Taylor Townsend, la jeune phénomène du tennis américain, a été éliminée vendredi au 3e tour des Internationaux de France à Roland-Garros. Elle avait éliminé au tour précédent la numéro 20, la Française Alizé Cornet. Une sortie à ce stade de la compétition est d'autant plus remarquable que Townsend, classée 205 mondiale, faisait son entrée dans un tournoi du Grand Chelem. Et c'est aussi éloquent tant on se rappelle qu'en 2012, Townsend fut au centre d'un maelstrom sportif et médiatique quand l'USTA, la Fédération américaine de tennis, avait refusé de financer son voyage aux Internationaux de France à cause de son poids.
Townsend venait alors de remporter l'Open d'Australie junior, et d'être catapultée à la première place du classement mondial des joueuses junior. Mais se justifiant par des préoccupations quant à sa «santé à long-terme» et son «développement sportif à long-terme», le directeur général de l'USTA, Patrick McEnroe, avait décidé de ne pas débourser un centime pour ses frais de voyage ni de financer la moindre de ses apparitions en tournoi.
Le cafouillage avait poussé Townsend à abandonner ses entraîneurs de l'USTA pour faire équipe avec l'ancienne championne Zina Garrison et son premier mentor, Kamau Murray. «Ça m'a rendue plus forte en tant que personne et plus forte en tant que joueuse», a-t-elle déclaré en début de semaine au New York Times, en parlant de cette épreuve.
Voir Townsend se frayer un chemin sur la terre battue est un réel plaisir. Que le physique soit souvent un problème pour les jeunes joueurs –notamment ceux qui viennent tout juste d'intégrer le circuit professionnel, où les exigences sont monumentales – ne veut pas dire que les corps aient forcément à représenter la vitesse ou la grace.
Ce qui est manifeste aujourd'hui, c'est que le physique un peu plus lourd de Townsend ne l'handicape pas comme McEnroe pouvait le craindre. Et espérer l'avènement d'une réalité alternative où les jeunes espoirs ont une carrure plus fine, ou 7 kilos de moins, semble bien à côté de la plaque.
Par ailleurs, et selon une symétrie assez étrange, la consciencieuse mastodonte du tennis américain, Serena Williams, vient d'être éliminée de Roland Garros en concédant un 6–2, 6–2 face à l'Espagnole Garbiñe Muguruza. La sœur aînée de Serena, Venus, a elle aussi perdu mercredi. Dans les années 1990, au début de leur carrière, les sœurs Williams comptaient parmi les rares joueuses noires de la compétition. (Et Serena, qu'on a comparé à un 36 tonnes, n'est pas étrangère aux sarcasmes physiques). Aujourd'hui, les choses ont complètement changé. Aux côtés de Townsend, l'autre espoir du tennis féminin américain est Sloane Stephens, toujours debout à Roland-Garros.
Kathy Waldman
Traduit par Peggy Sastre