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Les équipes qui interdisent à leurs joueurs d'avoir des relations sexuelles ont-elles de meilleurs résultats?

Temps de lecture : 5 min

Pour ce Mondial 2014, les Brésiliens et les Français seront libres de faire ce qu'ils veulent. En revanche, ce sera ceinture pour les Bosniens.

Le joueur de l'AS Roma Mattia Destro célèbre son but face à la Sampdoria en Serie A le 16 février 2014, REUTERS/Giampiero Sposito
Le joueur de l'AS Roma Mattia Destro célèbre son but face à la Sampdoria en Serie A le 16 février 2014, REUTERS/Giampiero Sposito

Luiz Felipe Scolari, l'entraîneur de la sélection brésilienne qui va tenter de décrocher le titre suprême sur ses terres, est un homme qui sait adapter ses méthodes à l'état du savoir et de la science. En 2002, alors qu'il était déjà entraîneur du Brésil, il avait interdit à ses joueurs toute relation sexuelle à partir du début du stage de préparation à la Coupe du monde au Japon et en Corée du Sud.

Douze ans plus tard, «Big Phil» a décidé de faire confiance à ses joueurs, qui seront donc autorisés à faire l'amour tant qu'ils ne s'épuisent pas trop.

Pourquoi un tel changement de politique alors que la mesure drastique avait plutôt bien réussi à son équipe en 2002, qui avait soulevé le trophée alors qu'elle ne partait pas favorite? La réponse est sans doute que Luiz Felipe Scolari est mieux informé sur le sujet aujourd'hui.

Croyances

La question des effets du sexe sur la performance sportive n'est pas nouvelle. Platon conseillait aux athlètes olympiques d'éviter la copulation pour améliorer leurs performances, une théorie que Pline l'Ancien a contesté 500 ans plus tard, estimant pour sa part que l'acte sexuel pouvait revigorer les athlètes.

Au XXe siècle, avec la généralisation du sport professionnel, chaque sportif de haut niveau avait son propre avis sur la question: Mohammed Ali affirmait qu'il s'abstenait entre six et huit semaines avant les grands combats, l'ancien coureur de 5.000 mètres Marty Liquori estimait que «le sexe vous rend heureux, et les gens heureux ne courent pas un mile en 3 minutes 47 secondes» tandis que pour la star brésilienne Romario, «les bons attaquants marquent davantage lorsqu’ils ont fait l’amour la veille d’un match».

Mais c'est depuis les années 1990 que la plupart des travaux scientifiques sur la question ont été effectués. Et autant mettre fin au suspense dès maintenant: comme nous l'écrivions déjà en 2010, rien ne prouve que l'activité sexuelle a un impact, négatif ou positif, sur la performance sportive.

Science

En 2008, Tommy Boone, professeur au College of St. Scholastica dans le Minnesota, a publié l'ouvrage de référence sur le sujet: Sex Before Athletic Competition, Myth or Fact?.

En plus de faire une synthèse des travaux disponibles sur le sujet, il a réalisé une série de tests lui-même. Il a fait courir 11 hommes jusqu'à l'épuisement physique total sur tapis de course un jour où ils n'avaient pas eu d'activité sexuelle depuis 12 heures, et un autre où c'était le cas. Les résultats ont été identiques.

Les bons attaquants marquent davantage lorsqu’ils ont fait l’amour la veille d’un match

Romario

Toutes les études montrent qu'une relation sexuelle ne brûle que peu de calories, l'équivalent de monter trois étages puis de s'étirer pour atteindre un livre perché sur une haute étagère, selon Tommy Boone.

Une autre théorie qui a longtemps eu du succès dans les sports de contact comme la boxe voudrait que l'éjaculation fasse diminuer le niveau de testostérone, l'hormone du désir sexuel et de l'agressivité. Là encore, la science semble aller à l'encontre des croyances de certains sportifs.

«C'est une idée vraiment fausse», a déclaré en 2006 Emmanuele Jannini de l'université de l'Aquila en Italie à National Geographic. Ce professeur d'endocrinologie a montré dès 1999 que, après une abstinence de trois mois, le niveau de testostérone baissait pour atteindre un niveau proche de celui constaté chez les enfants.

En fait, le sexe pourrait au contraire avoir des effets psychologiques positifs sur la performance sportive en diminuant le niveau de stress et en augmentant l'estime de soi et l'image que l'on a de son propre corps, explique Tommy Boone a ESPN:

«Certains athlètes ne vont pas réussir à atteindre leur niveau maximal de performance s'ils sont très stressés. La décharge associée à un état d'excitation sexuelle élevé pose les bases d'une meilleure préparation psychologique.»

Statistiques

Face à l'absence de réponse définitive du côté de la science, regardons maintenant l'effet de la politique sexuelle des sélectionneurs sur le résultat de leur équipe en Coupe du monde. Le tableau ci-dessous récapitule pour chaque équipes dont les sélectionneurs ont publiquement évoqué la politique vis-à-vis du sexe pendant la compétition par le passé:

• la performance de l'équipe prévue par les bookmakers avant la compétition (l'équipe avec la cote la plus basse pouvait s'attendre à gagner, la deuxième cote la plus basse à terminer deuxième, les quatre cotes les plus basses en demi-finale, les huit plus basses en quarts de finale etc.)

• leur position finale dans le tournoi

• la différence entre leur position «prévue» par les bookmakers et leur position finale.

Par exemple, en 2002 le Brésil était le quatrième favori des bookmakers pour gagner la compétition, ce qui lui prédisait une place en demi-finales, et a remporté la compétition, ce qui équivaut à deux places de mieux que ce qui lui était prédit. Les cotes historiques des bookmakers ont été récupérées ici pour 1990 et 1994, ici pour 2002, ici pour 2006 etlà pour 2010.

Si les cas ne sont pas assez suffisants pour donner un résultat statistiquement significatif, le tableau montre tout de même qu'on est loin de pouvoir trouver une corrélation entre la politique sexuelle des sélectionneurs et la performance des équipes: l'abstinence a bien marché pour le Brésil en 2002, mais pas pour l'Angleterre en 2010. La tolérance du sexe n'a pas porté chance à la France en 2002 mais a plutôt bien réussi aux Bleus en 2006, quand ils avaient eu le droit de voir leurs femmes deux fois deux jours pendant la compétition.

En additionnant toutes les différences entre la performance prévue et le tour auquel les équipes ont été éliminées, on arrive à un total de -1 pour les équipes qui ont banni le sexe et à -8 pour celles qui l'ont autorisé à des degrés différents (liberté totale, seulement après les matchs, seulement à certains moments de la compétition etc.). Les équipes ayant mis en place une interdiction semblent s'en être mieux sorties, mais ont quand même fait dans l'ensemble moins bien que ce qui était prévu.

En 2014, les avis diffèrent encore parmi les sélectionneurs. Didier Deschamps, que la question n'a semble-t-il pas vraiment amusé, a annoncé qu'aucune interdiction n'allait être faite aux Bleus au Brésil, ajoutant à l'image de Scolari que tout dépendait de «quand, comment, combien»:

Au contraire, l'ancienne gloire du PSG Safet Susic, qui est à la tête de la sélection bosnienne, a annoncé la couleur à ses joueurs, dont il attend une «discipline militaire» pendant la compétition:

«Il n'y aura pas de sexe au Brésil. Ils peuvent trouver une autre solution, ils peuvent même se masturber s'ils veulent. Je ne suis pas intéressé par ce que font les autres entraîneurs, ce ne sont pas des vacances, nous sommes là pour jouer au football à la Coupe du monde.»

Espérons pour elle que la fédération bosnienne a prévu un budget pour les factures de vidéo à la demande des chambres de ses joueurs.

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