Pour huit Français sur dix (interrogés par l’institut BVA pour Le Parisien), les enregistrements des conversations réalisés par Patrick Buisson au sommet de l’Etat autour de Nicolas Sarkozy sont «une affaire grave». Mais ils ne modifient pas sensiblement l’image qu’ils ont de l’ancien président (négative pour 50% des personnes interrogées, positive pour 41%).
Nicolas Sarkozy et son épouse ont décidé d’en appeler à la justice contre celui qui fut, de fait, le principal conseiller et inspirateur de la ligne politique du chef de l’Etat de 2007 à 2012.
Cette même justice qui, à travers deux juges d’instruction, a placé Nicolas Sarkozy lui-même sur écoute, à partir d’une enquête sur un possible financement libyen de la campagne 2007, enquête élargie au fil des écoutes à l’affaire Bettencourt (pour laquelle pourtant il a obtenu un non-lieu). A ces deux épisodes s’est ajoutée une perquisition chez l’avocat de Nicolas Sarkozy, Maître Thierry Herzog.
Trois «affaires» de nature différente
Ces trois événements ont en commun de provoquer une tourmente autour et à propos de Nicolas Sarkozy et pourraient avoir pour effet de le «victimiser». Il a montré par le passé que cette posture ne lui était pas défavorable. Politiquement en revanche, ils sont de nature et de conséquences très différentes.
L’ouverture d’une enquête, consécutive à l’interception d’une conversation entre Maître Herzog et son client Nicolas Sarkozy, provoque une émotion vive parmi les avocats. Ils s’inquiètent d’«atteintes graves et répétées» au secret professionnel. Il s’agit en effet d’une garantie fondamentale dans un Etat de droit.
En revanche, l’idée mise en avant par les partisans de Nicolas Sarkozy selon laquelle les enquêtes diligentées contre lui sont un moyen politique d’empêcher son retour n’est guère convaincante.
En l’espèce, Nicolas Sarkozy se retrouve en position de justiciable ordinaire. C’est sans doute ce qui lui est le plus pénible. Il dispose toutefois, pour toutes les actions engagées pendant la durée de son mandat, d’une immunité de nature à le protéger.
Mais il est vrai que, tout au long de son mandat, les contentieux se sont multipliés entre lui et les magistrats (ne voulait-il pas supprimer les juges d’instruction?). Ces très difficiles relations passées peuvent expliquer une certaine dureté d’aujourd’hui à son égard.
La ligne politique Buisson
L’affaire Buisson est, elle, d’une toute autre nature. Car elle ressuscite un problème politique majeur: celui posé par une ligne politique dont Patrick Buisson était l’instigateur, et qui consistait à rendre poreuses les frontières entre la droite et l’extrême droite. Avec bien sûr pour objectif, de la part de Nicolas Sarkozy, de récupérer les voix de l’extrême droite.
Nicolas Sarkozy, qui se dit aujourd’hui victime d’une trahison, avait dans la période récente pris ses distances avec son ancien conseiller. Mais la révélation de l’existence des enregistrements secrets de Patrick Buisson peut fonctionner comme une piqûre de rappel pour ceux qui ont reproché à Nicolas Sarkozy sa ligne politique.
Cet épisode conduit à s’interroger sur la fascination qu’a pu exercer un personnage qui incarnait une volonté obstinée de réhabiliter une extrême droite que les gaullistes, jusqu'à Jacques Chirac, avaient toujours constamment et fermement combattue. Nicolas Sarkozy pensait que l’usage, par lui-même, de thématiques parfois empruntées à l’extrême droite lui avait permis de gagner en 2007. Il a eu la faiblesse de penser qu’il ne lui a manqué que quelques jours pour l’emporter sur cette même ligne en 2012.
La violence dont il est victime de la part de Patrick Buisson le convaincra, peut-être, de tourner définitivement le dos à l’idée que droite et extrême droite ont vocation à ne former qu’une seule et même famille politique.
Jean-Marie Colombani