Spectateurs, votre attention s'il vous plaît: Columbia Pictures voudrait être tout à fait clair. Apparemment, la rumeur courrait que le nouveau film de Tony Scott L'attaque du métro 123 serait un remake du film de 1974 de Joseph Sargent Les pirates du métro. C'est faux. Le film de Scott est une adaptation du roman de gare Les pirates du métro de John Godey (sur lequel était aussi basé le film de Sargent), de 1973. Le générique de début du film l'indique très distinctement. C'est bien clair?
On imagine facilement pourquoi les producteurs de Pelham ne veulent pas que l'on compare le film professionnel mais barbant de Scott au classique de 1974. Le Pelham original est un thriller sobre et bien joué, racontant une prise d'otages dans le métro. Et c'est aussi un portrait drôle et caustique du New York des années 1970, à l'époque où la ville vacillait au bord de la solvabilité et de la gouvernabilité. Dans le film de Sargent, quand on informe le maire incompétent que quatre hommes armés jusqu'aux dents retiennent 19 New-yorkais en otage et réclament 1 million de dollars de rançon, son honneur se plaint d'avoir la grippe et se remet au lit. L'excentrique aiguilleur du métro n'est pas plus compréhensif: «Ils s'attendaient à quoi pour leurs pauvres 35 cents, à la vie éternelle?»
Il revient ainsi à un certain lieutenant Garber (un Walter Matthau magnifiquement exploité) de la police des transports de trouver un moyen de sauver les otages-un panel de New-yorkais comprenant un hippie, un cadre sup, deux sales mômes, une putain blanche, un maquereau noir, une latino-américaine qui ne parle pas anglais, un vieux grincheux qui se sent insulté par le montant de la rançon qu'il estime trop bas, et un poivrot qui roupille du début à la fin. Joseph Sargent a visiblement passé de bons moments dans le métro de New York.
Un réalisateur qui n'a jamais pris le métro
Tony Scott, en revanche, a avoué au Times qu'avant de travailler sur L'attaque, il n'avait jamais pris le métro. «Enfin, quand je dis jamais, je veux dire peut-être une ou deux fois complètement saoul, de nuit, quand je n'arrivais pas à trouver un taxi». Pour un film ostensiblement situé dans les entrailles de la ville, il s'arrange assez souvent pour emmener sa caméra faire une balade en hélico.
Scott se concentre sur sa valeur sûre, l'humble aiguilleur Walter Garber (un Denzel Washington à lunettes) et sur «Ryder», le lunatique cerveau des kidnappeurs (John Travolta moustachu). Washington, qui a un peu forci pour entrer dans son rôle de fonctionnaire, travaille dans un centre de commandes high-tech qui ressemble plus à la NASA qu'à la centrale des transports new-yorkais. En revanche, le crime éhonté qui se déroule sous ses yeux n'a pas beaucoup changé depuis 1974. Quatre hommes armés jusqu'aux dents détournent un train 6 à destination du sud-le Pelham 123, comme l'indique le titre [de la VO, The taking of Pelham 123], appelé ainsi car il part de la station Pelham Bay Park à 1h23 de l'après-midi-et prennent 19 passagers en otages en échange d'une rançon. Seulement, cette fois, ils veulent 10 millions de dollars. Et ils ont une connexion Wi-Fi.
Wi-Fi et terrorisme
La Wi-Fi -que l'homme de main de Ryder, Phil Ramos (un Luis Guzmán au talent criminellement gâché), fait apparaître comme par enchantement- est un élément crucial car en réalité, ce n'est pas la rançon de 10 millions de dollars qui intéresse Ryder. Ce n'est qu'une diversion, un moyen d'occuper Garber, un négociateur de la police de New York (John Turturro) et le maire (James Gandolfini, toujours excellent). Le vrai scoop, c'est quand la bourse s'effondre -et que les cours des métaux précieux s'envolent- à la nouvelle d'une possible attaque terroriste du métro de New York. Ryder a converti tout son argent en or, voyez-vous. On le devine grâce aux diverses prises qui le montrent en train de rire comme un maniaque en actualisant le site de CNBC.com sur son ordinateur portable.
On apprend que Ryder est un ancien flambeur de Wall Street, du genre à aller passer le week-end en Islande avec un «mannequin cul» (c'est comme un mannequin main, explique-t-il fièrement à Garber, mais pour les culs). On le rencontre alors qu'il vient de tirer neuf années de prison pour avoir détourné de l'argent d'un fond de pension municipal, ce qui explique peut-être pourquoi ses insultes colorées -«Lick my bunghole, motherfucker!» [Lèche-moi le trouduc, fils de pute !]- ont un charme si désuet. C'est sans doute aussi ce qui explique que Ryder soit passé du requin impitoyable de Wall Street au gangster tatoué exécutant allègrement des civils innocents dans le métro de Lexington Avenue.
Il se trouve que le Garber joué par Washington est en train de surveiller la ligne de Lexington quand Ryder communique ses exigences par radio. Il devient donc le porte-parole de la ville en essayant d'empêcher Ryder de tuer les otages et, plus tard, invraisemblablement, en essayant de l'amener devant la justice. Denzel va-t-il y parvenir? Je ne vous en dis pas plus-je ne veux pas gâcher le plaisir de ceux qui n'ont pas encore fini le livre.
Un film redondant
Ma question est la suivante: pourquoi Tony Scott a-t-il fait ce film ? Il ne prend pas les transports en commun. Il ne rend pas un hommage à la Tarantino à un film qui l'aurait aidé à grandir. Et toute insinuation que New York en 2009 pourrait courir le risque de glisser dans un malaise du genre de celui des années 1970 est purement fortuite. Alors pourquoi s'être donné cette peine?
La question se complique quand on considère son prochain projet de mise en scène. Une nouvelle adaptation du Parrain de Mario Puzo? Non, mais c'est à peine moins saugrenu. Il prépare un remake des Guerriers de la nuit, le classique devenu culte sur les gangs de New York dans les années 1970, et dont de longues séquences se déroulent dans le métro de la ville (comme L'Attaque du métro de Scott, il a été en grande partie tourné dans la station Hoyt-Schermerhorn de Brooklyn). Mais les trains qui rouleront dans la version de 2010, en revanche, seront tous des métros légers. Sans doute las d'attendre sa rame de la ligne F quand il est pris de boisson, Scott a choisi de placer l'action de son remake à Los Angeles.
John Swansburg est le rédacteur en chef de la rubrique culture de Slate.com.
Traduit de l'anglais par Bérengère Viennot
Image de une: photo officielle du film, via imdb