France / Société

Que pensent les citoyens de la nouvelle carte des régions?

Temps de lecture : 5 min

Un premier bilan d’étape du débat en ligne sur la réforme territoriale lancé par notre partenaire Res Publica

Détail / sgillies via Flickr CC License by.
Détail / sgillies via Flickr CC License by.

Lancée à l’initiative de Res Publica, une entreprise spécialisée dans l’organisation et l’animation de débats publics, l’opération Nos régions demain, dont Slate.fr est partenaire, a été conçue pour permettre à tous les Français de débattre, ensemble et avec les élus, de la réforme territoriale.

Depuis sa mise en ligne, le site du débat a reçu près de 6.000 visites. Les contributeurs ont pu donner leur avis et détailler leur vision du redécoupage par le biais de contributions ouvertes sur des thématiques établies. Parallèlement, du 7 à 26 juin, 358 inscrits ont répondu à un questionnaire sur les enjeux de cette réforme.

Voici un premier bilan d’étape de cette consultation.

1.Le principe de la réforme remporte l'adhésion

Premier point notable (même s'il faut l'accueillir avec prudence, l'échantillon interrogé ne constituant pas un panel représentatif): le principe d’une réduction du nombre des régions est accueilli favorablement par l’écrasante majorité des répondants (90%). De même, la suppression des conseils généraux –programmée pour 2017– suscite l'adhésion d'une majorité de près de 70% des répondants. Les participants voient avant tout cette réforme comme l’occasion de simplifier notre mille-feuille territorial, avant même les enjeux économiques et la question de la réduction des déficits publics.

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2.Des inquiétudes sur l'avenir des territoires... et sur le respect de leurs identités

Le débat sur le site fait apparaître des espoirs et des interrogations. D’abord, plusieurs contributeurs insistent sur l’importance de l’identité des territoires et de sa prise en compte dans le redécoupage.

La question du sentiment d’appartenance et de la possibilité de le développer à partir de nouvelles entités est posée… Un exemple parmi d’autres avec la région Picardie et les départements du Gard et de l'Hérault:

«Vouloir rattacher la Picardie à Champagne-Ardenne, c'est aller contre le sentiment profond d'appartenance des Picards. De même, vouloir, à travers la région Languedoc-Roussillon, ramener le Gard ou l’Hérault en Midi-Pyrénées, sous prétexte de raisonner par bloc de régions, est une négation de la réalité culturelle et économique de ce territoire.»

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Autres points de préoccupation, le destin des villes dans les cas de fusions de régions: la rivalité entre Dijon et Besançon pour la fusion Bourgogne–Franche Comté, une possible marginalisation de Limoges dans un Limousin qui serait fusionné avec les régions Centre et Poitou-Charentes ou l'articulation du réseau de villes de l’Est (Metz, Nancy, Strasbourg).

Voici la carte de la réforme proposé par le gouvernement et les propositions de redécoupage des sénateurs qui ont finalement été rejetées par la commission spéciale du Sénat, début juillet.

Sans surprise, c’est pour les territoires ruraux ou éloignés des centres urbains que l’incertitude se fait sentir, avec parfois un «sentiment d’être laissés pour compte» (un contributeur des Alpes de Haute-Provence).

On parle aussi d’une exigence de «proximité» et de meilleur maillage des services publics sur le territoire, «proximité [qui] doit développer les services et économies des zones rurales (le nid du FN) [et qui] doit permettre la mise en place de circuits courts, respectueuse du développement durable».

La question de la cohérence économique de certains redécoupages est également posée:

«Envisager une région Alsace Lorraine + Champagne est risqué: un espace trop vaste (des portes de Paris jusqu’au Rhin), déséquilibré (la Champagne est beaucoup plus rurale que l’Alsace-Lorraine) et qui suscitera de facto moins d’adhésion; les Alsaciens le refusent catégoriquement.»

Sans parler de «l’assemblage hétéroclite» entre Limousin, Centre et Poitou-Charentes, qui n'a pas fait l’unanimité (dans le dernier découpage proposé par le rapporteur du texte à l'Assemblée Carlos Da Silva, le Limousin rejoint d'ailleurs l'Aquitaine)

«Outre que le fait de mettre ensemble trois régions pauvres ne fait pas une région riche, qu'il n'y a aucune identité commune (qu'elle soit historique, géographique, climatique...) et qu'il y a 520 km du nord au sud de ce monstre, il est révélateur de constater que certaines régions s'en tirent mieux que d'autres quant au maintien des baronnies!»

3.Une réforme pas assez ambitieuse...et qui manque de souplesse

Une très large majorité est favorable à la possibilité de recomposer les régions en autorisant tel ou tel département à changer de région. Rappelons que le texte du gouvernement ne le permet pour l'instant pas: seules des régions entières pourront fusionner.

Comme toujours en France, on fait une réforme et on réfléchit après

Un contributeur

La question des compétences des territoires n’est pas non plus à l’ordre du jour du redécoupage. Or, plus de 80% des répondants considèrent que la réforme doit s’accompagner d’un renforcement de la décentralisation. «Il y a clairement des politiques qui pourraient être assumées au niveau local (le local pouvant être plus ou moins large suivant les territoires et les contextes locaux)», nous dit un contributeur.

Voici une contribution lapidaire qui résume l’état d’esprit de plusieurs participants:

«Comme toujours en France: on fait une réforme et on réfléchit après, alors si on fait une réforme pour ne rien changer à l'intérieur, à quoi cela sert-il ?»

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L’impression dominante est donc qu’on reste au milieu du gué ou que la réforme passe à côté de sujets centraux. «Cette réforme telle que présentée manque de courage [...] par le fait même de sa présentation sous cape et non en toute transparence en direct face au peuple avec pédagogie», lit-on sur le site du débat:

«Or il en faudra de toute façon du COURAGE, car il faudra bien que chacun accepte de nouvelles capitales, une réduction drastique du nombre d'élus et moins de [fonctionnaires] territoriaux! Cette réforme doit réécrire qui fait quoi depuis les communes jusqu'à l'Etat ainsi que leurs sources de financements; et enfin instituer une responsabilité de gestion des élus!»

4.Débat ou référendum?Quelle forme doit prendre la concertation?

Dernier aspect: la population doit-elle voter pour valider les arbitrages du Parlement? Un débat démocratique sur ces réformes est souhaité par plusieurs contributeurs, dont l’un déplore que «malheureusement, le découpage s'est fait dans les bureaux du gouvernement sur les conseils de la "garde rapprochée" de M. Hollande.»

Selon un autre, «dans le projet annoncé, c'est du bricolage, préservant avant tout les intérêts de quelques notables de la gauche PS. J'en veux pour exemple le statut quo des Pays de Loire et le refus de rattachement de la Loire-Atlantique à la Bretagne!»

Ou encore:

«Un débat mené au grand galop et orienté sur la seule question du redécoupage des régions aboutit à une carte des régions qui fait quasiment l'unanimité... contre elle. Quel gâchis!»

Un éventuel référendum pourrait donc laisser prévoir un rejet global des redécoupages proposés, comme le précédent alsacien l’a montré:

«Si consultation il y a, elle devra prendre la forme d'un débat public afin de faire comprendre que ce n'est pas un sujet identitaire mais un sujet d'organisation harmonisée et des politiques choisies à l'échelle d'un territoire.»

Mais une consultation sur quoi? Seulement sur la nouvelle carte, ou plus en profondeur sur les compétences de chaque échelon et les enjeux d’une réforme territoriale d’ampleur? Selon une autre contribution:

«Si les enjeux portent sur une meilleure efficacité du service public (la fameuse "modernisation"), alors il faut prendre le temps d'une concertation réfléchie et globale (en créant une commission parlementaire accompagnée par des experts scientifiques, le conseil économique et social, les associations d'élus...).»

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