édition italienne de Vogue qui s’est spécialisée dans ce genre de mises en scène douteuses.
Il y a eu une série de photos inspirées par la guerre en Irak, avec des mannequins hommes déguisés en soldats américains qui flirtent avec des top model ultra sexy.
En 2010, le même photographe s’était inspiré de la marée noire de BP dans le Golfe du Mexique pour une série avec un mannequin effondrée dans les rochers qui ressemblait vaguement à un oiseau mort couvert de pétrole. A l’époque, l’éditrice du magazine avait justement déclaré que face à une telle catastrophe, il était impossible de rester silencieux.
C’est là tout le malentendu. Les pages mode des magazines ne sont pas faites pour dénoncer les injustices du monde.
Le site Jezebel avait récemment relevé une incroyable légende photo de Vogue, dans une interview avec les militantes russes de Pussy Riot.
«Nous pensons constamment aux prisons. Nous avons des amis qui y sont encore dans des conditions terribles, explique Masha (à droite, en Michael Kors), qui avec Nadya (en Valentino) a passé deux ans incarcérée en Russie.»
Cette bizarre juxtaposition –la prison, la dictature, Valentino, Michael Kors– est tout a fait symptomatique du problème des magazines de mode avec la réalité. Malgré les bonnes intentions, on ne peut pas tout mélanger, et entre Chanel et l’univers carcéral russe, il faut choisir.