Les matchs à élimination directe de la Coupe du monde commencent ce samedi 28 juin, alors que des millions de musulmans s'apprêtent à célébrer le mois sacré du Ramadan, une observance qui commémore la révélation du Coran à Mahomet. La doctrine religieuse requiert que les musulmans pratiquants jeûnent de l'aube au coucher du soleil. Des vedettes musulmanes comme Karim Benzema vont-elles entraver leur performance en s'abstenant de manger et de boire?
D'abord, tous les joueurs musulmans ne jeûnent pas pendant le Ramadan. «Je ne vais pas le faire parce que je travaille» a décalé l'Allemand Mesut Özil. Interrogé par le journal émirati The National, le milieu de terrain de la Côte d'Ivoire Yaya Touré a répondu, incrédule:
«Jeûner? Vous avez vu le temps? Je mourrais.»
Touré n'a plus besoin de s'inquiéter, la Côte d'Ivoire a été éliminée de la Coupe du monde avant le début du jeûne. Quatre joueurs français sont concernés par le Ramadan: Karim Benzema, Paul Pogba, Moussa Sissoko et Bacary Sagna. Ce dernier a déclaré:
«En tant que musulman, je sais que certaines lois permettent de l’éviter. Moi, je ne vais pas le faire, mais je respecte ceux qui vont le pratiquer».
Pour ceux qui décideraient de jeûner, les travaux sur le sujet suggèrent que les effets sur la performance athlétique ne sont peut-être pas si importants que cela.
Dans un article publié dans le Journal of Sports Science en 2012, des chercheurs pour la plupart Tunisiens emmenés par le docteur Anis Chaouachi du Centre national de médecine et de science du sport de Tunisie ont examiné 22 études sur l'entraînement athlétique et la compétition pendant le jeûne du Ramadan.
Peu d'aspects de la forme physique sont influencés de manière négative
Si la plupart des données explorées étaient non-concluantes à cause des différences d'approches entre chaque athlète et d'autres facteurs, les «études bien contrôlées» que les chercheurs ont analysées «suggèrent que peu d'aspects de la forme physique sont influencés de manière négative, et que quand une baisse est observée, elle est généralement modeste».
Les chercheurs ont aussi trouvé que les effets de la fatigue et du stress perçus pendant le jeûne étaient négligeables. Ils ont conclu que «les athlètes qui maintiennent la totalité de leur apport énergétique et en macronutriments, de leur charge d'entraînement, de leur composition corporelle et de la durée et de la qualité de leur sommeil ont peu de chances de connaitre une baisse de leur performance pendant le Ramadan.»
L'une des conclusions les plus intéressantes de l'article est que réduire la charge d'entraînement pour aider les joueurs qui jeûnent entraverait en fait plus la performance que le jeûne lui-même. Les entraîneurs qui font de petits ajustements pour leur joueurs qui jeûnent tout en s'assurant que leurs besoins nutritionnels et en sommeil sont assurés peuvent s'attendre à maintenir le même niveau de performance, tandis que ceux qui allègent les entraînements créent un effet de «désentraînement» qui altère la performance.
Les auteurs de l'article soulignent quand même le besoin d'effectuer plus d'études sur le sujet pour établir avec certitude les effets du jeûne du Ramadan sur «les athlètes d'élite qui évoluent dans des environnements extrêmes» et «les compétitions les plus difficiles». Soit la définition parfaite de la Coupe du monde de cette année, qui voit s'affronter les meilleurs joueurs de football de la planète sous des températures élevées.
Une nouvelle journée caniculaire comme celle du match Etats-Unis-Portugal de dimanche dernier, qui s'est joué dans la forêt tropicale à Manaus, pourrait voir les joueurs respectant le jeûne se précipiter sur une éventuelle pause de réhydratation. Mais en dehors de ce cas de figure, il y a toutes les raisons de croire qu'ils n'auront aucun problème.