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Les représailles d'Israël sont disproportionnées. Mais le Hamas est aussi responsable de la destruction de Gaza

Temps de lecture : 7 min

Comment le mouvement islamique est en train de détruire Gaza.

Miliciens du Hamas lors d'une conférence de presse le 3 juillet 2014. REUTERS/Mohammed Salem
Miliciens du Hamas lors d'une conférence de presse le 3 juillet 2014. REUTERS/Mohammed Salem

Au sujet de la crise à Gaza, on peut débattre de plusieurs choses. Vous pouvez avancer qu'Israël s'est rendu coupable de crimes de guerre, qu'une culture de la violence a corrompu la société palestinienne, ou qu'une offensive terrestre est la pire des idées. Mais un élément ne devrait pas souffrir de controverse: le Hamas est fou à lier. Il est en train de détruire Gaza.

Je ne dis pas cela pour excuser Israël. Sa relation pathologique à Gaza – guerre, occupation, radicalisation, bombardements, blocus – est pleine de brutalité et de faux pas. Le bilan de ses raids aériens actuels, et sa longue liste de victimes civiles palestiniennes, est honteux. Le besoin de représailles d'Israël outrepasse le prix de la vie de femmes et d'enfants. Mais l'autre acteur de cette sinistre farce est le Hamas, et tout ce qu'il n'aura pas fait pour son propre peuple.

Cela fait sept ans que le Hamas a pris le contrôle de Gaza. Son règne est synonyme de désastre. Le chômage et la pauvreté frôlent désormais les 40% de la population. Le gouvernement est en banqueroute. Si, dans ce marasme, Israël et les pressions qu'il fait peser sur les frontières de Gaza a bien sûr une immense part de responsabilité, le Hamas aura aussi tout fait pour les aggraver et délégitimer la résistance palestinienne.

Il y a encore un mois, Israël était en situation de faiblesse politique. Il s'était choisi comme ennemi putatif le président palestinien Mahmoud Abbas, un gars en costard dont le principal danger consistait à pouvoir, peut-être, faire en sorte qu'Israël rende des comptes sur le plan du droit international. Benjamin Netanyahou, le Premier ministre israélien, avait aussi énervé le meilleur ami d'Israël, les États-Unis, en continuant sa politique de colonisation illégale tout en négociant nominalement la paix avec Abbas.

En avril, quand le Hamas avait accepté de se réconcilier avec Abbas et de lui céder l'autorité administrative de Gaza, Israël avait bizarrement décidé de quitter les pourparlers de paix, soutenus par les États-Unis, en arguant que ce rapprochement allait se solder par un Abbas soumis à la politique du Hamas, et non l'inverse.

Quand Israël était en situation de faiblesse politique

En juin, si l'enlèvement de trois adolescents israéliens a pu légèrement redorer le blason d'Israël sur le plan de l'opinion internationale, c'était avant que Netanyahou ne décide de réagir par une répression massive. Quelques jours plus tard, des juifs assassinaient un adolescent palestinien, et la rage ne pouvait alors qu'exploser.

C'est à ce moment que de nouvelles salves de roquettes se sont mises à s'envoler de Gaza pour Israël. Puis Israël décidait de riposter, la violence des échanges escaladait et la guerre était déclarée.

D'aucuns accusent Israël d'avoir matériellement violé le droit de la guerre. Mais le Hamas l'aura explicitement bafoué. Il a tiré des roquettes sur toutes les villes israéliennes à sa portée, en déclarant: «Tous les Israéliens sont désormais des cibles légitimes». Les munitions tirées par le Hamas et ses alliés ont touché des habitants de Gaza. Elles ont aussi détruit des logements palestiniens et des bâtiments en Cisjordanie. Elles sont tombées à deux reprises sur des lignes électriques, coupant 20% de l'électricité dans la Bande. Et tout cela en réussissant, malgré plus de 1200 roquettes, à ne tuer qu'un seul Israélien.

La grande majorité des ravages infligés à Gaza l'ont été par Israël. Mais le Hamas a aussi fait en sorte d'aggraver le carnage. Il a encouragé les Gazaouis à rester dans la trajectoire des missiles israéliens. Quand Israël demande à 100.000 Gazaouis d'évacuer une zone qu'il prévoit d'envahir, le Hamas les exhorte d'ignorer ces avertissements. En ajoutant «A tous ceux qui ont évacué leurs maisons – retournez immédiatement chez vous et ne quittez pas les lieux».

Pour Abbas, le comportement du Hamas est ahurissant. «Qu'est-ce vous avez l'intention d'obtenir en tirant des roquettes?», a-t-il rhétoriquement demandé lors d'une interview télévisée. Dans une autre intervention, il a déploré «Nous sommes du côté des perdants et, à chaque minute, les morts inutiles s'accumulent (…) Je n'ai pas envie de marchander avec le sang des Palestiniens».

Et c'est exactement ce que fait le Hamas. Il marchande le sang des Palestiniens contre des ambitions politiques qu'il espère stupidement atteindre par voie de guerre. Les souffrances des Gazaouis ont beau s'accumuler, ce n'est pas suffisant pour lui faire baisser les armes. Pendant la première semaine de guerre, il était vaguement question d'un cessez-le-feu, avec chaque partie essayant soi-disant de pousser au maximum ses revendications.

Les parties qui en appellent au calme rendent un service gratuit à l'ennemi israélien

Mouchir al-Masri, député du Hamas au sein du Conseil législatif palestinien

Netanyahou avait fait valoir qu'«aucune pression internationale ne nous empêchera de frapper de toutes nos forces les terroristes qui nous attaquent» et Israël avait endossé le rôle du belligérant persécuteur. Lundi, quand l’Égypte a annoncé une proposition de cessez-le-feu, rédigée à partir des idées d'Abbas, le Hamas n'avait qu'à dire oui. Le texte ne comportait aucun compromis. Il ne proposait que l'arrêt du bain de sang, suivi par des négociations.

Le plan était des plus simples. A neuf heures du matin, mardi, les deux camps devaient arrêter de se tirer dessus. Ensuite, ils auraient commencé à discuter d'une trêve, avec l’Égypte comme intermédiaire. Ces pourparlers auraient inclus les revendications du Hamas quant à l'assouplissement du contrôle israélien des frontières de Gaza. Et le ministre des affaires étrangères égyptien de souligner que cette proposition «visait à arrêter le massacre des Palestiniens».

La Ligue Arabe a fait part de son adhésion au projet. Abbas a publié un communiqué dans lequel il «exhortait toutes les parties à respecter cette trêve afin que le sang palestinien cesse de couler». Israël l'a acceptée et a annoncé qu'à partir de neuf heures, il arrêterait son offensive. Pendant six heures, Israël a respecté ce cessez-le-feu.

Mais du côté du Hamas, le feu s'est poursuivi. Les roquettes ont continué à voler de Gaza vers Israël – près d'une cinquantaine en six heures – et le Hamas a revendiqué ces tirs. Ses porte-parole ont fait valoir qu'Israël devait ouvrir les frontières, libérer des prisonniers palestiniens et que quelqu'un devait payer les fonctionnaires de Gaza. Autant de revendications qui auraient pu être discutées. La folie, c'est le choix du Hamas d'utiliser à tout prix, comme moyen de pression, la continuation d'une guerre déjà responsable de la mort de 200 Gazaouis.

Voilà comment des représentants du Hamas ont justifié leur rejet du cessez-le-feu:

«Le cessez-le-feu n'était pas l'objectif de notre combat», (Sami Abou Zouhri, porte-parole du Hamas).

«En temps de guerre, vous ne cessez pas le feu pour négocier ensuite», (Fawzi Barhoum, porte-parole du Hamas).

«Les parties qui en appellent au calme rendent un service gratuit à l'ennemi israélien», (Mouchir al-Masri, député du Hamas au sein du Conseil législatif palestinien).

«Notre combat contre l'ennemi continue et gagnera en férocité et en intensité», (Brigades Ezzedine Al-Qassam, la branche armée du Hamas).

«Nous continuerons nos bombardements tant que nos revendications ne seront pas satisfaites», (Brigades Ezzedine Al-Qassam).

Mercredi, des Israéliens ont reçu un SMS, provenant apparemment du Hamas. Le texte fait penser à un communiqué du Jihad Islamique:

«Hier, votre gouvernement a prétendu à un cessez-le-feu, sans accepter de satisfaire nos conditions et pense ainsi nous inciter à baisser les armes. Au contraire, cela nous pousse à attaquer les quatre coins d'Israël, de Dimona à Haïfa, pour vous forcer à aller vous cacher dans vos abris comme des rats. Encore une fois, prenez garde: si vous gouvernement ne remplit pas toutes nos conditions, Israël dans son ensemble demeurera la cible légitime de nos tirs»

Difficile, en lisant tout cela, de s'accrocher à la moindre illusion selon laquelle le Hamas aurait un quelconque intérêt pour la paix, pour le sang des Palestiniens, ni même pour n'importe quel sang.

Le Hamas ne s'est pas contenté de rejeter le cessez-le-feu. Ses porte-parole ont tourné Israël en ridicule pour avoir accepté le plan, un accord qui serait «un indice de la faiblesse d'Israël». Ils ont condamné le «soutien régional et international pour cette initiative de cessez-le-feu». Ils ont invectivé l’Égypte, en arguant que «l'initiative égyptienne [était] une tentative visant à nous abattre» et que «ceux qui ignorent la résistance palestinienne se doivent d'être ignorés».

«Pourquoi est-ce que vous vous cachez parmi les civils?»

L'actuel régime égyptien a certainement prouvé son hostilité envers le Hamas, mais quand vous êtes cernés par des blocus israéliens, insulter le seul autre pays avec lequel votre territoire partage une frontière relève de la folie furieuse, en particulier quand ce pays vous propose un moyen d'arrêter la destruction de votre propre population.

Dans tout le monde arabe, on s'angoisse au sujet de Gaza. Mais reste que les tactiques du Hamas y suscitent aussi la consternation. «Le Hamas tire des roquettes sans cible ni stratégie précises» et provoque des représailles qui «pousseront les Palestiniens vers la tombe», déclare un de ses détracteurs. Un autre demande: «Les Brigades Ezzedine Al-Qassam, pourquoi est-ce que vous vous cachez parmi les civils?». Un autre encore se lamente: «Le monde ne s'occupe pas des Palestiniens de Gaza et les organisations internationales ne leur rendent pas justice parce que le Hamas a des relations exécrables avec le monde».

A cause de l'obstination du Hamas, la guerre a donc continué. Après six heures à retenir ses missiles et à recevoir des roquettes, Israël a repris son offensive. Mercredi, à la demande des Nations-Unies, le Hamas aura finalement concédé un cessez-le-feu humanitaire, pour une durée de cinq heures. Mais combien de Gazaouis devront encore mourir après cette pause?

Le problème fondamental, c'est que le Hamas ne pense pas comme un gouvernement. Il pense comme une milice. Il aime bidouiller des drones, se la raconter avec ses lance-roquettes déguisés en chariots de pain et annoncer tirer sur Tel Aviv pile pour l'heure du journal télévisé. De tels étalages puérils sont pour lui des victoires. Et il se fout de ceux qui pourront en mourir.

Mardi, peu après l'abandon par Israël de son cessez-le-feu à sens unique, Reuters a publié un communiqué d'un commandant du Hamas résumant le conflit. «Des milliers de personnes ont payé de leur vie pour notre peuple et nous-mêmes puissions voir ce jour – le jour où les dirigeants israéliens sont venus s’adresser à leur nation pour leur dire: 'pardon, Tel Aviv a été touchée'». Reste aux habitants de Palestine, et du monde, de savoir si l'événement méritait ou non un tel bain de sang.

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