France

François Hollande est au pied du mur. La France aussi

Temps de lecture : 4 min

Nous sommes arrivés au terme d'une longue lignée de présidents qui n'ont cessé d'évacuer les problèmes sous le tapis du déficit. François Hollande saura-t-il interrompre la série? Il a l'occasion de sortir du dilemme entre croissance et rigueur par le haut.

François Hollande, le 8 mars 2014. REUTERS/Philippe Wojazer
François Hollande, le 8 mars 2014. REUTERS/Philippe Wojazer

C'est sur lui que ça tombe. C'est au président qui se voulait «normal» qu'il incombe une tâche anormale, historique, de corriger quarante ans de mauvaises politiques. Il est arrivé au bout d'une longue lignée, de gauche et de droite, qui, à de rares moments près, n'a cessé d'évacuer les problèmes sous le tapis du déficit, de grossir les prélèvements obligatoires, de préserver un modèle social par l'endettement, qui a engagé quelques réformes mais pour les abandonner et qui, jamais, n'a expliqué que le monde avait changé et que la France devait s'adapter en profondeur.

Aujourd'hui, ce n'est pas seulement François Hollande qui est au pied du mur, c'est la France.

L'interrogation qu'on peut légitimement avoir, au bout de vingt mois d'exercice, est de savoir s'il a la hauteur pour ce rendez-vous, s'il a les reins pour se hisser et dire solennellement aux Français que la mise en mouvement est salutaire, que la voie de sortie est connue, la compétitivité et la rigueur, qu'elle est dure mais qu'il la suivra avec justice sociale et qu'elle seule conduira à la croissance et à l'emploi.

François Hollande, de Henri Queuille à Winston Churchill? Est-ce possible? On va vite savoir.

Ce qui est sûr, c'est que le président est doublement affaibli, politiquement et idéologiquement. En faisant campagne sur une autre ligne, François Hollande a compliqué sa tâche. Inspiré par l'antique manuel socialiste, perméable aux discours anti-riches et anti-finance de l'extrême gauche, il a infligé aux ménages aisés et aux entrepreneurs une politique fiscale décourageante qu'il lui faut, maintenant, effacer.

Il a commencé à le faire avec le crédit d'impôt (Cice), mais sans expliquer clairement ce virage complet. Sa nouvelle direction l'éloigne de sa base de gauche sans convaincre à droite, où est née, au contraire, un rejet aussi fort que celui que Nicolas Sarkozy avait provoqué à gauche.

Politiquement affaibli, François Hollande l'est aussi idéologiquement. La nouvelle ligne «germanique», si l'on résume, est désormais tracée et elle sera détaillée sitôt les élections passées:

  • 1) mettre en oeuvre le pacte responsabilité, mais pas seulement, l'accompagner d'un agenda de nouvelles baisses de la fiscalité des entreprises
  • 2) couper 50 milliards d'euros dans les dépenses publiques d'ici à 2017

Mais sera-t-elle suivie avec toute la détermination nécessaire? Beaucoup de doutes demeurent à ce sujet.

C'est la faute à Keynes

La raison ne tient pas seulement au caractère hésitant du président, mais au fond. Si François Hollande a hésité depuis vingt mois, si ces prédécesseurs ont tous procrastiné, c'est la faute à Keynes, à ce qu'il a enseigné sur les bienfaits de la dépense publique, leçon qui est toujours tombée comme du pain béni dans la bouche des étatistes que sont les Français. La France est keynésienne dans son ADN, la classe politique l'est par construction: son existence se mesure à sa dépense.

Malgré la reconnaissance que la dette doit être diminuée, l'affaire n'est toujours pas réglée. Beaucoup de professeurs d'économie, non seulement Joseph Stiglitz mais aussi Olivier Blanchard, le chef économiste du Fonds monétaire international, disent qu'il ne faut pas s'infliger d'austérité en période de récession. La Grèce vient en exemple repoussoir. La sortie de crise des Etats-Unis, plus rapide que celle de la zone euro, va dans le même sens.

Le message keynésien porte en particulier à gauche. Laurent Berger, leader de la CFDT, vient de le déclarer et il serait grave pour le président de l'avoir contre lui.

Les coupes, quand elles viendront, vont faire mal, en particulier aux fonctionnaires, qui ont l'habitude de se plaindre pour bien moins que cela. Le risque de manifestations est très grand. Avis de fortes tempêtes. Si François Hollande est idéologiquement incertain sur la légitimité de ses coupes, la rue sera en position de force pour le faire renoncer.

Qu'importe les pancartes! Il faudra avoir de l'autorité! Les milieux économiques, Berlin, Bruxelles, attendent qu'il soit inflexible. Hollande, soyez Schröder! Las, les conseilleurs ne sont pas les payeurs. François Hollande peut-il s'éviter le martyr?

La clef est dans le discours: il faut convaincre les Français qu'il faut rompre avec quarante ans d'évitement. Leur redire que la dette va peser sur les futures générations. Il faut surtout ajouter que le vrai handicap du pays vient des dysfonctionnements qui ont été cachés par l'argent de la dette.

La France du XXIe siècle n'est pas encore là

L'éducation est dégradée et l'ajout de profs supplémentaires n'a rien changé. L'Etat fonctionne mal, non pas faute de moyens mais parce que trop massif, il n'est plus adapté aux exigences individualistes. Beaucoup des collectivités sont coûteusement inutiles, parce que le territoire n'a pas été redessiné en fonction de l'économie du XXIe siècle.

On pourrait multiplier les exemples, toutes les missions publiques ont besoin d'être repensées complètement. Au passage, plus sa détermination à changer les structures sera forte, plus le président sera en position de plaider à Bruxelles pour un nouveau délai dans les ponctions budgétaires, ce qu'il est à nouveau tenté de faire. Au moins sa thèse se défendra, il évitera de paraître encore procrastiner.

Retraites, formation permanente, marché du travail... les réformes engagées l'ont été sur un mode très mineur. Si François Hollande s'engageait dans un réformisme radical, il reprendrait l'avantage politique, il serait le premier à moderniser le pays et à le mettre en accord avec les exigences du siècle.

Idéologiquement, il sortirait du dilemme entre croissance et rigueur par le haut: il ne ferait pas de la rigueur pour la rigueur mais refondrait la conception même de l'action publique.

Eric Le Boucher

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