Après le chasseur américain F22, de nombreux autres matériels militaires dernier cri sont menacés dans le monde par les restrictions budgétaires. Voici une liste non exhaustive.
Type 45 Daring Class Destroyer
Pays: Grande-Bretagne
Budget: 7,3 milliards d'euros pour six bâtiments de guerre
Etat: retardé
Le projet: Présenté comme «le navire de guerre le plus perfectionné au monde» par le fournisseur de l'armée BAE Systems, le T45 est la plateforme de défense aérienne nouvelle génération de la Royal Navy, la marine britannique. Ces contre-torpilleurs (destroyers) seront armés grâce au nouveau système PAAMS (Principal Anti-air Missile System), dont les missiles surface-air Aster sont conçus pour détruire une cible de la taille d'un poing quand ils sont tirés à plus de 30 km, à une vitesse de 1.020,87 mètres/seconde, soit trois fois la vitesse du son.
Mais les problèmes de ce destroyer sont presque plus nombreux que ses qualités tant vantées. Le T45 a subi de nombreux retards et dépassements de budget. En fait, le projet accuse deux ans de retard. Son surcoût représente 29 % du coût estimé au départ. A la fin de l'année dernière, la Grande-Bretagne s'est précipitée pour mettre en service le HMS Daring, son premier T45. Il ne possède pas encore de système de missile, ce qui est pour le moins paralysant. En outre, il ne sera pas entièrement opérationnel avant la fin 2011. Des rapports récents suggèrent que le ministère britannique de la Défense souhaite mettre à l'eau un T45, dans la Tamise, à l'occasion des J.O. d'été de 2012, en vue de prévenir tout attentat terroriste mené depuis les airs.
Missile Ballistique SS-NX-30 BOULAVA Lancé par Sous-Marin
Pays: Russie
Budget: 350 millions d'euros; dépassement probable
Etat: en stand-by
Le projet: Le ministre russe de la Défense espère que son missile sera opérationnel d'ici fin 2009. Mais même après 10 ans de travaux, on ignore encore si les problèmes ont été résolus. Une variante du missile terrestre Topol-M, le Boulava est un projectile à trois étages ayant une portée théorique de 8.000 kilomètres. Il serait doté d'une protection renforcée contre les interférences électromagnétiques, physiques et radioactives, et serait capable d'opérer des changements de trajectoire en vol. Certains de ses admirateurs le disent tout simplement imparable.
Le Boulava peut transporter jusqu'à 10 têtes nucléaires, portant chacune une charge de 150 kilotonnes. Il a été créé en partie pour moderniser l'armement maritime qui compose l'arsenal nucléaire de la Russie, mais surtout pour rétablir la fierté nationale et réinstaurer la confiance après l'instabilité politique et économique des années 90. Le seul inconvénient de ce missile est peut-être tout simplement qu'il ne fonctionne pas. Sur les 11 tests de vol du Boulava, six vols - dont le dernier réalisé au mois de juillet - se sont avérés des échecs. Projet à revoir, donc.
Les projets 085 et 089
Pays: Chine
Budget: inconnu
Etat: en cours de développement
Le projet: Par le passé, les Chinois avaient envisagé de réaliser un projet de porte-avions. Ils avaient même acheté des porte-avions datant de l'époque soviétique dans le but de les démonter et de les examiner. La Chine a fait des vagues, au mois d'avril, quand elle a annoncé son ambitieux projet de construire ses propres «grands navires de combat de surface» ainsi que d'autres systèmes d'armes navales sophistiqués dans le cadre d'une énorme campagne de modernisation continue. Pékin affirme que deux porte-aéronefs seront prêts d'ici dix ans: un engin de taille «moyenne» pesant 60.000 tonnes (le «Projet 085») d'ici 2010, qui devrait accueillir entre 30 et 40 chasseurs chinois J-10 - ou de 10 à 20 chasseurs russes Su-33 -, et le nec plus ultra (le «Projet 089»), un super-porte-avions nucléaire de 93.000 tonnes d'ici 2020!
Mais la Chine y arrivera-t-elle? Les détracteurs de ces projets considèrent que le pays n'a ni la technologie, ni les compétences, ni le temps pour réaliser ses objectifs. On peut imaginer qu'elle réussisse à mettre au point un petit porte-avions à une date relativement proche (une exposition de matériel militaire qui a eu lieu le 4 juillet présentait des maquettes ayant une forte ressemblance avec le bateau classe Admiral Kuznetsov soviétique. Cependant, ce type de porte-avions n'est pas équipé des catapultes à vapeur nécessaires pour lancer les avions plus lourds et plus sophistiqués depuis la plateforme. Il faudrait que les Chinois conçoivent un tel système en partant de zéro ou qu'ils adaptent leur technologie «maglev». Ces projets, qui impliquent beaucoup d'argent, sont potentiellement synonymes d'insuccès et générateurs de pertes.
Deuxième porte-avions
Pays: France
Budget: 3,2 milliards d'euros; dépassement probable
Etat: en stand-by
Le projet:
La marine de guerre française souhaite vivement acquérir un second porte-avions pour en remplacer deux qui ont été démantelés ces dernières années. Le Clemenceau bourré d'amiante (voir photo) a été retiré de la circulation en 1997. Son frère jumeau, le Foch, a été vendu au Brésil en 2000. Avec un déplacement de 75.000 tonnes, le Porte-avions 2 (PA 2), sera vraisemblablement doté de moteurs électriques et devrait être assez spacieux pour porter environ 50 aéronefs. Au départ, le projet est né dans le cadre d'une co-initiative de la France et de la Grande-Bretagne. Mais le président Sarkozy a rompu cet accord l'an dernier, expliquant qu'il ne prendrait pas de décision définitive concernant la commande d'un nouveau porte-avions avant 2011.
Certains critiquent cette décision du président français, estimant que reporter le projet PA 2 laisserait la France sans porte-avions lorsque le Charles de Gaulle sera réarmé en 2015. En réalité, il se peut que ce retard joue en faveur de la France. La conception du PA 2 devait reposer sur celle de l'expérimental Queen Elizabeth: une architecture impopulaire qui excluait toute possibilité de moteur nucléaire.
De nouvelles études sur la conception du porte-avions laissent penser que la France est tout à fait susceptible de ne pas accepter la conception britannique, et de choisir une conception complètement nouvelle afin d'y intégrer toutes les caractéristiques qu'elle souhaitait initialement. Petit hic: le pays a alloué un budget ne dépassant pas les 195 milliards d'euros pour les dix années à venir. Or 30 % de cette somme aura déjà été dépensée d'ici à ce que Nicolas Sarkozy se décide.
Avion de transport A400 M
Pays: européens
Budget: 19,25 milliards d'euros
Etat: en danger
Le projet:
Conformément à un contrat accordé à EADS (le géant européen de l'aérospatial et de la défense), l'avion de transport militaire A 400 M est en cours de fabrication pour neuf pays. Cet avion possède quatre turbopropulseurs (les plus gros jamais construits en Occident nous dit-on). Il est capable de décoller et d'atterrir sur des pistes courtes. Par ailleurs, il devrait pouvoir transporter 120 soldats entièrement équipés pour le combat, jusqu'à 66 civières pour évacuer les blessés, ou neuf palettes de fret militaire.
Mais cet appareil polyvalent n'est pas près de décoller. Environ deux cents A 400 M ont été commandés. D'une part, cela fait quatre ans que le projet aurait dû être bouclé et, d'autre part, il accuse un surcoût avoisinant les 5 milliards d'euros. Les neufs clients qui attendent d'être livrés pourraient bien annuler leur commande, obtenir un remboursement partiel de 6 milliards d'euros et réinvestir dans des C-130J américains, beaucoup moins chers. Mais ils ne le feront pas, car, bien que le contrat ne contienne pas une clause explicite «Achetez européen», c'est l'occasion pour l'Union de prouver qu'elle tient la route en matière de défense. Tant il est vrai que la route risque d'être un peu plus longue que prévu.
Brian Fung
Traduit par Micha Cziffra
Image de Une: Le porte-avions à propulsion nucléaire français Charle de Gaulle Reuters