France

Chéri, achète de la lessive et imprime un porte-clé

Temps de lecture : 4 min

Auchan a équipé d’un corner d’impression 3D son nouvel hypermarché de Roissy. Une première dans le monde, amenée à se développer. Le grand public peut ainsi approcher cette technique objet de beaucoup de fantasmes, que certains présentent comme la prochaine révolution industrielle.

Le corner imprimante 3D / Catherine Iwanon pour Auchan
Le corner imprimante 3D / Catherine Iwanon pour Auchan

Aéroville, le nom claque comme une promesse de futur: bienvenue dans le plus grand centre commercial d’Ile-de-France, inauguré mi-octobre à Roissy. Le lieu idéal pour frotter le grand public à une technique qui symbolise la science-fiction devenue réalité et allume bien des fantasmes: Auchan y a planté le premier corner d’impression 3D en hypermarché, une démarche inédite. Il est situé «à l’entrée, et pas planqué», précise Romain Pouzol, de CKab, l’entreprise partenaire qui a formé les équipes.

Les clients peuvent venir avec un fichier tout prêt ou piocher dans un catalogue de fichiers personnalisables, d’un prix (au poids) de 4,99 euros à 24,99 euros, accessibles via une borne à écran tactile. Deux types de machines sont à disposition, une MakerBot Replicator 2 et une Cube de 3DSystems, des machines grand public qui utilisent du plastique.

Aéroville, avec ses 200 commerces, ses 30 cafés, et même les seuls 7.500 m2 du Auchan, est le lieu parfait pour tester ce nouveau service. Il faut en effet savoir que les machines utilisées ne sont pas rapides: donner forme à un objet d’un claquement de doigts comme dans Star Trek relève encore de la science-fiction.

Il faut donc occuper M. et Mme Michu pendant que leur porte-clés passe des bits aux atomes. En revanche, Auchan n’a pas l’intention d’aider les gens à faire leurs fichiers. Le personnel, issu du SAV et du stand photo, n’a pas été formé pour cela: il est loin le temps des bidouilleurs triturant amoureusement l’animal parfois réfractaire. Ils contrôleront par contre la fiabilité du fichier grâce à des logiciels.

«Les gens sont scotchés»

«On veut mettre à disposition une technologie révolutionnaire, explique David Pannekoecke, acheteur à la centrale d’achat Auchan, répondre à une attente qu’on a sentie. On vise tout le monde, ça ne laisse personne indifférent, aussi bien le geek qui connait déjà et vient avec des projets, que les néophytes qui pensaient que c’était de la science-fiction.»

Il ne redoute pas l’effet déceptif que pourrait susciter un service qui n’est pas encore mûr, aux applications très limitées (un porte-clés ça va, trois, bonjours les dégâts):

«Les clients ont des échantillons, ils voient ce que ça donne, ils sont bluffés, assure-t-il. Pour l’instant c’est du plastique mais dans quelque temps ce sera peut-être une autre matière, avec une réalisation plus rapide.»

«Même si la techno n’est pas fiable, ils font le pari, les gens sont scotchés, ils jouent sur ça», explique Romain Pouzol.

Des exemples d'objets 3D chez Auchan / Catherine Iwanon pour Auchan

Si Auchan a refusé de préciser le coût de ce corner, il est évident que ce test ne coûte pas très cher: les machines sont respectivement à environ 2.600 et 1.500 euros, plus la formation des équipes et l’entretien. Une miette dans le budget d’Auchan. Et si le service ne se vend pas assez, il aura servi de coup de comm’ malin.

«On saura vite, d’ici un mois, si ça prend», poursuit David Pannekoecke. Et, quoi qu’il en soit, le test sera dupliqué dans d’autres hypermarchés: les directeurs en veulent.

Ils anticipent même déjà des problèmes: «Un des directeurs d’un établissement du 93 craint que des gens viennent imprimer des pièces détachés d’armes», raconte Romain Pouzol. Bon courage pour faire un casse avec une arme imprimée sur une MakerBot: autant acheter une arme au rayon jouet.

Dans les rayons pour Noël

Ceux que le test a convaincu pourraient sauter le pas de l’achat: «D'après les dernières informations de 3D System, les imprimantes Cube devraient être disponibles fin novembre», précise David Pannekoecke.

A temps pour passer la commande au Père Noël. Un essai trop optimiste? HP, qui se lance dans l’impression 3D l’année prochaine, ne vise que les pros dans un premier temps, car il estime que le marché pour le grand public ne sera pas mûr avant trois ans.

Avant Auchan, Top Office, qui appartient aussi à la famille Mulliez, propose déjà depuis le printemps ce service, avec 5 boutiques équipées sur une quarantaine.

Anthony Neuville, chef de produits services et mobile, dresse un bilan «très satisfaisant. Ce projet a suscité beaucoup d'engouement en interne et en externe». Du coup, le concept va être étendu à d’autres magasins «courant 2014».

Leurs clients sont surtout composés de «professionnels qui travaillent dans la conception». Le service pourrait être étoffé, précise Anthony Neuville:

«Des tests sont en cours sur un de nos magasins, notamment pour proposer de la conception infographique en 3D de pièces sur demande des clients. De la personnalisation est également prévue avant la fin de l'année.»

Vulgarisation sur le long terme

Top Office se montre en revanche flou sur le retour sur investissement. Elle assure juste qu’elle fidélise la clientèle:

«Nous nous situons dans une logique de vulgarisation de cette technologie et de présence sur le long terme. L'alternative que représente ce service pour la réalisation de prototypes permet à nos clients de finaliser leur conception rapidement et à moindre coût. Ceci leur permettant d'être plus agiles et compétitifs, ils reviennent naturellement nous voir pour ce besoin.»

Début septembre, Top Office était présent à une table ronde sur l’impression 3D, organisée par le pôle de compétitivité des industries du commerce (PICOM, présidé par... Arnaud Mulliez).

Fabrice Horen, chef de produit, avait alors expliqué qu’il fallait trouver des usages pour les clients. Aujourd’hui, l’impression 3D grand public produit une grande quantité de «crottjets», des objets-crottes littéralement.

/Amy Buser via Flickr CC License By

«Il faut regarder le potentiel de cette technologie dans la durée. Nous en sommes au début de la vulgarisation de l'impression 3D, précise Anthony Neuville. Naturellement dans une première approche le grand public peut être amené à imprimer par curiosité et non par besoin amenant un certain nombre d'objets inutiles. Cette technologie permet de consommer uniquement la matière nécessaire sans chutes, un objet peut être totalement recyclé et remis dans la chaine d'impression. En permettant de fabriquer des pièces détachées à la demande elle offre une 2ème vie à de nombreux objets qui aurait été mis au rebut. Elle évite la réalisation de stocks de pièces détachées et elle permettra aussi, pour certains usages, de relocaliser une partie de la production.»

Pas sûr que cette logique du recyclage soit compatible avec les intérêts d'Auchan...

Sabine Blanc

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