Comment savoir, au mieux, ce qu'il en est de la réalité de l'état de santé du président de la République? Dans la soirée du 26 juillet, peu après 19 heures, le Palais de l'Elysée a publié un communiqué qui n'est pas signé par une autorité médicale militaire: «Aujourd'hui en fin de matinée, alors qu'il effectuait un jogging dans le parc du Château de Versailles, le président de la République a été pris d'un malaise. Ce malaise, qui est survenu après 45 minutes d'exercice physique intense, ne s'est pas accompagné d'une perte de connaissance. Il a conduit le président à interrompre son effort et à s'allonger avec l'aide d'un proche. Le médecin de l'Elysée qui était à proximité a apporté les premiers soins et a prévenu les secours.»
Le communiqué se poursuit ainsi: «Le président a été transporté en hélicoptère à l'hôpital militaire du Val-de-Grâce où des examens de contrôle sont réalisés depuis 13h45. L'examen clinique et les examens complémentaires à visée neurologique sont normaux (bilan sanguin, électroencéphalogramme, IRM). La surveillance cardiologique, systématiquement pratiquée dans de telles circonstances, se poursuit jusqu'à demain matin. Entre-temps, le président de la République se repose. Il a reçu ses proches collaborateurs afin de se tenir informé de l'actualité.»
Ce communiqué s'il parle bien de «malaise» ne reprend pas l'hypothèse diagnostique du «malaise vagal» immédiatement avancée par de multiples sources depuis la survenue de l'accident. «Malaise vagal» ou «syndrome vagal»? Les spécialistes accordent une certaine importance à ces distinctions sémantiques, qui renvoient à des situations sans doute quelque peu différentes. Mais est-ce là l'important? Sans doute pas. Selon les termes du communiqué officiel, le malaise est survenu «après» 45 minutes d'un exercice physique intense. Et la question centrale est celle de savoir si ce malaise «qui ne s'est pas accompagné d'une perte de connaissance» est survenu pendant ou après le jogging présidentiel.
«Si l'accident s'est produit durant l'effort, on ne peut, en toute rigueur, parler de "malaise vagal" ou de "syndrome vagal", résume le Pr Jean-Louis Guilmot, spéciliste de médecine vasculaire (CHU de Tours). Dans ce cas de figure, les causes les plus probables sont bien connues: l'apparition d'un trouble du rythme cardiaque, d'une insuffisance coronarienne, d'un angor, d'un infarctus du myocarde ou d'une cause neurologique. A l'inverse si l'accident se produit après l'effort, nous sommes dans un tout autre scénario nettement moins inquiétant, celui du "malaise" ou du "syndrome" vagal». Il s'agit, schématiquement, d'une sorte de dysfonctionnement du nerf pneumogastrique (ou nerf vague) qui entraîne une réduction brutale du débit sanguin elle-même à l'origine du malaise parfois associé à une perte de connaissance.
Le «malaise» ou «syndrome» vagal peut aussi survenir dans différentes circonstances, au repos, avec un cortège symptomatique de sueurs, de pâleur et de la sensation que «l'on va partir». «Le syndrome vagal représente une entité clinique bien particulière, associant des troubles digestifs (vomissements, nausées, éructations, hoquets); des troubles vasomoteurs (pâleurs et sueurs, pouvant entraîner de véritables lipothymies et des syncopes, une chute de la tension artérielle voire un véritable collapsus ; des troubles du rythme (...) écrivent le Pr Jean Bardet et le Dr Olivier Belliard (hôpital Saint-Antoine, Paris) au chapitre «Infarctus du myocarde» de la bible médicale francophone qu'est le Traité de médecine.
Le communiqué officiel de l'Elysée fait pour sa part état d'une surveillance cardiologique «systématiquement pratiquée dans de telles circonstances» sans pour autant en donner les conclusions. Il n'est donc pas possible et il serait hautement déraisonnable, pour l'heure, de trancher. Peut-être pourra-t-on commencer à tenter de le faire, sur Slate.fr, au vu des termes du bulletin de santé qui, assure-t-on auprès de l'Elysée, sera publié dans la journée du lundi 27 juillet.
Jean-Yves Nau
Si vous avez aimé cet article, vous aimerez peut-être suivre nos liens en direct (dernière réactualisation: «Un communiqué médical non signé par un médecin») et «Trois bulletins de santé manquent à l'appel»
Image Reuters.