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«Je travaille sur mon roman»: si vous passez votre temps à l'écrire sur Twitter, le faites-vous vraiment?

Temps de lecture : 2 min

Extrait du livre «Working on my novel»
Extrait du livre «Working on my novel»

A l’ère des réseaux sociaux et de la menace constante de distractions en ligne, comment est-il encore possible de s’isoler pour écrire un roman?

«Je doute que quelqu’un qui a une connexion Internet sur son ordinateur puisse écrire de la fiction de qualité», disait récemment le romancier américain Jonathan Franzen.

Dans la page «remerciements» de son dernier roman, Zadie Smith cite les applications Freedom et SelfControl, qui permettent respectivement de couper sa connexion Internet pendant un temps déterminé ou de bloquer l’accès à certains sites particulièrement chronophages.

Partager régulièrement ses progrès d’écriture sur les réseaux sociaux est donc probablement un mauvais signe.

Depuis 2011, l’artiste multimédia Cory Arcangel tient un compte Twitter intitulé «Je travaille sur mon roman» (Working on my novel) dans lequel il recense tous les tweets qui incluent la phrase je travaille sur mon roman». Cet agrégat est désormais un livre intitulé Je travaille sur mon roman. Avec 127 tweets, quelques illustrations et beaucoup de blanc, l’ouvrage vient d’être publié par Penguin.

On y trouve de nombreuses phrases avec des fautes de grammaire, ainsi que des messages comme:

«Je travaille sur mon roman et j’écoute de la super musique. Eh ouais les gars, je suis un écrivain.»

En général, les auteurs de tweets mentionnent une autre activité qu’ils effectuent en même temps que l’écriture:

«J’écoute du heavy metal et je travaille sur mon roman.»

ou encore:

«J’écoute Usher et je travaille sur mon roman.»

Ils sont nombreux à préciser ce qu’ils consomment:

«Je bois de la bière et je travaille sur mon roman.»

«Je bois du vin blanc et je travaille sur mon roman.»

D’autres préfèrent les détails choc:

«Le réparateur de lave-vaisselle est arrivé et je suis en train de travailler sur mon roman.»

Et enfin, il y a ceux qui s’accordent des pauses bien méritées:

«Cela fait deux heures que je travaille sur mon roman. Il est temps de regarder la saison cinq de Big Bang Theory.»

Le tout donne un certain effet tragi-comique. «Ce livre est rempli de narcissisme, de procrastination, d’ennui, d’autosatisfaction et de confusion», résume le critique du magazine Paris Review.

Tout cela pose évidemment la question: comment puis-je être en train de me concentrer sur mon roman si j’écris un tweet à ce sujet, et que dans ce tweet, j’explique aussi que je fais autre chose en même temps? Suis-je vraiment en train de «travailler sur mon roman» au maximum de mes capacités?

Contrairement aux auteurs de ces tweets, l’artiste «post-conceptuel» Cory Arcangel a trouvé un moyen relativement facile de se faire publier: sélectionner des phrases sur Twitter (avec la permission des auteurs).

Arcangel est à la fois artiste et développeur informatique, et pour ce projet, il avait créé un logiciel lui permettant de détecter chaque occurrence de la phrase «je travaille sur mon roman». Bizarrement, il qualifie son livre-tweet de «roman», ce qui est soit une blague, soit une manière d’insulter toute personne qui tente de rédiger 300 pages de fiction.

On pourrait croire qu’Arcangel, spécialisé dans le détournement de jeux vidéo , se moque de ces apprentis romanciers. Mais il précise que ce n’est absolument pas le cas.

D’ailleurs, il n’est pas sûr que les réseaux sociaux empêchent vraiment les gens de se concentrer.

«Juste parce que vous êtes sur Twitter ne veut pas dire que vous êtes en train de perdre votre temps, expliquait-il récemment à Vice. Quand j’étais petit, je faisais mes devoirs en regardant la télé.»

Comparer le fait d’écrire un roman à faire ses devoirs est tout de même vaguement méprisant. Avec son «roman» à tweet et ses petits commentaires, l’artiste ne va pas se faire d’amis chez les romanciers…

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