France

Hollande, de la bonhomie à la diabolisation

Temps de lecture : 3 min

Les Français le voyaient comme un homme chaleureux en début de mandat. Deux ans après son élection, les Français renouent avec une vieille tradition de colère contre le Château. L'image du chef de l'Etat, désormais vu comme froid et calculateur, y est sans doute pour beaucoup.

Commémoration du 99e anniversaire du génocide arménien, le 24 avril 2014. REUTERS/Alain Jocard/Pool
Commémoration du 99e anniversaire du génocide arménien, le 24 avril 2014. REUTERS/Alain Jocard/Pool

«Tu m'abandonnes ! Alors qu'il y a des chiens qui courent après moi, tu m'abandonnes. Tu es vraiment un salaud!» C’est ainsi, d’après Le Canard Enchaîné, qu’Aquilino Morelle aurait réagi à la décision de François Hollande de se séparer de lui après la révélation de ses frasques.

On rétorquera peut-être qu’il s’agit là de paroles d’expert de la part d’un homme rompu à certaines formes de duplicité. La sécheresse avec laquelle le chef de l’Etat a congédié son principal «conseiller politique» n’en est pas moins révélatrice d’une froideur de tempérament aux antipodes de sa réputation d’homme chaleureux.

Hollande a souligné avoir «accepté immédiatement» la démission de Morelle et s’est empressé de circonscrire le problème à sa personne: il «revient à lui et à lui seul» de répondre de ses agissements. Les mauvais esprits se demanderont même si le président lui reprochait, au fond, d’avoir fauté ou simplement de s’être laissé prendre...

Le scandale Morelle, de puissant retentissement dans l’opinion par la lumière projetée sur l’arrogance des gens de cour, ne peut qu’atteindre l’image personnelle du «président normal» élu en 2012. La chute de Jérôme Cahuzac, qui avait déjà réagi aux accusations portées contre lui de la même manière que le conseiller de l’Elysée, fait figure de précédent fâcheux. S’entourer de personnages peu recommandables est dommageable pour sa propre réputation, que l’on ait été averti de leurs défauts ou pas.

Dans ce contexte, la réputation de Hollande a encore été rudement mise à l’épreuve par son déplacement à Carmaux (Tarn) destiné à y célébrer, un peu imprudemment, la mémoire de Jean Jaurès. Etre sifflé en ce lieu symbolique de la gauche, deux ans après y avoir été acclamé, offre une image forte d’un vif désamour populaire.

«Comment peut-on encore défendre l'idée qu'il n'y a pas un rejet de sa personne?», s’est interrogé Yves-Marie Cann, directeur de l’opinion à l’institut CSA. Nul doute que le procès en trahison instruit contre Hollande par un grand nombre d’électeurs de gauche est inextricablement politique et personnel.

«Vous ne parlez pas comme Jaurès», a lancé une mécontente au Président. Comment ne prendrait-elle pas comme une provocation l’assurance donnée par celui-ci de «garder le cap de Jaurès»? Le réformisme socialiste et collectiviste de l’ancêtre de la gauche n’a strictement rien à voir avec les politiques d’austérité d’inspiration libérale conduites par l’actuel chef de l’Etat.

Fausse bonhomie

Ces événements modifient assez profondément le regard que les Français portent sur François Hollande. L’image du brave type, du gars sympa, qu’il s’était construite pendant la campagne présidentielle s’efface progressivement. L’apparence bonhomme du président du conseil général de Corrèze a abusé beaucoup de monde sur la réalité de son caractère.

Averti de l’importance du jeu des apparences, Hollande s’est sculpté un profil de notable de province rassurant, souriant, et «proche des gens». Le contraste avec le brutal Sarkozy l’avait grandement servi. En février 2012, 76% des personnes interrogées jugeaient le candidat socialiste «sympathique et chaleureux» et 68% estimaient qu'il comprenait «les problèmes quotidiens des Français».

Il est douteux que de tels chiffres se retrouvent aujourd’hui. Certes, le Président sait toujours serrer les mains et avoir un petit mot gentil ou drôle pour chacun. Mais c’est surtout un politicien calculateur qui excelle dans l’art de neutraliser ses affects. Cette froideur dans les rapports humains, qu’il admet volontiers, peut être une qualité pour un homme d’Etat. Elle se prolonge néanmoins dans une indifférence aux autres, dont même ses proches ont pu souffrir, au final pénalisante politiquement.

Rejet personnel

Dans les allées du pouvoir, on a longtemps tenté de se rassurer en prétendant que l’impopularité de l’exécutif ne valait pas «rejet personnel» du Président de la République. Ne serait en cause que le retard d’une politique courageuse et douloureuse à produire ses heureux résultats.

Cette thèse est mise à mal par l’exceptionnel contraste de popularité entre François Hollande et Manuel Valls. Le nouveau Premier ministre «satisfait» 58% des sondés tandis que le président doit se contenter de 18% selon le baromètre historique de l’Ifop. Jamais un tel écart –40 points– n’avait été relevé pour un couple de l’exécutif sous la Ve République. Et jamais un président de la République n’était tombé aussi bas depuis 1958!

Ce record absolu d’impopularité de Hollande, qui ne profite aucunement de sa décision de changer de Premier ministre, suggère un fort discrédit personnel. On peut même se demander si la cote positive de Valls ne vaut pas, en creux, désapprobation du chef de l’Etat.

Toujours est-il que les Français renouent avec une vieille tradition de colère contre le Château. Après avoir enthousiasmé les foules, Sarkozy avait été victime d’une diabolisation excessive. A son tour, Hollande traverse l’épreuve d’une hostilité qui menace d’être outrancière. Les espoirs naïfs placés dans le «changement» impulsé d’en haut se transforment à nouveau en virulente et agressive déception. La crise du monarchisme présidentiel n’en finit pas de s’approfondir.

Eric Dupin

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