France

A quoi sert le «brevet des collèges»: les réponses d'un prof de maths

Temps de lecture : 5 min

Déjà, si vous l'appelez comme ça, c'est que vous avez bien besoin de lire cet article.

Des chaises (utilisées pour un blocage d'université, à Marseille en 2009). REUTERS/Jean-Paul Pelissier
Des chaises (utilisées pour un blocage d'université, à Marseille en 2009). REUTERS/Jean-Paul Pelissier

Tout comme certains parents promettent à un mioche turbulent de faire venir le Père fouettard s’il ne se calme pas tout de suite, le prof de maths de collège (tout comme ses collègues de français et d’histoire-géographie) pointe régulièrement d’un index menaçant le couperet qui guette (presque) tous les élèves qui passent devant lui: le fameux brevet des collèges.

Petite précision: en milieu éducatif, ne dites pas «brevet des collèges», encore moins «BEPC» (appellation abandonnée au début des années 1980), mais «DNB»: diplôme national du brevet (qui se déroule les 26 et 27 juin 2014).

Effectivement, dès la classe de sixième, il m’arrive de prendre mon regard inquiet (les profs sont des comédiens, si vous saviez) et de terrifier les élèves en leur décrivant ce terrible monstre qui les attend durant leur année de troisième.

«Tu n’as pas justifié ta réponse? Mais, mon pauvre ami, tu n’obtiendras jamais ton brevet!» (rire sardonique)

La vérité, c’est que le DNB semble ne servir qu’à ça: faire peur aux plus jeunes et leur fournir une raison de travailler régulièrement pendant leurs quatre années de collège.

Passage obligé?

L’une des questions les plus posées par les élèves dès qu’ils sont en âge de s’y intéresser, c’est:

«Doit-on redoubler si on n’obtient pas le brevet?»

Autrement dit, le DNB constitue-t-il un bon de sortie ferme et définitif pour ceux qui souhaitent poursuivre leurs études? Fort heureusement non. L’obtention de ce diplôme n’est exigée noir sur blanc dans aucune des branches de l’après-collège. On peut rentrer sans problème en apprentissage ou suivre un CAP sans avoir obtenu ce sésame; de même, sur le papier, l’entrée en seconde (générale et technologique, ou professionnelle) est tout à fait possible sans brevet. Sur ce point, c’est plutôt le bon sens des élèves et de leurs parents qui est requis: un élève qui ne parviendrait pas à obtenir le brevet (et qui donc, schématisons à peine, n’aurait pas le niveau troisième) risque sans doute de se casser les dents en seconde.

A l’inverse, obtenir le brevet ne met pas à l’abri du redoublement. Il arrive fréquemment que des élèves n’ayant pas obtenu l’orientation demandée ou ayant des résultats juste au-dessus de la moyenne refassent une année de troisième, le temps de muscler leurs résultats et leur dossier scolaire. Dans ces cas-là, le DNB étant acquis, ils n’ont pas à repasser les épreuves en juin... La motivation doit donc être cherchée ailleurs.

Même si c’est un discours bien pratique que les profs comme les parents continuent à employer (nous avons peu de moyens de pression sur les plus fainéants), l’assimilation «DNB = passage en classe supérieure» est donc passablement erronée.

Calculs d’apothicaire

Jadis, le DNB s’obtenait en mixant les notes obtenues en contrôle continu lors des années de 4e et de 3e avec les résultats des épreuves passées au mois de juin. Cette croyance reste d’ailleurs fermement ancrée dans les têtes de beaucoup d’élèves, mal informés par des parents se fiant à des expériences anciennes.

Désormais, le DNB s’articule autour de trois axes: le contrôle continu (mais uniquement en classe de 3e), les épreuves passées en fin d’année, et la validation du socle commun de connaissances et de compétences, sorte de livret dans lequel les enseignants cochent une petite croix dès que l’élève semble avoir acquis telle ou telle faculté.

Ce fameux socle commun, dont l’utilisation reste assez floue pour tous (élèves, parents comme enseignants), considérons-le comme acquis: il est extrêmement rare qu’un élève susceptible d’obtenir le DNB ne valide pas ce point. C’est arrivé, notamment parce qu’il nécessite (entre autres) d’avoir un niveau minimum dans une langue vivante ou de maîtriser les bases de l’informatique, mais ce cas est suffisamment rare pour être laissé de côté.

Revenons au calcul de la fameuse note au DNB.

En série générale, le contrôle continu se fonde sur les notes obtenues tout au long de l’année en français, maths, langues vivantes 1 et 2, sciences de la vie et de la terre, physique-chimie, technologie, arts plastiques, éducation musicale, éducation physique et sportive (toutes au coefficient 1). Les options telles que le latin ou la langue des signes font office de bonus (les points au-dessus de la moyenne sont ajoutés au total).

En série professionnelle, la liste est sensiblement différente, et coefficientée: français, maths, langue vivante, prévention santé environnement, EPS, enseignement artistique (1), sciences et technologies (2), découverte professionnelle (3).

L’absence de l’histoire-géographie constitue toujours un étonnement: il a été estimé que l’épreuve proposée à l’issue de l’année de troisième donnait suffisamment d’importance à cette discipline, contrairement au français ou aux mathématiques qui sont évaluées dans le contrôle continu et dans les épreuves de fin d’année…

Quant à l’examen, il comporte quatre épreuves, toutes au coefficient 2. Aux trois épreuves écrites (français: 2 x 1h30; maths: 2h; histoire-géographie: 2h) s’ajoute désormais l’histoire des arts. Au cours de leur année de troisième, les élèves constituent un dossier fait de problématiques liées à des œuvres d’art de tous types, et doivent exposer l’une de ces problématiques devant un jury. Un oral obligatoire depuis 2011 après une année de test en 2010, qui permet souvent à des élèves moins «scolaires» de tirer leur épingle du jeu.

Le total sur 360 (il était auparavant de 380, mais la note de vie scolaire vient d’être abrogée et donc de disparaître du contrôle continu) permet alors de trancher: s’il atteint les 180 points, l’élève est reçu. Sinon, pas d’oral de rattrapage comme au baccalauréat: son dossier passe en commission et il peut éventuellement être repêché si ses résultats et ses appréciations sont acceptables.

Un exemple : le petit Johan est en classe de 3e générale. Il obtient ces moyennes (sur 20) sur l’année de 3e:

Français: 11,5

Maths: 8

Anglais: 15

Espagnol: 15,5

SVT: 11

Physique-chimie: 14

Technologie: 8

Arts plastiques: 10

Education musicale: 8

EPS: 7,5

Total: 108,5 points déjà acquis.

Lors des quatre examens de fin d’année, il obtient ces notes sur 20:

Français (coeff 2): 11

Maths (coeff 2): 7,5

Histoire-géographie (coeff 2): 14

Histoire des arts (coeff 2): 12

Total : 89 points.

Bilan : 108,5 + 89 = 197,5. Johan est donc reçu.

Pour obtenir une mention, il faut atteindre 216 (assez bien), 252 (bien), 288 (très bien), 324 (félicitations du jury).

L’utilité

Nécessaire nulle part, le DNB ne doit pour l’instant sa survie qu’à son statut de premier diplôme. Il marque un tournant dans la scolarité de l’élève, lui permet de dresser le bilan de ses années collège, et de se confronter à la notion d’examen sans trop d’angoisse. Mieux vaut découvrir avant ses 17 ans que l’on est particulièrement sujet au stress lorsque l’on se trouve en conditions d’examen.

Du côté des profs, je prêche pour ma paroisse, mais ce premier diplôme permet de mettre une gentille pression sur les élèves soucieux de leur avenir... A la fameuse question «mais à quoi ça va nous servir, ça, plus tard?» (posée en désignant un cosinus, un angle alterne-interne ou une racine carrée), le prof de maths hypocrite et paresseux a tout loisir de répondre que c’est au programme, qu’il n’est en rien responsable des contenus qu’on lui demande d’enseigner aux élèves, et qu’ils feraient mieux de se remuer un peu pour avoir leur brevet au lieu de poser des questions idiotes.

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