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Daniel Lauclair, l'homme du match et la dernière mèche de Léon Zitrone

Temps de lecture : 5 min

Samedi soir, le PSG va tenter de prendre sa revanche sur Lyon en finale de Coupe de la Ligue, la compétition que tout le monde veut supprimer. S’il n’y avait qu’une seule bonne raison de regarder le match de ce soir, c’est pour la prestation de Daniel Lauclair, l’inoxydable homme de terrain de France Télévisions.

Le Parisien Javier Pastore face au gardien lyonnais Anthony Lopes, le 13 avril 2014 en championnat de France. REUTERS/Robert Pratta
Le Parisien Javier Pastore face au gardien lyonnais Anthony Lopes, le 13 avril 2014 en championnat de France. REUTERS/Robert Pratta

Daniel Lauclair est tatillon sur les horaires. Quand on prévoit de l’appeler à 17h30, ce n’est pas 17h. «J’ai un vrai boulot, là, vous ne pouvez pas m’appeler comme ça». Son boulot, justement, depuis quarante ans, c’est d’arpenter les hippodromes, les pelouses, les courts de tennis et les tournois de pétanque pour commenter à hauteur d’homme, sabrer quelques traits d’humour et improviser des interviews sur la pelouse. Mais aussi, parfois, se prendre des gros râteaux. C’est le jeu:

«Quand un entraineur ou un joueur me fait oui ou non de la tête, ça marche comme ça. Il faut qu’il vienne plus vers vous que vous vers lui, explique-t-il, simplement. J’ai une relation simple avec tout le monde. Footballeurs, entraineurs, jockeys… C’est fondé sur le respect et l’échange d’informations. Surtout le respect. Et puis le besoin de mieux connaître les gens…».

Bref, Daniel Lauclair c’est un journaliste old school, en décalage total avec les jongleurs de statistiques et de palettes 3D qui ravissent les concurrents technophiles de France Télévisions. «C’est sûr qu’aujourd’hui l’analyse permanente, les ‘idées’, ont largement triomphé. Mais ce qui est important, c’est de travailler l’homme», balance-t-il. Quitte, avec son image, ses jeux de mots légendaires et ses approximations —celle de l'an dernier pour la finale de la coupe de la Ligue est encore bien placée sur Google—, à prendre cher sur les réseaux sociaux.

L’an dernier, en demi-finale de Coupe de la Ligue, il avait enchainé les punchlines: «Côté mercure on ose à peine vous en parler : la chaleur est dans le cœur des supporters du chaudron. On a presque envie de dire ‘c’est j’ai froid Guichard’». Ou encore: «Côté flocon ça s’est arrêté: on n’attend plus que l’ivresse».

Mais attention, Daniel Lauclair n’est pas réductible à cette image de faux dilettante. C’est un bosseur, qui révise ses fiches avant chaque match. Un passionné, qui marche à l’affect. S’il est décrié par une partie de «l’élite», c’est peut être qu’il a toujours assumé et cultivé une image «populaire»: «J’ai commenté les courses pendant dix ans donc oui, on peut dire que j’ai surtout couvert des évènements populaires!».

Un monde d'avant Internet

De ses débuts dans les hippodromes jusqu’aux Jeux Olympiques, des travées de Rolland-Garros au Stade de France, de la boxe au prix de l’Arc de Triomphe, Lauclair a tout «commenté en audiovision», comme il le dit lui-même, dans un langage qui fleure bon Antenne 2. Revenir sur sa carrière en quelques minutes? «Vous n’y arriverez pas!», plastronne-t-il, sans modestie. Et pour cause: le bonhomme a débuté sous Zitrone: «Après Michel Drucker, je suis le dernier poulain de Léon Zitrone. Les jeunes ne le connaissent pas mais pour des générations, c’est culte, raconte-t-il. C’est avec lui que j’ai appris mon métier. Travail, rigueur, passion. C’est comme ça que je travaille encore aujourd’hui ».

Normal qu’avec ce parcours, le journaliste se soit fait quelques amis au passage. Avant le 16e de finale de Coupe de France entre le PSG et Montpellier, il glisse un mot dans le creux de l’oreille de Laurent Blanc, puis s’éloigne, sourire en coin. On a bien envie de savoir ce qu’il lui a dit, si ça a porté la poisse à son copain, puisque Paris a perdu:

«Ah, ce sont des choses personnelles. Vous savez, je connais Blanc depuis très longtemps. Être journaliste, ce n’est pas seulement avoir une carte de presse, c’est savoir quand est-ce qu’on peut aller parler aux autres. Avec Blanc, le fait de se connaître, ça aide. Pour être pro, il faut connaître les gens».

Son expertise de turfiste lui fait-elle dire que Blanc est le bon numéro pour l’an prochain?

«Je ne vois pas pourquoi Blanc ne serait pas le bon numéro pour le PSG ! Son équipe avait les moyens de passer en demie face à Chelsea, il a été malheureux. Maintenant, il faut gérer les égos, ce n’est pas facile. Enfin bon, je laisse les stratèges du café du commerce disserter. Ils se font mousser!».

Daniel Lauclair vient d’un autre monde. Un monde d’avant Internet, d’avant les agents de joueurs surpuissants et la communication ultra verrouillée. «Les footballeurs sont un peu plus dans leur bulle aujourd’hui, oui, mais c’est normal. Ils subissent la pression, c’est inévitable. C’est au journaliste de s’adapter à ses états d’âme». C’est ce qui donne à Lauclair son côté un peu cheap et pourtant, tellement attachant.

Sans calcul

Il faut l’entendre répéter les anecdotes qui l’ont marqué: «Un jour Mamadou Niang s’est fait remplacer, il a cassé le banc. Il m’a dit ‘tu veux quoi ?’. Rien, rien Mamadou... A la fin du match, il m’a dit ‘tu veux que je te dise un mot’ ? Je lui ai dit que ce serait pas mal. Il a parlé puis il m’a donné son maillot... C’est une belle histoire, ça, hein?», fait-il, ému.

Son style naturel tranche dans le vif. Il ne calcule pas. Ni ses sorties de route sur Louise Ekland, qui l’a remplacé dans le dispositif Rolland Garros de France Télévisions («je suis victime de la diversité. La direction des sports a fait le choix de mettre à l'antenne une jeune femme. Ce qui est dommage, c'est qu'elle ne connaît pas grand chose au tennis»). Ça lui vaudra un tâcle du patron des sports de France télévisions, qui est pourtant pas regardant sur ses commentateurs. Ni ses déclarations d’amitié à Cyril Hanouna, avec qui il faisait la paire autrefois: «C’est dommage qu’il soit parti à D8. C’est un ami et un clown. Il est complètement fou!».

Comme toujours, samedi, il sera sur le bord du terrain. «Il vaut mieux pour le PSG que Zlatan soit là. On le voit bien, il manque au PSG, ça fait deux matchs qu’ils ne marquent pas, déroule-t-il. Sur un geste il peut faire la différence, alors que Cavani, même dans l’axe, il n’est pas exempt de tout reproche ». Alors doit-on lester Zlatan comme les chevaux qui gagnent régulièrement au tiercé? « Ah, c’est difficile comme question ça… » Exercice difficile, tout comme donner le quinté du championnat de Ligue 1 dans l’ordre: «On sait déjà ce que sera le tiercé: PSG, Monaco et Lille. Après, je vais dire Saint-Etienne et Lyon… Mais bon, ça dépend du calendrier».

La question présidentielle

Avec Lauclair, on ne sait jamais ce qu’il peut se passer. Un soir de Coupe de France où Lens jouait, il interpelle Nicolas Sarkozy. Lui demande s’il fait partie des millions de Français qui ont regardé le succès de Dany Boon «Bienvenue chez les Ch’tis». Quelle sera sa question à François Hollande cette fois ci, si le président fait le déplacement au Stade de France ? «C’est impossible de vous le dire. Je ne prépare pas mes questions à l’avance. Ma marque de fabrique, c’est de poser une question décalée aux personnalités d’un standing de chef d’Etat. Pour qu’il redevienne un interlocuteur comme un autre, qu’il se sente chez lui».

Décidemment, «Danny la Mèche», comme le surnomme Hanouna, se sent bien partout et avec tout le monde. Il ne reste plus qu’à espérer que l’an prochain, on le retrouve sur le bord du terrain. Et qu’Alessandra Sublet ne lui ai pas piqué sa place par exemple. «Je ne suis pas certain qu’elle soit intéressée, plaisante-t-il. Je crois qu’elle a d’autres objectifs. Elle est belle. Elle est compétente. C’est ça qui compte». Toujours naturel, Daniel. Qui reprend, pour finir, et avec des trémolos dans la voix, la définition de son métier faite par son ami Jacques Vendroux: «Fais le sérieusement, mais sans te prendre au sérieux».

Jérémy Collado

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