France

L'UMPS est une réalité. Que l'UMP et le PS l'assument

Temps de lecture : 3 min

Plutôt que de grossir leurs différences pour répondre aux accusations de collusion du Front national, le PS et l'UMP seraient mieux inspirés de gouverner ensemble. Les pays à grande coalition se portent mieux que nous.

Spectacle de danse «Icons», à Malte, en 2006. REUTERS
Spectacle de danse «Icons», à Malte, en 2006. REUTERS

Marine Le Pen a raison. Les deux principaux partis dits «de gouvernement» ont la même politique. Droite et gauche sont d'accord sur l'essentiel: une économie sociale de marché, comme disent les Allemands qui ont, aussi, ce même objectif d'un capitalisme apaisé, avec une importante composante sociale, le désir de bien former leurs enfants et l'assurance d'avoir une retraite payée.

Ce mode de vie commun, européen autant que français, est menacé par le monde alentour, par la mondialisation, par les technologies, par le vieillissement. Mais ce modèle s'est ankylosé, il ne répond plus aux nouvelles conditions sociales du précariat, les inégalités de condition reviennent malgré les prestations financières, il faut l'adapter. C'est ce que UMP et PS appellent «les réformes».

Là où Marine Le Pen a faux, c'est qu'elle voit cette politique en échec. Ces «réformes» appliquées par la droite comme par la gauche, dit-elle, ne réussissent pas à vaincre le chômage ou à empêcher le délitement de la société. Elles font l'inverse, elles menacent de déclassement et font naître dans les ventres l'angoisse d'un avenir de plus en plus noir. La présidente du Front national voit dans son succès la condamnation de cette politique UMPS.

Elle se trompe complètement: si cette politique ne réussit pas, ce n'est pas parce qu'elle est mauvaise et qu'il faut «tout autre chose» mais, platement, benoîtement, parce qu'elle n'est pas appliquée. Droite et gauche ne sont pas coupables d'avoir une politique délétère, elles sont coupables de ne pas en avoir, de se contenter depuis vingt ans, depuis Jacques Chirac, de ne rien faire à la hauteur, de se contenter de vagues réformettes.

L'ancien Président avait été terrorisé par les grèves des Postes en 1975: il était alors à Matignon. Il l'avait à nouveau été ensuite, à l'Elysée, en 1995, quand surgit la forte contestation des réformes de la fonction publique proposées par Alain Juppé. Par peur de la rue, il replia promptement toute velléité de changement, freina verbalement ses ministres réformistes et imposa l'immobilisme tout au long de son second quinquennat.

Entre-temps, Lionel Jospin, porté par une croissance venue de l'étranger, n'a jamais vu la nécessité de réviser le modèle. Il mettait ses difficultés sur le compte simpliste d'un capitalisme de plus en plus dur. Nicolas Sarkozy, promettant «la rupture», a paru comprendre, mais la crise et son attirance viscérale pour l'étatisme ont tué sa volonté. Il a été l'homme de quelques demi-réformes, comme celle des universités.

Ce qu'il eût fallu faire avec hardiesse, avec radicalité, est pourtant fort connu depuis longtemps, inscrit dans tant de rapports depuis Michel Camdessus (2004), Jacques Attali (2007), jusqu'à aujourd'hui celui (bientôt remis à François Hollande) de Jean Pisani-Ferry. Tous disent l'urgence qu'il y a à réviser le «modèle français», non pour le dénaturer, non pour dissoudre «l'identité française», mais tout au contraire pour les sauvegarder.

Il faut le dire et le redire à des électeurs perdus et attirés par le mythe de «l'autre politique»: la France va mal non pas à cause des «réformes UMPS», mais bien parce qu'elle ne les a pas faites.

La peur du FN semble devenue l'unique boussole de la classe politique. UMP et PS grossissent leurs différences pour contrer le frontiste slogan de «l'UMPS», réplique moderne du «bonnet blanc et blanc bonnet» communiste de 1969. Leurs différences existent: la droite est pour le travail et contre l'assistanat, la gauche est pour l'autre vie «après le travail» et contre l'excès de richesses. Ce ne sont pas là des oppositions mineures.

Mais à l'heure du péril, quand il ne s'agit que de mettre en route des réformes sur lesquelles l'accord se fait, il serait opportun de dire crânement aux extrémistes : «Allons y enfin! Entendons-nous et faisons ces réformes UMPS!» Plusieurs personnalités, comme Hubert Védrine, le demandent (1).

On entend les soupirs immédiats: idéalisme! En France, coalition rime avec trahison! L'Union nationale est impossible à cause de nos institutions présidentielles! Faut-il répondre que les pays à grande coalition se portent mieux, justement parce qu'elle permet de discuter pour trouver le bon compromis politico-social, celui qui assemble ensuite la nation, pour avancer ainsi dans les réformes ?

On devine ce que la stratégie attentiste a encore d'attirant. L'UMP peut attendre que François Hollande s'échoue complètement. François Hollande peut continuer à attendre que la reprise mondiale vienne le sauver. Politique du pire ici, politique aveugle là. La déception des indices conjoncturels les plus récents, la mauvaise volonté patronale à investir et à embaucher, montrent que la politique actuelle du chef de l'Etat a très peu de chances de réussir.

Une UMP reconstruite sur une ligne plus centrée et réformiste ne peut-elle contresigner des projets du chef de l'Etat qui seraient accélérés et plus «structurels»? La droite apporterait à l'Assemblée un appoint rendu nécessaire par la fuite de députés socialistes dans les illusions tardives. Ne serait-ce pas reconstruire un honneur brisé que d'approuver, utilement, des politiques sérieuses et de l'assumer? François Hollande ne remonterait-il pas son crédit perdu en appelant, humblement, les élus à la raison contre les vociférations? Ni les uns ni les autres n'ont rien à perdre au moins à essayer.

Sinon, si chacun reste dans son immobilisme politique, la France ne fermera pas la phase chiraquienne - et l'évolution des courbes montre que, selon toute probabilité, dans trois ans, les Français voudront que la politique mythique devienne réalité.

Eric Le Boucher

Article également publié dans Les Echos

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