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Foot: il n'y a pas que l'argent dans la vie

Temps de lecture : 6 min

Pourquoi (presque) tous les joueurs préfèrent l'Espagne?

Avec l'annonce, mercredi 1er juillet, du transfert de Karim Benzema vers le Real Madrid pour 35 millions d'euros, le tremblement de terre prévu après l'arrivée de Florentino Perez à la présidence du club madrilène semble dépasser toutes les attentes. Depuis son élection, il a y un peu plus d'un mois, le président du Real Madrid a «investi», comme il dit, 219 millions d'euros dans son nouveau projet sportif. Une somme qu'il a déboursé pour s'offrir les services de Cristiano Ronaldo (96 millions), Kaká (65), Benzema (35), Albiol (15), Negredo (5) et le nouvel entraineur, Manuel Pellegrini (3).

Mais cet exode vers le Sud pourrait bien continuer si, finalement, le Bayern de Munich accepte de vendre Frank Ribéry au club de la capitale espagnole. Un intérêt pour le joueur français que le Real a toujours admis et qui s'est souvent fait entendre par le biais de Zinedine Zidane, grand admirateur et ami de l'ancien joueur de l'OM. Mais au-delà du raz-de-marée que représente la spectaculaire reconstruction des merengues, on assiste aussi à un phénomène pour le moins inattendu dans le monde de plus en plus professionnel et insensible du football.

Vie de famille

On dit souvent que le marché du ballon rond n'est plus le phénomène passionnel et sentimental qu'il était il y a quelques années. Que c'est devenu un business froid et sans âme. L'arrivée de grandes fortunes qui ont investit dans de nombreux clubs anglais (Manchester City, Tottenham, Liverpool, Chelsea...) semblait renforcer cette théorie tant le centre de gravité du football européen s'était déplacé de l'Italie ou l'Espagne vers l'Angleterre depuis quelques années. Mais le départ de Cristiano Ronaldo vers Madrid et les difficultés que trouvent les grands clubs anglais à recruter cette année, malgré l'énorme quantité d'argent dont ils disposent, semblent indiquer que peut-être, dans le foot, tout n'est pas encore qu'une question d'argent.

Le récent du transfert de Karim Benzema est très représentatif de cette tendance. Le club espagnol «était en concurrence avec Manchester United sur ce dossier brûlant», assure L'Equipe et les Anglais avaient fait une offre supérieure à l'OL. D'autres grands clubs comme l'Inter et Barcelone s'étaient positionnés sur le jeune français. Mais, malgré cela, l'attaquant lyonnais a préféré jouer au Real. On pourra dire que c'est à cause du salaire ou du climat. Mais l'avant-centre des Bleus a toujours avoué son penchant pour le club madrilène et cela a surement compté au moment de choisir. «Je rêve de jouer ici depuis que j'ai 15 ans» a-t-il déclaré après sa présentation au public madrilène.

Des éléments extra sportifs et non financiers qui existent aussi dans le cas de Frank Ribéry. Comme le confirment ses dernières déclarations, le joueur n'a qu'un souhait: jouer en Espagne et, plus particulièrement, à Madrid. Pourquoi refuser toutes les offres, pourtant alléchantes, venues d'Angleterre? Ribéry a vraisemblablement répondu entre les lignes dans une interview du dimanche 7 juin dans Téléfoot. Interrogé sur un hypothétique choix entre l'Angleterre et l'Espagne, le joueur né à Boulogne-sur-Mer a glissé une des boutades dont il a le secret. «L'Angleterre c'est à peu près le même climat qu'en Allemagne», a-t-il déclaré pour justifier sa décision. On sait l'importance qu'a pour lui le bien-être de sa famille, et la rumeur veut que sa femme ne se plaise pas à Munich et préfère retrouver un climat et une qualité de vie plus chaleureux.

L'attrait du Sud et la loi Beckham

Deux exemples où le pouvoir de l'argent ne semble pas capable d'influencer le résultat d'un transfert. Mais cela est curieusement devenu une habitude pour les plus gros transferts de l'été. On se souvient que Ricardo Kaká a signé le 9 juin pour le Real Madrid en échange de 67,2 millions d'euros mais il faut rappeler que, lors du «mercato» d'hiver, le Milan AC avait refusé, à la demande du joueur, une offre de près de 100 millions d'euros de Manchester City. S'il avait accepté de partir en Angleterre, le brésilien serait, à ce jour, le plus gros transfert de l'histoire du football. Mais, pour une raison qui ne semble pas d'ordre économique, l'attaquant a préféré rester chez les «rossonero» en attendant de partir dans une équipe qu'il aimait. Une attitude semblable à celle qu'a exprimée cet été l'attaquant espagnol David Villa. Courtisé par les grands clubs d'outre-manche, le joueur asturien a fait savoir que, s'il partait de Valence, cela ne serait que dans un club espagnol.

Un retour du romantisme dans l'univers cupide et mercantile du football? Il est possible que les millions investis dans le football anglais ne fassent plus le même effet qu'il y a quelques années. Mais il existe une autre explication moins sentimentale. Selon une étude publiée il y a quelques jours par l'entreprise Ernst & Young Abogados, l'Espagne est le pays européen qui présente le moins de couts fiscaux pour les joueurs de football et donc pour les clubs. En comparant les impôts obligatoires dans plusieurs pays, comme l'Allemagne, l'Angleterre, la France, l'Italie, la Hollande ou l'Espagne, les économistes ont observés que plusieurs pays avaient des régimes spéciaux pour les expatriés. De cette manière, un joueur de foot qui arrive en Espagne paiera ses impôts à un taux fixe de seulement 24%, au lieu de 43% pour un résident quelconque (ou un joueur espagnol).

Cette exemption législative, appelée ironiquement «Ley Beckham» (Loi Beckham, car elle a été instaurée au moment de l'arrivée du joueur à Madrid), a pour objectif de favoriser l'arrivée de professionnels qualifiés et d'entreprises de pointe dans le pays. Ainsi, depuis six ans, les expatriés qui travaillent en Espagne bénéficient d'importantes et alléchantes réductions fiscales. Une politique économique que d'autre pays mettent aussi en place mais de manière moins importante. Les Pays-Bas, par exemple, proposent une exemption de 30% sur le salaire pendant 10 ans. La France, de son côté, a un taux de 40% mais propose quelques réductions sur les compléments d'expatriation (maison, école des enfants...).

Aide fiscale

Quand on sait que, le plus souvent, les joueurs de foot négocient un salaire net avec les dirigeants, on comprend que les clubs espagnols peuvent avoir, touts choses égales par ailleurs, plus d'argent pour acheter car moins d'impôts à payer. En Angleterre, par exemple, le gouvernement vient d'annoncer qu'il augmenterait le taux de 40 à 50%. Une décision qui n'a pas plu au nouveau joueur d'Arsenal, Andrey Arshavin, qui a demandé à son club une augmentation de salaire car il ne connaissait pas les conditions fiscales du pays. Apparemment, dans le cas du joueur russe, le contrat a du être signé en fonction du salaire brut.

Pour un joueur qui gagnerait 500.000 euros net par an, un club espagnol paiera 180 059 euros d'impôts, un français 821.735 et un anglais 434.811. De même, pour un joueur qui gagnerait 2 millions d'euros net par an, un club espagnol paierai 680.059 euros, un français 3.430.423 et un anglais 1.779.811. On imagine alors l'économie que cela représente pour des footballeurs comme Kaká ou Ronaldo dont le salaire sera proche des 10 millions d'euros par an. Une aide fiscale qui rend les clubs espagnols plus compétitifs sur le marché des transferts, mais qui ne pèse pas dans la décision des joueurs: ceux-ci négocient normalement un salaire net qui ne dépend pas de l'impôt du pays où il arrive.

Les soucis des clubs anglais

Climat, impôts, qualité de vie, salaire, prestige...Nombreux sont les paramètres importants, pour les très grands joueurs, au moment de choisir un club. Tout n'est pas, comme semble le croire la doxa dominante, qu'une question de gros sous dans cette vague de transferts entreprise par le président Florentino Perez. On peut penser, comme Michel Platini, que les chiffres publiés sont indécents ou croire, comme l'ennemi de toujours Joan Laporta, président du F.C Barcelone, que le modèle employé est impérialiste. Mais il ne faut pas oublier que beaucoup de clubs anglais ont utilisé les nouvelles fortunes pour tenter de construire une équipe, avec plus ou moins de succès. Qui connaissait Chelsea il y a dix ans? C'est grâce à l'argent du millionnaire Roman Abramovich que le club est devenu une référence du football européen. De l'argent que les clubs anglais continuent de vouloir débourser pour renforcer leurs équipes... exactement de la même façon que le Real. Mais, la différence, c'est que cette fois ci l'argent ne semble pas suffisant. Les problèmes de Manchester City ou de Tottenham pour recruter de grosses pointures en sont les exemples les plus frappants.

Dans le monde du foot, il existe une expression connue qui dit qu'un joueur ne joue, finalement, que là où il veut jouer. Et le Real semble avoir de gros atouts (économiques, climatiques et de prestige) pour que les joueurs veuillent intégrer son effectif.

Aurélien Le Genissel

(Photo: Karim Benzema lors de sa présentation au Réal Madrid, Reuters)

A lire également sur le sujet, «Après Kaka et Ronaldo, Benzema: le Real Madrid donne le «la» du Mercato»

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