Sports

Tour de France: le rond-point, voilà l'ennemi

Temps de lecture : 4 min

Comment l’apparition des ronds-points et autres obstacles routiers a modifié le tracé du Tour de France.

Tour de France 2008. REUTERS/Bogdan Cristel
Tour de France 2008. REUTERS/Bogdan Cristel

Le 101e Tour de France s’élance d’Angleterre ce samedi 5 juillet pour dérouler un total de 3.664 kilomètres. Du Yorkshire jusqu’aux Champs-Elysées, la Grande Boucle visite, cette année, l’Est de la France, du Nord jusqu’au Sud, délaissant toute la partie occidentale du pays. Comme c’est l’usage, ce tracé a été préparé plus d’un an avant le départ, entre le printemps et le début de l’été 2013 (avril-mai-juin-juillet), jusqu’à sa finalisation en septembre, avant sa présentation officielle, fin octobre, à Paris.

Jean-François Pescheux, directeur de la course jusqu’en 2013, qui a passé le relais à Thierry Gouvenou voilà quelques mois, a été le maître d’œuvre principal du dessin de ce Tour. «Comme toujours, nous sommes simplement partis d’un point de départ et d’un point d’arrivée, précise-t-il. Nous avons pris nos cartes et nous avons imaginé un parcours en privilégiant toujours les routes départementales qui nous paraissaient les plus logiques. Ensuite, nous sommes allés sur le terrain pour vérifier mètre par mètre la qualité des routes

Dans cet examen scrupuleux du réseau routier français, les équipes du Tour de France ont pris en compte tout un tas de critères, certains pour épicer certaines étapes avec la sélection de quelques côtes bien senties. Mais ils ont toujours veillé au maximum à éviter ce qui est devenu avec le temps l’ennemi du traceur et du coureur: l’îlot directionnel.

Depuis une trentaine d’années, le paysage routier français a été radicalement transformé par la volonté des pouvoirs publics de faire pousser ralentisseurs, haricots, ronds-points, retours de trottoirs afin de sécuriser les parcours des automobilistes.

Il existerait environ 30.000 ronds-points en France sachant que quelque 500 nouveaux sens giratoires seraient inaugurés chaque année pour un coût de 200.000 à 1 million d’euros selon la complexité de l’ouvrage et les décorations qui l’accompagnent.

Evidemment, ces ralentisseurs urbains deviennent un véritable casse-tête quand ces obstacles sont abordés par plus de 150 coureurs lancés à toute vitesse notamment lors des derniers kilomètres avant l’embardée d’un sprint massif. Comme les chicanes ajoutées sur les circuits automobiles pour freiner le rythme des bolides, ces créations sorties de l’imagination du génie fort civil de nos ingénieurs des ponts et chaussées sont autant de pièges placés sur la route des coureurs obligés de redoubler de vigilance.

«Sur certaines étapes, nous avons le déploiement de seulement 25 drapeaux jaunes qui signalent la présence de ce type d’obstacles, indique Jean-François Pescheux. Sur d’autres, notamment lors des étapes en ligne dans le Sud de la France, nous pouvons passer entre 150 et 200 drapeaux jaunes.»

Ces ronds-points et autres chausse-trappes pour coureurs vont tout simplement à l’encontre du sport cycliste et certaines villes, qui en sont tellement pourvues, sont désormais quasiment «interdites» de Tour de France, comme Lorient qui n’a plus accueilli la moindre arrivée depuis 2006.

«La dernière fois, nous avions dû emprunter une autoroute pour y accéder et cela ne reste pas un bon souvenir», se rappelle Jean-François Pescheux.

Pour recevoir la 7e étape de ce Tour de France 2014, le 11 juillet, la ville de Nancy et son agglomération de communes ont dû, par exemple, s’adapter en conséquence pour une somme d’environ 250.000 euros de travaux compensée, en principe, par les retombées publicitaires et internationales pour la cité lorraine.

Il a fallu respecter à la lettre le cahier des charges très strict de l’organisateur, ASO, qui insiste notamment très précisément sur la zone des cinq derniers et des deux derniers kilomètres.

La pose de barrières de part et d’autre de la chaussée sur la longueur des deux derniers kilomètres est ainsi demandée avec la nécessité d’une largeur de route d’au moins 6,5m sur les cinq derniers kilomètres de l’étape parfaitement dégagés du moindre obstacle.

«En conséquence, dans cette partie finale, nous avons dû supprimer des plateaux ralentisseurs qui sont ces petits îlots centraux qui parsèment aujourd’hui les voies des villes, remarque Thierry Marchal, directeur adjoint des services techniques de la communauté urbaine du Grand Nancy. Cela nous a obligés à casser la chaussée au marteau-piqueur sachant que nous réinstallerons ces équipements une fois le Tour de France passé.»

Sur la route, au-delà des drapeaux jaunes déployés par la gendarmerie, le balisage est très étudié avec notamment la pose de bottes de paille en fonction du type de sens giratoire: pour un sens giratoire que l’on traverse tout droit, une seule botte à l’entrée, pour un sens giratoire qui tourne à droite, une botte à l’entrée, une botte à la sortie.

Mais rien n’est jamais simple. Lors d’une étape de l’épreuve professionnelle de la Route du Sud, voilà 15 ans, deux coureurs échappés, au lieu de traverser un rond-point et de partir tout droit, s’étaient placés dans la roue du motard qui les précédait et avait fait le tour du sens giratoire. Ils avaient commencé à remonter la course en sens inverse et avaient cédé la tête!

Heureusement, le Tour de France est mieux organisé avec notamment ses drapeaux jaunes dont ne disposent pas les autres courses.

Pour les coureurs, l’oreillette qu’ils portent sur le Tour de France est un autre moyen d’être informés par la voiture de leurs suiveurs des obstacles placés sur la route et de la meilleure manière de les aborder.

Mais dans cette enfilade de ronds-points, le risque est toujours grand. «En fait, sur le Tour de France, il faudrait presque créer une oreillette sécurité qui indiquerait aux coureurs, dans toutes les langues, l’imminence d’un obstacle, souligne Jimmy Casper, ancien coureur français, spécialiste du sprint et vainqueur d’une étape du Tour de France en 2006. Mais j’ai envie de relativiser le problème dans la mesure où les routes sont beaucoup plus dangereuses en Belgique et aux Pays-Bas en raison non seulement des nombreux ronds-points, mais des pistes cyclables qui compliquent la chaussée.»

Il n’empêche, la tête de la course est souvent le refuge le plus «sûr» lors de la traversée de ronds-points. «Sur le Tour de France, les chutes surviennent le plus fréquemment en milieu ou en fin de peloton, remarque Jean-François Pescheux. Dans ces cas particuliers, les gros bras savent généralement se mettre à l’abri.»

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