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Wikipédia, dernier bastion de la sérendipité sur Internet?

Temps de lecture : 2 min

"The stranger was a woman, at least as tall as a small chair..." 101/365/ Evil Erin via Flickr licence by

Internet et les médias sociaux favorisent-ils la sérendipité, c’est-à-dire le fait de trouver par hasard une information que l’on ne cherchait pas, ou nous enferment-ils au contraire dans un réseau d’informations homogènes?

Les avis divergent sur la question, mais depuis quelques temps la balance penche davantage en faveur de la deuxième hypothèse. Le professeur associé au département marketing de l'Essec Nicolas Glady s'en faisait l'écho en septembre 2013 sur Slate:

«Facteur majeur du succès du web à ses débuts, la sérendipité tend malheureusement à disparaître.»

Wikipédia, l’encyclopédie libre créée en 2001, serait d’après la journaliste du New York Times Anna North son dernier bastion. «L’étrange capacité de Wikipédia à déformer le temps et l’espace pour vous plonger au fond d’un terrier a été un élément essentiel de son succès à long terme», confirme le journaliste Chris Gayomali, de Fast Company.

Sa nouvelle application pour iOS, sortie fin juillet, accentue encore cette particularité. Elle met davantage en valeur la fonction «au hasard» proposée par l’encyclopédie, et une barre latérale permet de circuler plus rapidement dans les différentes sections d’un article.

«Nous souhaitons que vous parcouriez l’article en trouvant différents points d’entrée, a expliqué à Fast Company Vibha Bamba, designer à Wikipédia. Nous voulions encourager la curiosité en utilisant le design.»

Le résultat semble prometteur d’après Fast Company, qui sous-titre son article: «Avec la nouvelle application Wikipédia, il est plus facile de se perdre –dans le bon sens du terme.»

Cette capacité de Wikipédia à nous éconduire serait de plus en plus absente d’Internet, jugé trop balisé, et obéissant à des algorithmes qui valorisent le mainstream. En 2009, le journaliste Damon Darlin écrivait ainsi dans le New York Times: «L’ère numérique est en train d’éradiquer la sérendipité.» Selon lui les réseaux sociaux comme Facebook et Twitter en sont en partie responsables:

«Tout ce que nous voulons savoir est filtré et vérifié. Nous découvrons ce que tout le monde est en train d’apprendre, et en général par des personnes que nous avons sélectionnées en fonction de ce qu’ils partagent et de leurs goûts.»

Le sociologue Dominique Cardon pointait également en 2010 dans La Démocratie internet (éd. Seuil) la fonction de filtre jouée par Facebook:

«Les internautes découvrent en navigant sur les pages de leurs proches ce qu’ils cherchaient sans y avoir pensé à l’avance. […] Plutôt qu’à travers des mots-clés, la découverte d’informations est souvent plus pertinente lorsqu’elle emprunte les sillages ouverts par la navigation des amis.»

Enfin, même en dehors des réseaux sociaux, Internet serait en proie à une uniformisation. «Le monde des médias sur Internet est un maelstrom d’homogénéité», assénait il y a peu Matt Saccaro, du Daily Dot. En cause, selon lui, le cercle vicieux qui consiste à avoir un œil en permanence sur ce qui plaît aux lecteurs sur les médias sociaux, et à reproduire en conséquence le même type d’article à destination de l'idéal-type de «l’employé de bureau qui s’ennuie».

Derek Thompson, de The Atlantic, pointait du doigt le même phénomène d’agglomération dans un article de mai 2014:

«Plus les éditeurs sauront ce que leur audience lit, plus ils seront enclins à leur servir rapidement des copies des choses les plus populaires.»

Si toutes ces critiques sont justes, alors Wikipédia tient le bon filon pour guérir un Internet en mal de sérendipité.

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