Le gouvernement israélien affirme que l’enlèvement et le meurtre du jeune Palestinien Mohammed Abou Khdeir, le 2 juillet dernier, seront gérés de la même manière que le terrorisme contre les juifs. Les meurtriers «devront subir tout le poids de la loi» a déclaré dimanche le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahou.
«Nous ne faisons aucune distinction entre les terroristes.»
A cela, les parents de Mohammed ont répondu par un défi très simple: prouvez-le. Démolissez les maisons des juifs qui l'ont assassiné.
Les démolitions jouent un rôle central dans le drame qui a conduit à la mort de Khdeir. Selon les autorités israéliennes, deux arabes de Cisjordanie, Marwan Qawasmeh et Amer Abou Aïcha, ont kidnappé et assassiné trois jeunes juifs le 12 juin dernier. La police israélienne n’a trouvé ni Qawasmen ni Aïcha, et les a encore moins jugés. Pourtant, le 30 juin, des soldats israéliens ont détruit leurs maisons à Hébron. Ils ont cassé les fenêtres, démoli les meubles, pulvérisé lavabos et toilettes et ravagé les chambres des enfants. Ensuite ils ont fait sauter les murs et les plafonds aux explosifs.
Pas d'effet dissuasif
Vingt personnes vivaient dans la maison d’Aïcha. Dans celle de Qawasmeh, tous les hommes avaient été arrêtés, il ne restait donc que des femmes et des enfants.
Pourquoi Israël a-t-il détruit la maison de ces enfants?
Officiellement, c’est pour «décourager» tout terrorisme. Officieusement, c’est de la surenchère dans le châtiment. Les tribunaux israéliens ont accepté l’idée que le gouvernement avait autorité à le faire, au motif que quiconque envisage le recours à la violence «doit savoir que ses actes criminels lui porteront non seulement préjudice à lui, mais seront susceptibles de causer de grandes souffrances à sa famille».
Il y a neuf ans, après des centaines de démolitions, Israël a admis que la pratique n’avait pas d’effet dissuasif et l’a suspendue.
Or, elle a repris depuis les kidnappings du 12 juin. Qawasheh et Aïcha n’en ont pas été les seules cibles. La semaine dernière, la Cour suprême israélienne a approuvé la démolition de la maison d'un autre suspect arabe, avant son procès, en fondant sa décision sur l’effet dissuasif de l’initiative. Et l’armée israélienne est en train d’envisager de détruire des dizaines d'autres maisons en Cisjordanie, y compris celles des leaders du Hamas.
La politique de démolition est une barbarie. Elle enfreint les principes de base d’innocence, d'humanité et d'Etat de droit. Et elle est discriminatoire. Elle n’a jamais été appliquée à des juifs.
Dimanche dernier, Israël a arrêté 6 personnes soupçonnées d’avoir assassiné Khdeir, le jeune palestinien. Trois auraient avoué et reconstitué le crime. L’une d’entre elles a incriminé toutes les autres. Selon les enquêteurs, les suspects sont des juifs extrémistes, ils ont été filmés, le crime était prémédité et son motif «nationaliste,» et il visait apparemment à venger la mort des trois juifs du 12 juin. Les suspects vont être poursuivis pour meurtre, association de malfaiteurs, crime raciste et appartenance à une organisation terroriste. L’enquête a aussi révélé leur lien avec la tentative d’enlèvement d’un jeune Palestinien de 9 ans.
Fausses excuses
Netanyahou n’est pas le seul à avoir juré que les assassins de Khdeir «devront subir tout le poids de la loi». Naftali Bennett, ministre de l’Economie israélien, affirme que lui et ses supporters de droite «exigeront que la loi sur le terrorisme que nous avons présentée soit appliquée aux assassins de l'adolescent». Pour le ministère de la Défense, Moshe Ya’alon, les assassins «doivent être traités comme des terroristes».
Les parents de Khdeir soulignent qu’il existe un moyen simple de tenir ces promesses. «Détruisez leurs maisons comme (Israël) a détruit les maisons des suspects à Hébron», demande le père de l’adolescent. «Démolissez leurs maisons et condamnez-les à la prison à vie», assène sa mère.
Quel est l’intérêt d’une nation juive privée d’âme juive?
Certains Israéliens sont déjà en train de concocter des excuses pour ne pas appliquer cette politique à des juifs. Almagor, organisation qui revendique depuis 28 ans défendre «les droits des victimes du terrorisme», déclare dans sa profession de foi que chaque victime «a droit à la justice: à ce que le criminel soit puni, au soulagement psychologique qui accompagne l’accomplissement de la sanction, à l’imposition de la loi dans toute sa force». Mais lundi dernier, dans une lettre au gouvernement israélien et aux membres du parlement, le directeur de cette association a plaidé que «s’il nous faut dissuader les terroristes palestiniens en détruisant leurs maisons et en exilant leurs familles,» les juifs n’ont pas besoin d’être traités de la même façon, car ils tuent rarement.
En tant que juif, je n’arrive pas à en croire mes yeux. Comment des Israéliens peuvent-ils défendre une politique qui jette délibérément des bébés et des personnes âgées à la rue? Comment peuvent-ils justifier l’application d’une sanction différente pour les arabes et pour les juifs? Quel est l’intérêt d’une nation juive privée d’âme juive?
Les parents de Mohammed Khdeir ont raison. Israël a deux possibilités: détruire les maisons des juifs arrêtés pour son meurtre, ou renoncer à la politique de démolition. Définitivement.