Le 1er septembre 1983, un Boeing 747 de la compagnie sud-coréenne Korean Airlines est abattu au-dessus de l’île de Sakhaline par la chasse soviétique. Il y avait 246 passagers et 23 membres d’équipage à bord. Le vol commercial reliait New York à Séoul via Anchorage en Alaska. L’appareil avait quitté sa route normale pour entrer dans l’espace aérien de l’URSS. La chasse soviétique veillait. Elle avait déjà, quelques années plus tôt, avait forcé un avion coréen à atterrir sur un lac gelé, à l’autre extrémité du pays, à 350 km de Mourmansk. Deux personnes avaient été tuées dans l’incident.
En 1983, la guerre froide bat son plein. Les Soviétiques pensent qu’ils ont affaire à un avion espion, camouflé sous un vol commercial. Ils ne comprennent pas que les pilotes aient dévié de leur route habituelle, alors que les Etats-Unis mènent des opérations de reconnaissance dans le Pacifique nord. Un RC 135 américain est en mission dans les parages. Trois chasseurs Sukhoï-15 et MIG 23 s’envolent et tirent deux missiles air-air sur le Boeing qui s’écrase dans la mer près de l’île de Moneron. Il n’y a aucun survivant.
Les boites noires remises à la Corée en 1992
L’Organisation de l’aviation civile internationale (OACI) a mené une enquête malgré le refus des autorités soviétiques de coopérer. La situation internationale est tendue. Les Soviétiques se battent en Afghanistan qu’ils ont envahi en décembre 1979. A Washington, Ronald Reagan est arrivé au pouvoir et mise sur «la paix par la force». A Moscou, Iouri Andropov, ancien chef du KGB, a succédé à Leonid Brejnev. L’heure n’est pas à l’ouverture, bien qu’Andropov soit crédité de velléités réformatrices.

DR
Dans un premier temps, les Soviétiques s’en tiennent à leur ligne de conduite traditionnelle. Ils mettent du temps à admettre que le Boeing sud-coréen s’est écrasé sur leur territoire et plus encore à reconnaitre qu’il a été abattu. Ensuite, ils présentent les pilotes de leurs avions de chasse comme des héros qui ont «fait leur devoir» contre un appareil «ennemi».
Même le rédacteur en chef de la Pravda, le journal officiel du Parti communiste soviétique, Victor Afanassiev avoue être «mécontent des informations que nous avons données». Mais il s’affirme convaincu que l’avion sud-coréen se livrait à l’espionnage.
En 1992, le président Boris Eltsine a remis à la Corée du sud les boites noires du Boeing. Leur examen a confirmé que la violation de l’espace aérien soviétique avait été accidentelle. Les théories les plus fantaisistes ont fleuri mais il reste que les Soviétiques ont décidé d’abattre un gros porteur avec ses passagers même s’ils l’ont pris un avion espion.