Monde

Tsahal à boulets rouges contre «Le livre noir de l’occupation israélienne»

Temps de lecture : 3 min

Ce livre, sorti en France en octobre, relate des témoignages anonymes de soldats israéliens datant des années 2000 à 2004.

A Hébron, le 31 décembre 2000. REUTERS
A Hébron, le 31 décembre 2000. REUTERS

Yehuda Shaul, ancien officier de l’armée israélienne, avait publié à 28 ans sous l’égide de l’ONG «Breaking the Silence» un ouvrage qui avait fait du bruit à l’époque, en 2010, car il s’attaquait directement à l’icône du pays, Tsahal. Dans la version française, publiée en octobre, «Le livre noir de l’occupation israélienne», reprend des accusations contre l’armée pour des faits datant des années 2000 à 2004, au plus fort des Intifada qui ont secoué le pays et durant lesquelles des soldats du contingent ont été appelés pour le maintien de l’ordre dans les territoires.

A l’origine de ce livre, une exposition présentant une série de photographies et de témoignages écrits de soldats israéliens qui avaient servi dans la ville de Hébron. Les organisateurs, trois jeunes Israéliens, Avichai Sharon, Yehuda Shaul et Noam Chayut, voulaient «affronter la vérité sur la politique israélienne en brisant le silence et les tabous entourant le comportement des soldats israéliens dans les territoires palestiniens». Devant le succès de l’exposition, Briser le silence s’est lancé dans la collecte d’informations auprès de soldats «qui ont joué, pendant leur service dans l'armée israélienne, la police des frontières, et les forces de sécurité, un rôle dans les territoires occupés».

«Le livre noir de l’occupation israélienne» révèle l'utilisation de «tirs de gaz de phosphore dans la direction de zones habitées, la mort de victimes innocentes avec des armes légères, la destruction de centaines de maisons et de mosquées sans but militaire, l’utilisation de boucliers humains». Il met aussi en cause «le rôle des rabbins militaires qui distribuaient des brochures pour encadrer les combats au titre d’une guerre de religion».

En 2013 comme en 2010, le livre ne passe pas du côté de l’État-major militaire israélien qui refuse de confirmer ou d’infirmer les faits rapportés car il conteste la méthode des témoignages anonymes. Le porte-parole de Tsahal, le major Arié Shalikar, a regretté que ces témoignages ne fassent pas «mention d'un temps ou de lieu. L'armée israélienne est une organisation “apolitique” contrôlée par l'État, qui apprend et tire des leçons, et coopère avec tout organisme sérieux avec l'objectif commun de répondre aux demandes d’enquête».

L’armée israélienne accepte que toutes les organisations, de droite comme de gauche, réclament des enquêtes sur des militaires, depuis le simple soldat jusqu’au général, à condition de fournir un dossier complet que le procureur militaire peut instruire. «“Briser le silence” ne nous a jamais fait une telle demande. Mais si l’organisation nous demandait d’enquêter aujourd’hui, il nous serait difficile d’obtenir des éléments probants après tant d’années écoulées».

Si les militaires d’active sont certes soumis à un devoir de réserve, ceux qui retournent à la vie civile ont toute leur liberté d’expression. Tsahal assure qu’il a toujours lancé des enquêtes contre les militaires qui ont failli à la déontologie et qu’il ne s’est pas privé de prononcer des sanctions sévères contre des soldats ou officiers défaillants. Les exemples sont nombreux; le tout récent concerne le lieutenant-colonel Shalom Eisner qui avait frappé un militant pro-palestinien et qui a été relevé de ses fonctions. Parce que les témoins ne veulent pas s’afficher à visage découvert, l’armée se trouve donc dans l’impossibilité de rechercher les éventuels coupables.

Cela a été suffisant pour que l'État-major israélien parle aussitôt de «campagne de diffamation», assurant que Tsahal est «l'une des armées les plus morales au monde». Il s’étonne que l’on revienne sur des faits qui ont été débattus depuis plus de 10 ans, au moment de la sortie de la version anglaise. Il considère suspecte la concordance entre cette nouvelle publication avec les négociations israélo-palestiniennes en cours, au point de penser que certains pays financent des ONG anti israéliennes à des fins de pression sur le gouvernement israélien. «Breaking the silence» reçoit des subventions de pays de l’Union européenne et bailleurs israéliens (notamment d’anciens de l'armée israélienne en désaccord avec les méthodes de l’armée).

Jacques Benillouche

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