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Combien y a-t-il de djihadistes en Syrie? Plus qu'en Afghanistan du temps de l'invasion russe?

Temps de lecture : 3 min

Et combien d'étrangers sont engagés des deux côtés de la guerre civile?

Un rebelle syrien islamiste appartenant au front  al-Nosra, mai 2014. REUTERS/Hamid Khatib
Un rebelle syrien islamiste appartenant au front al-Nosra, mai 2014. REUTERS/Hamid Khatib

L'affaire est connue: de nombreux combattants étrangers ont rejoint la guerre civile syrienne, dans les rangs des rebelles ou du côté du régime de Bachar el-Assad. En trois ans à peine, environ 12.000 étrangers se sont engagés aux côtés des rebelles syriens, rapporte Time.

Les chiffres sont bien sûr difficiles à vérifier, mais selon The Soufan Group, un cabinet d’intelligence et de sécurité qui agrège les chiffres fournis par les services de renseignement de chaque pays, la Syrie aurait déjà attiré autant d'étrangers que le conflit afghan dans les années 1980 qui avait opposé l'URSS aux moudjahidines («guerriers saints»).

C'est d'ailleurs lors de ce conflit que l'organisation terroriste al-Qaida a vu le jour. En Afghanistan, ils étaient environ 10.000 à avoir rejoint les rangs des moudjahidines.

D’où la conclusion du rapport: la Syrie est un dangereux labo à terrorisme. Notamment en ce qui concerne les pays occidentaux: les quelque 3.000 combattants étrangers en Syrie, issus de pays occidentaux, ont épousé la cause de groupes rebelles dominés par des islamistes extrémistes.

«Au-delà du sort de la Syrie, si al-Qaida parvient à maintenir un réseau, même restreint, de réfugiés motivés ou de recruter des combattants-terroristes alors qu’ils sont en Syrie, cela pourrait à terme représenter une menace mondiale

Les trois groupes les plus attractifs sont le Front al-Nosra, Ahrar al-Sham, proche d'al-Qaida ainsi que l’Etat islamique en Irak et au Levant.

Et les Français dans tout ça?

Il n'existe pas de profil type du Français djihadiste, façon Medhi Nemmouche, l'homme arrêté dans le cadre de l'enquête sur l'attentat contre le musée juif de Bruxelles, selon Stéphane Mantoux, agrégé d’histoire et spécialiste des questions militaires dans son billet de blog «cachez ces djihadistes que je ne saurais voir». Seul constat: sur le total, «20% seraient des convertis, mais la majorité reste des jeunes gens d'origine maghrébine, pas forcément musulmans pratiquants, mais qui se radicalisent très rapidement.»


«Ce qui est inquiétant, c'est la forte proportion de personnes parfois seules qui s'autoradicalisent par différents moyens, notamment le web», poursuit Stéphane Mantoux. The Soufan Group relève aussi que la radicalisation est accélérée par les réseaux sociaux: loin de s'ouvrir sur le reste du monde, les jeunes candidats au djihad s’auto-limitent à une bulle d'extrémistes.

L'auteur du rapport, Richard Barrett, un ancien des services de renseignement britannique et des Nations unies, tempère un peu la menace en rappelant que «le passage d’un combattant au terrorisme n’est pas linéaire et n’est pas inéluctable, et la majorité de ceux qui reviennent de Syrie ne vont pas représenter une menace terroriste. Toute la difficulté réside dans la capacité à distinguer ceux qui vont passer à l’acte de ceux qui ne vont rien faire».

Les autorités font donc face à un nouveau défi: «l'évolution de la nature même du terrorisme islamiste fait que le retour d'une dizaine de combattants fanatisés seulement pourrait avoir un impact démesuré, par la création de réseaux, ou même par une action en solitaire, comme celle de Mohamed Merah. C'est tout l'enjeu, pour les services de renseignement, d'arriver à dissoudre au mieux ce phénomène, tâche des plus ardues», indique Stéphane Mantoux.

Le régime syrien compte-t-il plus de combattants étrangers?

Le régime de Bachar el-Assad lui aussi voit ses rangs gonflés par des combattants originaires d'autres pays. Les chiffres sont également difficiles à vérifier. Matthieu Cimino, enseignant à Sciences-po et spécialiste des relations entre Israël, le Liban et la Syrie, estime dans un article d’OrientXXI que les troupes de Bachar sont dans un piètre état. Stéphane Mantoux va dans le même sens et décompte entre 40.000 et 50.000 soldats formant le corps de bataille du régime syrien.

D’où la nécessité de renforts venus de l’étranger. Des miliciens irakiens chiites, au nombre de 10.000, auraient rejoint la Syrie pour assister le régime syrien dans les opérations de sécurisation des sites religieux. Leur effectif total pourrait même s’élever à 40.000 miliciens.

L’autre grande force venue au secours de Damas est le Hezbollah libanais. Au départ simple appui logistique, «la branche militaire du parti chiite s’est rapidement transformée en une véritable force de substitution, et ce depuis la bataille symbolique d’Al-Qoussair» explique Matthieu Cimino. Il faut ajouter à cela quelques Pasdarans iraniens, sortes de conseillers militaires envoyés par Téhéran.

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