France

Le retour de Sarko, le meilleur ennemi de Sarkozy

Temps de lecture : 3 min

Sa lettre aux Français a pour ambition de ressouder la droite qui menacerait de le lâcher, de se poser en victime, et d'avertir la gauche et les juges qu'il n'oubliera pas d'où viennent les attaques. Mais c'est une stratégie à risques car elle rappelle soudain les excès et la violence dont est capable l'ancien Président.

A Nice en septembre 2013. REUTERS/Olivier Anrigo
A Nice en septembre 2013. REUTERS/Olivier Anrigo

Voilà ce que l'on appelle la méthode Chirac. Taper fort sur la forme pour ne pas répondre sur le fond. Quand Nicolas Sarkozy, dans une tribune publiée jeudi soir (vous pouvez la lire dans son intégralité à la fin de cet article), compare les écoutes judiciaires dont il fait l'objet aux méthodes de la Stasi, il sait qu’il va agiter un chiffon rouge devant les cornes de la presse et de ses opposants.

Comme son prédécesseur à l’Elysée –lui aussi empêtré dans les affaires– avait jeté un abracadabrantesque os à ronger aux mêmes journalistes et opposants. Comme Nicolas Sarkozy, Jacques Chirac n’avait pas répondu sur le fond, à savoir la multiplication des accusations de corruption et de financement illégal de ses campagnes électorales.

L'ampleur et la tonalité des réactions à la publication de ce texte montrent que l’ancien chef de l’Etat n’a pas perdu sa capacité à provoquer, à polariser, en un mot son mojo d’ambianceur de la vie politique. Et la presse est comme d’habitude au rendez-vous de ses sorties.

Il se replace au centre des conversations et reprend la main. Il sait qu’il est plus facile pour les journalistes de positionner leurs éditoriaux sur la police politique de la dictature communiste est-allemande que d'analyser ses demi-vérités en réponse à la complexité des affaires politico-financiaro-judiciaires qui le cernent. Oubliez Tapie et Karachi, bienvenue la Stasi.

Remplacer Tapie par la Stasi

Il le fait comme à son habitude, avec outrance et brutalité. C’est dans la nature de «Sarko» de ne pas retenir ses coups. C’est dans la nature de Nicolas Sarkozy de «cliver». On l’avait peut-être oublié depuis deux ans, car son relatif silence avait un peu modifié la perception que les Français pouvaient avoir de lui. Peut-être est-il même aujourd'hui un peu plus violent qu'auparavant, tant sa volonté de revanche est grande.

Il faut dire qu’il n’a plus aujourd'hui la maîtrise du calendrier et du temps. D’abord, cela fait plusieurs semaines maintenant que les affaires viennent gripper la mécanique bien huilée de son retour, notamment au sein même de la droite. Comme dans une série à suspens, on attend chaque semaine un nouveau rebondissement. Buisson? Tapie? Kadhafi? Nicolas Sarkozy encaisse, mais la violence de sa lettre montre qu’il est pour le moins destabilisé. Il ne pourra peut-être pas échapper à toutes les épées de Damoclès judiciaires qui s’accumulent au-dessus de sa tête. Il ne sait pas d’où peut venir l’attaque et à quel moment elle va surgir.

Lui qui aimait jouer de ses faux silences et du calendrier devait donc prendre l’initiative.

Cette réponse, il l'adresse aux trois véritables destinataires de cette «Lettre aux Français» (vous pensiez vraiment qu’il s’adressait à vous?), responsables, complices ou bénéficiaires des attaques dont il s’estime victime: ceux qui voudraient à droite prendre sa place, François Hollande et les juges.

En substance, il leur dit:

  • A la droite: ne me mettez pas à l’écart, ne m’enterrez pas trop tôt. Même quand on me donnait mort, je suis revenu. Ne l’oubliez pas et si vous l’oubliez, je saurai m’en souvenir. La preuve, les réactions de l’électorat de droite montrent déjà qu’il a su resserrer une majorité de sympathisants UMP autour de lui. Et en prime, si la droite fait un résultat meilleur que prévu dimanche, Nicolas Sarkozy pourrait s’en attribuer une partie de la paternité.
  • A Hollande et aux juges: ce que vous faites est le meilleur moyen de me faire revenir et de me donner une raison de me venger.

Il n'a pas changé

Lue comme ça, cette lettre est sans doute un assez joli coup politique. Mais elle est aussi pleine de pièges.

Pour son propre avenir de justiciable, Nicolas Sarkozy ne sait pas ce que les juges ont dans la main, ni ce que peuvent receler toutes les écoutes Buisson. Ce texte est une trace et la justice peut s’en servir. Est-il vraiment sérieux d’écrire qu’il a appris par la presse avoir été mis sous écoutes judiciaires?

Pour son avenir politique, si la justice le laisse tranquille, s’il se voit comme étant le seul à pouvoir battre Hollande en 2017, il sait qu’il ne peut compter que sur son étiage de 25%-30% au premier tour. Il lui en manque donc entre 20% et 22%. Sarko va-t-il empêcher Sarkozy de raccrocher les suffrages qui lui offriront une revanche?

Cette lettre montre surtout qu’il n’a pas changé, malgré la défaite et son silence. Elle est une piqûre de rappel pour les électeurs de gauche «allergiques à Sarko». Mais aussi pour ceux qui à droite et au centre l’avaient en partie délaissé à cause de ses excès, de sa virulence et qui considèrent qu’un chef de l’Etat, garant de la séparation des pouvoirs, ne peut pas se permettre ses attaques répétées contre la justice.

Johan Hufnagel

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