Monde

Ramona Rodriguez, la médecin cubaine qui menace les relations diplomatiques entre le Brésil et Cuba

Temps de lecture : 2 min

Engagée dans un programme de coopération internationale au Brésil, elle accuse son gouvernement de détourner son salaire. Une affaire délicate pour la présidente brésilienne Dilma Rousseff, à quelques mois des élections.

Ramona Rodriguez au siège du parti Les Démocrates, à Brasilia le 5 février 2014. REUTERS/Joedson Alves
Ramona Rodriguez au siège du parti Les Démocrates, à Brasilia le 5 février 2014. REUTERS/Joedson Alves

C'est l’un des grands projets sociaux de Dilma Rousseff qui est aujourd’hui mis à mal par un grain de sable nommé Ramona Matos Rodriguez. Cette Cubaine de 51 ans est l’un des 7.378 médecins engagés par le programme de coopération internationale Mais Médicos, «Plus de médecins». Lancé en août 2013, ce programme doit permettre un meilleur accès à la santé pour les populations brésiliennes pauvres et vivant dans des régions reculées, en faisant notamment appel à des médecins étrangers venus d’Amérique latine, du Portugal ou d’Espagne.

Depuis les années 1960, Cuba est devenu une référence dans la formation des professionnels de santé. L’île compte un des meilleurs taux de rapport du nombre de médecin par habitant (6 pour 1.000, contre 3 pour 1.000 en France). En 2012, 11.000 praticiens ont été formés. Tout naturellement, le plus fort contingent du programme brésilien est donc composé de Cubains, qui sont près de 5.400 à participer.

Quelques mois après la signature de l’accord entre le Brésil et Cuba, Ramona Matos Rodriguez débarque donc à Pacajà, une ville de l’Etat du Parà, dans la région amazonienne, où l’on dénombre moins d’un médecin pour 1.000 habitants.

Une médecin cubaine participant au programme brésilien Mais Médicos, à Itiuba, dans l'Etat de Bahia, en novembre 2013. REUTERS/Ueslei Marcelino

Selon les termes de l’accord signé sous l’égide de l’Organisation panaméricaine de la Santé (OPS), les médecins cubains touchent 800 réais ( environ 260 euros) par mois et 1.200 réais (environ 400 euros) sont déposés sur un compte pour leurs familles à Cuba, ces familles n’étant pas autorisées à les suivre.

Bien qu’ayant accepté les conditions d’embauche du programme, Ramona Rodriguez comprend très vite que ses collègues vénézuéliens ou argentins reçoivent, eux, l’entièreté de leur salaire de 10.000 réais (plus de 3.000 euros), soit près de 10 fois ce qu’elle touche.

Le 4 février, pour dénoncer le «vol et la trahison» de son gouvernement, elle annonce publiquement vouloir déposer une demande d’asile politique au Brésil.

Le député de l’opposition Ronaldo Caiado (DEM) lui apporte son soutien, et dénonce au parlement l’accord discriminatoire passé par Dilma Rousseff avec les autorités cubaines.

Quelques jours après, on apprend qu’un second médecin cubain, Ortelio Jaime Guerra, a abandonné le programme pour fuir vers les Etats-Unis, postant des photos de lui à Miami sur Facebook.

Pour la présidente brésilienne, dont le mandat s’achève à l’automne et qui devrait briguer un nouveau en octobre, cette affaire est un coup dur: non seulement ces évènements mettent en danger le programme Mais Médicos qui repose en grande partie sur la participation des médecins cubains, mais ils placent également Dilma Rousseff face à un dilemme: préserver ses relations diplomatiques avec Cuba ou contrer les accusations de l’opposition.

Le Parti de la social-démocratie brésilienne (PSDB), l'autre principal parti d'opposition avec Les Démocrates (DEM), a d’ailleurs alerté le 28 février le Bureau international du travail sur l’«état probable d’esclavage» dans lequel serait soumis les médecins cubains. Le gouvernement brésilien a annoncé le même jour l’augmentation de leurs salaires, Cuba ayant accepté d’augmenter légèrement la part versée à ses ressortissants.

Cela sera-t-il suffisant pour sauver l’ambitieux programme de santé brésilien? Il semble en tout cas que les autorités sont dernièrement sans nouvelles d’au moins trois autres médecins cubains …

Mathilde Dorcadie

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