Économie

L’énergie d’avenir? Le charbon!

Temps de lecture : 5 min

Vous pensez que l’avenir appartient aux énergies renouvelables peu polluantes et vous avez raison. Mais cet avenir est encore lointain. L’Agence internationale de l’énergie confirme ce que l’on pouvait craindre: dans les prochaines années, le charbon devrait retrouver la place qui était la sienne dans la seconde moitié du XIXe siècle: la première! De quoi accélérer encore le réchauffement climatique.

Mexique, février 2013. REUTERS/Daniel Becerril
Mexique, février 2013. REUTERS/Daniel Becerril

En France, on a un peu tendance à oublier l’existence même du charbon. Notre dernière mine, en Lorraine, a fermé il y a près de dix ans et il ne sert à produire que 4% de notre électricité. C’est peu, mais c’est encore plus que ce que nous apportent les énergies renouvelables de dernière génération (éolien et solaire): celles-ci ne fournissent encore que 3% de notre électricité, la principale énergie renouvelable en France demeurant et de loin l’hydraulique (avec une part de 12%).

Mais, dans d’autres pays, le charbon joue un rôle considérable. Et –ce qui est fâcheux– il s’agit des pays ayant les taux de croissance les plus élevés. Par ailleurs, le charbon est abondant, on en trouve à peu près partout dans le monde et, avec la montée des prix du pétrole et du gaz (sauf aux Etats-Unis avec le gaz de schiste), il est de nouveau très compétitif. Résultat: vers 2015 ou 2016, selon les estimations de l’Agence internationale de l’énergie, il pourrait redevenir la première source d’énergie primaire, devant le pétrole.

Et pourtant, on a de la chance: le principal consommateur est la Chine, dont la croissance ralentit. La hausse annuelle de son PIB, qui dépassait 14% en 2007, est revenue vers 7,5% et devrait dans les prochaines années se maintenir à proximité de ce chiffre. De surcroît, face à des problèmes de plus en plus évidents de pollution de l’air et de l’eau, le gouvernement met davantage l’accent sur le nucléaire et les énergies renouvelables. L’an dernier, sa consommation de charbon n’a augmenté que de 4,7%.

Mais ces 4,7% représentent 165 millions de tonnes supplémentaires qui sont venues porter le total à 3.678 millions de tonnes, soit près de la moitié de la consommation mondiale (7.697 millions de tonnes).

Même si la Chine se montre désormais moins gourmande, son poids est tel qu’elle tire la demande mondiale de charbon vers le haut: sa consommation annuelle représente 4 fois celle des Etats-Unis, 9 fois celle du Japon, 23 fois celle de l’Allemagne... Il n’est donc pas étonnant que la consommation de charbon soit attendue en hausse de 2,3% par an jusqu’en 2018.

Indispensable dans les pays émergents

On oublie parfois que plus d’un milliard de personnes dans le monde n’ont pas encore accès à l’électricité. C’est notamment le cas d’environ un tiers de la population indienne. Pour ce pays, qui est lui-même un gros producteur et dont les ports peuvent accueillir du charbon importé, le plus simple et le plus rapide est de construire des centrales thermiques basées sur cette technique éprouvée et économique. Quand on doit apporter l’électricité à plusieurs millions de personnes supplémentaires chaque année, on ne fait pas trop la fine bouche.

En Europe, la consommation de charbon a augmenté en 2012, au point de retrouver son niveau le plus élevé depuis 2008.

Avec le développement du pétrole et du gaz de schiste, dont les prix ont chuté, les Etats-Unis en consomment moins; les ports exportateurs de charbon des Appalaches étant sur la côte Est, le débouché logique est l’Europe, où la Russie et la Colombie sont déjà très actives. Après un pic au début de 2008, les prix sont orientés à la baisse, alors que le gaz n’a pas enregistré en Europe le même recul qu’aux Etats-Unis. Comme, par ailleurs, notamment en Allemagne, les Etats encouragent les énergies renouvelables, les centrales thermiques au gaz se retrouvent prises en étau entre des énergies encore chères, mais soutenues publiquement, et une énergie plus polluante, mais bon marché; les producteurs d’électricité sont donc amenés à fermer ces centrales au gaz et à privilégier le charbon.

Normalement, cette tendance aurait dû être contrebalancée par la hausse du prix des droits d’émission de carbone; mais le marché européen de ces droits va mal, on le sait, et le niveau très bas de leur prix n’est plus du tout dissuasif.

Un risque grave pour l’environnement

Peut-on en conclure qu’il n’y a rien à faire, entre des pays émergents qui ont besoin de cette source d’énergie rustique et bon marché pour se développer et des pays industrialisés où le charbon, à défaut de voir sa consommation augmenter globalement, maintient ses positions?

Ce n’est pas l’avis des experts de l’AIE, qui s’inquiètent des conséquences de l’évolution enregistrée au cours des dernières années. Si on continue au rythme actuel, la hausse de la température moyenne à la surface du globe ne pourra être limitée à deux degrés, comme cela serait souhaitable, mais atteindra plus probablement quatre degrés.

Ainsi que le souligne Maria van de Hoeven, directrice exécutive de l'AIE, de nouvelles technologies existent, moins polluantes, et il serait possible d’encourager le développement des techniques de capture et de stockage du carbone. Depuis les années soixante, on sait faire des centrales thermiques au charbon beaucoup plus efficientes. Mais la plupart de celles qui ont été construites depuis ou sont aujourd’hui en projet ne bénéficient pas de ces innovations. Si toutes les installations en construction en Inde et en Asie du sud-est étaient conçues en utilisant ces technologies nouvelles, cela permettrait d’éviter autant d’émission de dioxyde de carbone que toutes les éoliennes installées en Europe.

Les pays développés ne montrent pas l’exemple

Mais les pays développés peuvent-ils exiger des efforts de la part des pays en développement alors qu’eux-mêmes font preuve d’un laxisme stupéfiant? En Australie, le gouvernement conservateur de Tony Abbott revient sur les objectifs définis précédemment en matière d’énergie renouvelables. Sous la pression des entreprises, il veut faire tout ce qui possible pour éviter une hausse des prix de l’électricité: l’Australie doit être une «superpuissance de l’énergie abordable» et le recours aux énergies renouvelables doit être «raisonnable». On voit tout de suite ce que cela signifie.

Quant au Japon, sa politique énergétique a été profondément remise en cause par la catastrophe de Fukushima, alors que le gouvernement de Shinzo Abe tente de relancer l’activité économique. Le 15 novembre, de nouveaux objectifs ont été annoncés concernant les émissions de dioxyde de carbone: renonçant à une baisse de 25% en 2020 par rapport au niveau enregistré en 1990, le gouvernement se contentera d’une hausse limitée à 3%.

L’Association mondiale du charbon peut se flatter, sur son site Internet, d’être à l’origine de 41% de l’électricité produite dans le monde et prédire que le charbon sera le socle sur lequel on bâtira l’accès à l’énergie pour les 1,3 milliard de personnes qui en sont encore privées. Ce sera sûrement le cas, et pas forcément avec les technologies les moins nocives.

On souhaite bonne chance à ceux qui préparent la conférence de l’ONU sur le climat qui doit se tenir en 2015 à Paris. Entre la recherche universelle de la croissance à tout prix et la culture très largement partagée du bénéfice sans souci du long terme, la petite voix des lanceurs d’alerte au changement climatique va avoir bien du mal à se faire entendre.

Gérard Horny

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