Monde

Matteo Renzi, le nouvel espoir de la gauche européenne

Temps de lecture : 3 min

Le président du Conseil a toutes les cartes en mains pour démontrer, à l'Italie et à l'Europe, qu’il est vraiment un homme d’Etat.

Matteo Renzi à Rome, en mars 2014.  REUTERS/Remo Casilli
Matteo Renzi à Rome, en mars 2014. REUTERS/Remo Casilli

L’Italie ne cesse de surprendre. Les sondages qui enregistraient une défiance croissante des Italiens à l’égard de Bruxelles et une tentation accrue de sortir de l’euro comme l’ambiance générale dans le reste de l’Europe laissaient présager une élection à risque pour les pro-européens et une montée en puissance des eurosceptiques, en particulier du Mouvement Cinq étoiles qui était devenu le premier parti italien à l’issue des élections législatives de février 2013 avec 25,5% des voix.

Et, en fait, le grand vainqueur de ce scrutin marqué par une vive compétition entre Matteo Renzi, Beppe Grillo et, accessoirement, Silvio Berlusconi, est le jeune et nouveau Président du Conseil qui a rassemblé 40,8% des suffrages, un score inespéré.

Comment expliquer un pareil succès? Depuis qu’il a été nommé Président du Conseil en février dernier, Matteo Renzi bat des records de popularité. Virtuose de la communication, aussi à l’aise à la télévision que dans les meetings ou sur les réseaux sociaux, soignant son apparence décontractée, usant et abusant d’un langage simple et de formules percutantes, il joue de la proximité avec les Italiens.

Il rassemble des personnes de tous les horizons qui voient en lui un homme neuf en politique, même si sa biographie démontre que ce n’est pas exactement le cas, et surtout le sauveur d’un pays qui souffre et va mal. Il a annoncé une quantité impressionnante de réformes dont bien peu ont vraiment pour l’instant pris forme si ce n’est celle consistant à restituer mensuellement 80 euros aux salariés qui gagnent moins de 1.200 euros par mois.

En s’engageant à fond dans cette campagne, en sillonnant la péninsule, en multipliant les interventions médiatiques, en occupant le devant de la scène, Matteo Renzi, un peu comme Manuel Valls, jouait une partie de poker et risquait gros en cas d’échec. Mais dans cette épreuve, il a démontré son immense habileté politique.

D’un côté, il a repris à son compte des critiques contre l’Europe notamment sur les questions économiques et sociales ou sur la politique d’immigration (il n’a pas hésité à tweeter le 12 mai, après un nouveau naufrage d’immigrés en Méditerranée, «l’UE sauve les banques et fait mourir les enfants»); d’un autre côté, il s’est présenté comme un pro-européen décidé à assainir les finances publiques et à impulser d’importants changements dans la péninsule pour mieux essayer d’infléchir la politique économique de l’Europe.

Son activisme a précipité le déclin cette fois inéluctable de Silvio Berlusconi qui semble ringardisé par ce challenger et n’a recueilli que 16,8% des suffrages. Il a surtout fait plier Beppe Grillo qui annonçait un tsunami, prétendait écraser ses adversaires, entendait chasser le président du Conseil et le président de la République et se voyait déjà en charge d’un futur gouvernement.

Sans doute, une partie des électeurs « grillini » se sont abstenus (la participation n’est que de 57% contre 65% en 2009) et d’autres ont rejoint Renzi qui coupe l’herbe sous les pieds du Mouvement 5 étoiles lorsque, par exemple, il critique la vieille classe politique, se propose de réduire les «coûts de la politique» et ne cesse d’invoquer son ardeur réformatrice.

Certes, la victoire de Renzi ne saurait occulter que les partis hostiles à l’Europe, avec des arguments différents, de la gauche radicale à la droite extrême en passant par la Ligue Nord, ont rassemblé plus de 48% des voix. Il n’en demeure pas moins qu’elle est importante, voire décisive. Légitimé par ce score inédit et historique, Matteo Renzi a dorénavant les coudées franches. Dans son parti, les résistances qui se manifestaient sont maintenant muselées. Ses petits alliés du centre et du centre droit au sein de la coalition parlementaire sont satellisés et sortir de la majorité parlementaire comporte pour eux désormais plus de risques que d’avantages.

Les menaces de Silvio Berlusconi de rompre l’accord passé avec Renzi sur la loi électorale et d’essayer de provoquer des élections anticipées ne pèsent plus guère. Les groupes de pression qui s’opposaient à lui devront tenir compte de ce résultat électoral. Seules la lenteur et l’inertie de l’administration publique peuvent constituer un frein au changement.

Bref, Matteo Renzi a toutes les cartes en mains pour démontrer qu’il est vraiment un homme d’Etat. En Italie, pour mener les réformes institutionnelles en transformant le Sénat, électorales (avec un nouveau mode de scrutin), économiques et sociales avec, par exemple, la réduction des impôts et la restructuration du marché du travail afin de favoriser la reprise de la croissance, ou encore la modernisation de l’administration publique et de l’école etc.

Mais aussi en Europe, puisque l’Italie aura à partir du 1er juillet, la présidence du Conseil de l’Union européenne. C’est donc dans les mois à venir que l’on pourra évaluer si Matteo Renzi est à la hauteur des immenses espérances qu’il suscite aujourd’hui en Italie, et peut-être demain en Europe.

Marc Lazar

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