L'Allemagne est le pied-à-terre européen des services secrets américains. D'après une cinquantaine de documents secrets (à télécharger ici) fournis par Edward Snowden à Der Spiegel et que l'hebdomadaire publie cette semaine en exclusivité, l'Allemagne est le pays européen où la NSA compte le plus de bases secrètes. Der Spiegel en a répertorié six : l'une d'elle se trouve tout bonnement sur le toit de l'ambassade américaine à Berlin, au pied de la Porte de Brandebourg:
«Au dernier étage de l'ambassade […] se tapit un équipement des plus modernes pour écouter les téléphones mobiles, les réseaux wifi et les communications satellitaires. Depuis cet endroit, les services secrets peuvent manifestement surveiller les communications des téléphones mobiles dans le Regierungsviertel [NDLR : le quartier où se trouve le Reichstag].»
Ce serait donc depuis cette base que la NSA aurait espionné des mois durant le téléphone portable d'Angela Merkel, précise Der Spiegel, qui précise que la publication des documents remis par Snowden «est aussi dans l'intérêt du gouvernement fédéral : jusqu'à présent, il a demandé en vain des explications au partenaire américain – et ne sait visiblement toujours pas exactement ce que fait la NSA en Allemagne.»
La plupart des autres caches de la NSA se trouvent au sein de bases militaires américaines situées dans le sud du pays. Les services secrets américains sont particulièrement bien implantés dans le Land de la Hesse, comme à Francfort, dans les locaux du consulat général américain, et à Wiesbaden, au European Technical Center, une base logistique de l'armée américaine. À cinq kilomètres de là, la NSA est d'ailleurs en train de faire construire une nouvelle station d'écoute qui devrait être opérationnelle d'ici fin 2015. Les espions américains se terrent également dans les sous-sols du Dagger-Komplex, à Griesheim, où se trouve le European Cryptologic Center. C'est la base de la NSA la plus importante d'Europe.
La NSA dispose également d'une base centrale à Stuttgart, au sein de la base militaire de Patch Barracks et d'une station d'écoute à Bad Aibling, au sud-est de la Bavière, où elle partage ses locaux depuis 2004 avec le services de renseignement allemand, le Bundesnachrichtendienst (BND), comme le révèle Der Spiegel:
«Quand la station d'écoute de Bad Aibling a été transmise à l'Allemagne par les USA en 2004, les employés de la NSA ont déménagé dans la caserne Mangfall, dans un bâtiment en métal qu'ils avaient fait construire, surnommé «la boîte de conserve». Contrairement aux autres bâtiments situés sur le terrain, le siège de la NSA n'a aucune fenêtre – mais en revanche un accès au réseau interne des services secrets.»
Si les services secrets américains et allemands semblent coopérer de manière étroite sur le territoire allemand, les premiers semblent de toute évidence cacher une bonne partie de leurs activités de surveillance aux autorités allemandes, comme le laisse entendre un document confidentiel de la NSA que s'est procuré Der Spiegel sur lequel il est précisé:
«Le pays d'accueil ne doit bien entendu rien savoir. […] Le fait qu'un pays ami, un dénommé «third party» comme l'Allemagne, avec lequel peut-être même que des informations sont échangés entre les services secrets, soit ou ait été espionné, doit rester secret au minimum pendant 75 ans.»
Le 3 juillet prochain, les membres de la commission d'enquête mise en place l'an dernier par le Bundestag pour faire la lumière sur les écoutes américaines devraient rencontrer Edward Snowden à Moscou pour recueillir son témoignage. Mais d'après l'hebdomadaire Die Zeit, cette rencontre apparaît de plus en plus improbable, les membres de la commission se querellant depuis des mois sur les modalités de la rencontre. L'opposition réclame la venue du lanceur d'alerte à Berlin, ce à quoi la CDU s'oppose en raison de la convention d'extradition qui existe entre l'Allemagne et les États-Unis. L'avocat d'Edward Snowden vient par ailleurs d'informer par courrier la commission d'enquête que son client souhaitait annuler la rencontre, précisant:
«Il n'existe […] actuellement ni lieu ni besoin pour une discussion de vive voix, «informelle», à Moscou.»