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Les conférences de Genève sont-elles toutes vouées à l’échec?

Temps de lecture : 4 min

La conférence sur la Syrie, dite «Genève 2», connaîtra-t-elle le même sort que celui de «Genève 1» ou encore celui de toutes les conférences, depuis les années 1950, qui portent le nom de la capitale helvétique?

Genève, le 21 janvier 2014. REUTERS/Arnd Wiegmann
Genève, le 21 janvier 2014. REUTERS/Arnd Wiegmann

«Il n'y a pas lieu d'être optimiste, ça ne durera peut-être que vingt-quatre heures», rapportait le Monde le 20 janvier, citant des sources de l'entourage de Lakhdar Brahimi, l'envoyé spécial des Nations unies et de la Ligue arabe sur la Syrie.

Des représentants du régime syrien et de l’opposition doivent se retrouver ce mercredi, pour la première fois, en Suisse, pour tenter de trouver une solution au conflit qui déchire leur pays depuis bientôt trois ans et qui a fait jusque-là plus de 130.000 morts. Le retrait in extremis par le secrétaire général de l’ONU de l’invitation adressée à l’Iran a finalement garanti la participation de la coalition nationale syrienne (CNS), principale branche de l’opposition, qui avait brandi la menace d’un boycott si des représentants de Téhéran s’invitaient à la table des négociations.

Mais cet «acte de bonne foi» de Ban Ki-moon ne garantit pas la réussite de la conférence, encore moins l’application de ses conclusions, même si le texte final est a priori accepté par toutes les parties et sera largement inspiré des accords de «Genève 1», signés en juin 2012, mais restés lettre morte.

Les objectifs des deux camps semblent inconciliables. Alors que Damas tente de réorienter l’ordre du jour de la conférence sur «la lutte contre le terrorisme», l’opposition accuse le régime de faire du «terrorisme d'Etat», et d’être derrière la montée en puissance des combattants de l'Etat islamique en Irak et au Levant (EIIL), liés à al-Qaida.

Les multiples attentats au Liban, dont celui de mardi –hautement symbolique– dans la banlieue-sud de Beyrouth, fief du Hezbollah, imputés à des extrémistes sunnites par le régime syrien et le parti de Dieu (et revendiqué par le Front-al Nosra), seraient même, selon certains, fomentés par ces derniers pour appuyer et alimenter la dialectique anti-terroriste et justifier la nécessité du maintien d’Assad au pouvoir.

Enfin, et sur le terrain, même si un accord a minima est trouvé, rien ne garantira, à moins du déploiement d’une force multinationale, l’arrêt des combats. Une telle démarche nécessiterait en revanche une réunion au Conseil de sécurité dans un cadre plus formel.

Un éventuel consensus et la cessation des hostilités semblent d’autant plus compromis que le Front al-Nosra, principale formation combattante d'obédience salafiste, a décidé de boycotter les négociations de Genève. Même du côté de l’opposition «laïque», la réticence est de mise. Le chef du CNS, Ahmad Jarba a ainsi prévenu que la participation à la conférence ne signifiait pas la fin des opérations contre les forces d'Assad menées par l'Armée syrienne libre (ASL).

Les probabilités d’une réussite de la conférence qui s'ouvre ce mercredi restent donc très faibles, ce qui va probablement l’inscrire dans la lignée d’une série de réunions et de négociations tenues à Genève ou portant le nom de la capitale suisse (en l’occurrence, celle de «Genève 2» se tient à Montreux) depuis les années 1950 qui se sont soldées par un échec.

Conférence de Genève de 1954 sur l’Indochine

En 1954, la conférence sur l’Indochine, n’a été qu’un succès partiel. Et encore. Organisée pour mettre fin à deux grands conflits de l'après-guerre, celui de Corée, qui avait débuté quatre ans plus tôt, et celui d’Indochine, qui remonte à l'automne 1946, elle n’aboutira à aucun dénouement concernant la Corée.

Des accords sont néanmoins conclus pour mettre un terme à la guerre qui opposait depuis huit ans l'armée française aux communistes de Hô Chi Minh et qui avait occasionné 60.000 morts et disparus, côté français, et un demi million de victimes vietnamiennes.

De ce point de vue, l’armistice sera une réussite, certes. Mais il va aussi et surtout ouvrir la voie à un nouveau conflit, encore plus meurtrier et plus long que le précédent, connu sous le nom de la deuxième guerre d’Indochine ou la guerre du Viêt Nam (1954-1975).

En effet, les Accords de Genève vont transformer les deux zones de regroupement militaire temporaire en deux Etats: l’un au nord (République démocratique du Viêt Nam), soutenu par le bloc de l’Est et la Chine et l’autre au sud (République du Viêt Nam), appuyé par les Etats-Unis et plusieurs alliés.

Conférences de Genève de 1955 sur la réunification allemande

Un an plus tard, une autre conférence a lieu dans la capitale suisse. Objectif: tenter d’aboutir à une réunification de l’Allemagne. Les négociations vont réunir le président américain Eisenhower, le Soviétique Nikita Khrouchtchev, le Britannique Anthony Eden et le président du Conseil français Edgar Faure. C'est un nouvel échec.

A la suite de cette première conférence, les ministres des Affaires étrangères des quatre pays se réunissent de nouveau vers la fin de l’année. Malgré les tentatives d’aboutissement à un accord, aucune solution n’est trouvée au problème de la division allemande.

Conférence de Genève de 1959 sur le statut de Berlin

Une nouvelle tentative est entreprise quatre ans plus tard, dans un contexte de dégel entre les deux blocs soviétique et américain. Elle aboutit de nouveau à un échec sur la question du statut de Berlin. Deux ans plus tard, le «mur de la honte» sera érigé en pleine ville. Il confirmera la division de l’Allemagne mais aussi de l’Europe jusqu’en 1989.

Conférence de Genève de 1983 sur le conflit libanais

Enfin, non loin du conflit actuel en Syrie, une conférence se tient à Genève en novembre 1983, avec les responsables politiques libanais afin de trouver une solution à la guerre qui oppose les chrétiens, soutenus par le bloc occidental, aux musulmans, appuyés par Damas et Moscou.

Aucun accord n’est cependant trouvé, ni sur les réformes ni sur la cessation des hostilités. La guerre se poursuivra jusqu’en 1990, avec la signature des accords de Taëf, en Arabie saoudite, qui mettront fin à quinze ans de combats.

Bachir El Khoury

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