Mon père en avait une… Ça a été ma première voiture… On est parti en vacances avec, on était cinq. A chaque étape, la 4 chevaux Renault réveille les souvenirs. Avec sa bouille sympathique, les vrombissements aigus de son petit moulin, on dirait presque un jouet égaré, au milieu de somptueux bolides Ferrari, Porsche, Jaguar… Aux contrôles, on nous montre des photos… « Regardez la mienne, une « 1062 », je l’ai depuis 1955 ! ».
On veut se faire photographier devant, à chaque fois, c’est un petit attroupement, une foule indifférente aux Ferrari, à côté desquelles nous courons. On nous demande qui de nous deux est Gamot, qui est Maeght, les noms de l’équipage glorieux, encore peints en lettres blanches sur le capot. Il faut expliquer, parler des deux amis, Gamot le mécanicien, Adrien Maeght, le grand marchand d’art passionné de course. On parle de leur palmarès, le Tour de Belgique, le Rallye des Loches, le Neige et Glace... les yeux pétillent.
Pour les connaisseurs, il faut expliquer. C’est une 1062, modifiée à l’époque en 1063, avec des pièces de compétition d’usine. En somme, un modèle rare. On doit soulever le capot du moteur, placé à l’arrière – une contribution d’un prisonnier de guerre un peu particulier, Ferdinand Porsche – dit la légende.
Partout, on nous donne des conseils et quand notre carburation est déréglée, un chef d’atelier de Renault, présent dans l’assistance, remet tout d’équerre, à l’ancienne comme par magie et en trois minutes. À Valence, c’est un autre garagiste Renault, Alain Degot, venu voir les autos dans le parc fermé qui se couche sous la voiture pour régler nos freins...
Dans notre plateau, nos concurrents qui s’amusaient au départ, s’inquiétaient pour notre confort, sont touchés par la performance de la «4 pattes». Notre auto est devenue leur mascotte. Quand, après une spéciale, notre assistance étant trop éloignée, il nous manque de l’huile, c’est une Porsche 911 Rs, qui nous dépanne.
Un peu plus loin immobilisée au bord de la route, en pleine montagne, une autre Porsche, la 356 Speedster demande a son assistance de s’occuper de nous. C’est beau la solidarité automobile (j’allais dire entre Porschiste en référence à la filiation avec Ferdinand Porsche, mais ce serait exagéré) quoique, je suis sûr que du paradis des automobilistes, Monsieur Porsche a dû être très content.
Mais attention avec sa carrosserie bleu roi, notre 4 chevaux 100 % made in France à l’emblème du coq boxeur, créé par Floc’h, arborait avec fierté le drapeau tricolore à chaque départ et à chaque arrivée. Notre pilote en béret (mais sans baguette), véritable figure du Tour, a fait rayonner les valeurs prônées par l’organisateur, Patrick Peter et son club, l’Automobile Club de France : Courtoisie, Sportivité.
Plusieurs pilotes, d’Aston ou d’Austin Healey, sont venus s’asseoir derrière le volant de la petite Renault et en sont ressortis avec des sourires d’enfants. Les plaisirs automobiles ne sont pas que des questions d’argent. Comme le style ou l’élégance, c’est d’abord une affaire d’idée. Si on a dit que l’élégance était « une idée qui flottait autour d’un homme », on peut transposer ce concept à l’automobile.
À chacun de vivre son rêve, selon ses envies, Patrick de Dumast avec sa Giulietta T.I. que n’aurait pas reniée Walter Risotto, Jean-Marc Krief avec sa DB4GT, restaurée avec un goût parfait, les charmants Tomas Hinrichsen et Solange Mayo, venus d’Argentine avec leur barquette Osca 372 FS ou encore Anthony Moody et sa fille Gabrielle, dans leur si belle DB4 « wedgewood blue ».
Magnifique rendez-vous, le Tour Auto offre si l’on devait le résumer en une phrase, la redécouverte du plaisir automobile sous toutes ses formes, voyage, vitesse, rencontres. De cette aventure, placée sous le signe de « la France se rebiffe », nous retiendrons l’extraordinaire popularité de notre 4 chevaux Renault et le compliment que Monsieur Anthony Moody, élégant et raffiné collectionneur d’Aston Martin aux allures des «Rolling Stones», a adressé à notre équipage...
«Vous le savez, nous les Anglais, nous adorons la France... grâce à vous, votre présence dans ce Tour Auto 2014, nous avons compris que l’esprit français n’était pas mort!» Pouvait-on rêver meilleur toast autour d’une coupe de champagne à l’arrivée, en regardant la Méditerranée se refléter sur le Mucem et les plus belles créations automobiles ?
Merci la France
La 4 chevaux Monsieur, « la France se rebiffe », voiture 100 % française, fabriquée par Renault à 1 105 547 exemplaires de 1947 à 1961, est un projet qui n’aurait pu aboutir sans le soutien de Monsieur Adrien Maeght, qui a prêté gracieusement cette auto si chère à son cœur, de Renault, dont la prochaine Twingo avec son moteur à l’arrière va être l’héritière de la 4 chevaux. Jean-François Bardinon, créateur de Chapal, a fabriqué pour les pilotes, les blousons de cuir (qui ont fait beaucoup d’envieux), les chaussures de conduite et combinaisons légères.
Notre tenue de ville, blaser et pantalons Smuggler, ont été fabriqués par la Compagnie Française de Confection, installée à Limoges comme la manufacture de nos souliers Weston. Nos cravates Hermès tissées à Lyon, nos chaussettes ne pouvaient être que des DD, nos lunettes des Lafont, fabriquées à Morbier et bien sûr, nos boxer des « Slips français ». Cocorico ! Outre Renault, et particulièrement Claude Hugot et Delphine Margue, tous nos remerciements à Lucien-François Bernard, spécialiste de l’assurance des véhicules de collections (LDA), Patrick Hornstein pour Facom et son intervention auprès de Michelin. Jean-Baptiste Tuzet de la radio Crooner et last but not least Antar Daouk qui a soutenu cette belle idée dès l’origine.