France

Pour la gauche, les européennes plus périlleuses que les municipales

Temps de lecture : 4 min

Les socialistes ont d’excellentes raisons de s’inquiéter en songeant à la prochaine année électorale. Les municipales et les européennes de 2014 s’annoncent comme une rude épreuve pour la majorité au pouvoir.

REUTERS/Noor Khamis
REUTERS/Noor Khamis

Jamais, sous la Ve République, un président de la République n’avait été aussi impopulaire. C’est ce qu’indique le baromètre historique de l’Ifop qui mesure le jugement porté par les Français sur le chef de l’Etat depuis 1958. En septembre dernier, seulement 23% des sondés se disaient «satisfaits de François Hollande comme président de la République» contre 76% de «mécontents». Un solde négatif de 53 points absolument sans précédent. Si François Mitterrand, au creux de sa vague, ne satisfaisait plus que 22% des Français en décembre 1991, il n’en mécontentait que 65% (solde négatif de 43 points).

Une embellie est toujours possible dans les prochains mois. Il sera certes difficile, pour l’équipe gouvernementale, de soutenir le rythme actuel de faux pas, de polémiques fiscales en désaccords ministériels à répétition. Mais le paysage d’ensemble a peu de chances de se modifier radicalement. C’est tout juste si le PS et ses alliés peuvent espérer limiter les dégâts aux municipales de mars.

Pour autant, Xavier Chinaud, expert électoral chevronné et ancien dirigeant de Démocratie libérale, ne croît pas à la thèse d’une «vague bleue» les 23 et 30 mars. Il estime à une quinzaine de villes de plus de 30.000 habitants seulement le bilan gain/pertes final pour l’UMP.

Si tel était le cas, le cru 2014 des municipales serait placé sous le signe d’une relative stabilité. La droite ne reprendrait qu’une partie du terrain perdu en 2008: un bilan gain/pertes négatif de 38 villes de plus de 30.000 habitants. On serait également loin de la vague municipale bleue de 1983 (gain net de 35 villes de cette importance démographique) et plus encore de la puissante vague rose de 1977 (gain de 56 villes).

Considérations locales

Au-delà des différences de conjoncture entre ces différentes dates, il semble que le scrutin municipal tende à se localiser au fil du temps. L’affaiblissement des oppositions idéologiques entre le PS et l’UMP donne aux problèmes locaux et aux personnalités en compétition un poids supplémentaire dans le vote des citoyens.

Une minorité non négligeable d’entre eux succomberont toutefois à la tentation d’un vote-sanction. Un sondage Ifop nous indique que si 61% des électeurs entendent se prononcer en mars «en fonction de considérations locales», 26% envisagent de «sanctionner la politique» du pouvoir tandis que 10% voudraient la «soutenir».

La gauche devrait être partiellement protégée par son impressionnant tissu d’élus locaux. Elle gouverne les deux-tiers de cités de plus de 100.000 habitants et près de 60% de celles de plus de 30.000 âmes. Ce filet de notabilité lui manquera cruellement lors des européennes du 25 mai. Cette élection sans enjeu palpable pour l’électeur de base, mettant en compétition des candidats de deuxième ordre départagés à la représentation proportionnelle, confirmera sa vocation de scrutin défouloir. La gauche gouvernante aura alors tout à craindre.

D’autres raisons contribueront à limiter l’effet politique négatif des municipales pour la majorité. Un effet de loupe compréhensible attribue au résultat acquis dans les plus grandes villes un impact particulier. Or la droite n’apparaît guère en mesure de remporter de très spectaculaires victoires dans ces métropoles.

Dix ans après l’avoir conquis, la position de la gauche à Paris semble assez solide. Anne Hidalgo est tôt partie en campagne et développe une orientation en cohérence avec sa majorité électorale. Par contraste, Nathalie Kosciusco-Morizet est handicapée par des dissensions internes à la droite et par une thématique encore hésitante.

A Lyon, Gérard Collomb, socialiste d’un rose extrêmement pâle, n’apparaît pas menacé. La stabilité pourrait également être de mise à Marseille, malgré la fatigue du système Gaudin, en raison des divisions qui minent le PS. Au total, «dans la pire des situations, la gauche ne perdrait qu'un nombre très limité de villes de plus de 100.000 habitants», selon l’étude menée par Denys Pouillard, le directeur de l'Observatoire de la vie politique et parlementaire.

Une gauche plus unie

Aux prochaines municipales, la gauche sera incomparablement plus unie qu’aux élections européennes. Ses différentes composantes dirigent ensemble les communes dans l’immense majorité des cas. Au grand dam de Jean-Luc Mélenchon, les dirigeants communistes entendent privilégier une stratégie d’union avec les socialistes pour préserver leurs propres mairies.

Le débat stratégique au sein du Front de gauche est particulièrement houleux à Paris. Dans la capitale, les militants du PCF sont invités à choisir l’alliance avec le PS ou avec le PG. Des accrocs à l’union de la gauche se manifesteront ici ou là, qu’il s’agisse des appétits socialistes à Saint-Denis ou des ambitions communistes à Pau.

Mais l’alliance municipale PS-PCF, rodée par une longue expérience de terrain, devrait se maintenir dans la majorité des cas. Cette dynamique unitaire et locale permettra vraisemblablement de réduire le «vote-sanction». Elle sera évidemment absente aux européennes où le Front de gauche, s’il a survécu d’ici là, fera listes à part.

Le FN en triangulaires

Un dernier facteur servira la gauche: les bons scores attendus du Front national dont la présidente est désormais considérée positivement par un tiers des sondés. Marine Le Pen était arrivée en tête du premier tour de l’élection présidentielle de 2012 dans 49 communes de plus de 10.000 habitants.

Malgré sa poussée actuelle, le FN aura du mal à décrocher beaucoup de mairies. Il devrait néanmoins être en mesure de provoquer de nombreuses triangulaires au second tour. Chinaud estime que ce cas de figure pourrait se présenter dans un tiers des villes de plus de 30.000 habitants. Cette présence n’aura pas toujours d’incidence sur le résultat final, mais elle gênera incomparablement plus la droite que la gauche.

La capacité de nuisance de l’extrême droite sera encore amplifiée par le récent changement du mode de scrutin municipal. Le seuil du vote sur listes bloquées avec un mélange de prime majoritaire et de représentation proportionnelle a été abaissé de 3.500 à 1.000 habitants. Or le FN est souvent plus influent dans les communes de taille modeste.

Ce parti devrait ainsi profiter de cette échéance pour se constituer un maillage d’élus locaux qui lui fait aujourd’hui cruellement défaut. Même si c’est aux européennes et non aux municipales que le FN entend frapper un grand coup en espérant arriver en tête de toutes les forces politiques. Epargnée dans les communes, la gauche gouvernante sortirait proprement sonnée du scrutin européen.

Eric Dupin

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