Sports

Le PMU ne veut pas devenir le tocard des jeux d'argent

Temps de lecture : 5 min

En ce week-end du Prix de l’Arc de Triomphe, le PMU continue d’investir pour tenter de renouveler son image vieillotte et de recruter des parieurs plus jeunes.

Prix de l'Arc de Triomphe 2009. REUTERS/Charles Platiau
Prix de l'Arc de Triomphe 2009. REUTERS/Charles Platiau

A deux pas du Centre Georges Pompidou à Paris, à la lisière du Marais, au 25, rue du Renard, c’est une boutique comme une autre, mais qui paraît ne jamais devoir désemplir, certains clients patientant sur le trottoir pour souvent fumer une cigarette. Baptisée Espace Beaubourg, elle est ouverte sept jours sur sept et les jours fériés, dès 9h, et accueille en moyenne chaque jour plusieurs dizaines de visiteurs qui y dépensent, pour la plupart d’entre eux (et pour le bonheur du commerçant), une certaine somme d’argent.

Inauguré début 2010 dans un haut lieu touristique parisien, ce local marchand de 170m2 est entièrement dédié aux jeux hippiques et vise depuis son origine à dynamiser l’image du PMU et à renouveler sa clientèle. Tout y rappelle l’environnement des champs de courses.

Construit en forme convexe, ce magasin moderne redessine les codes d’un hippodrome dans un décor imaginé pour recréer l’ambiance des champs de course sachant qu’aucune consommation d’alcool n’est permise comme dans un PMU ordinaire.

Carte Navigo du PMU

Les joueurs peuvent y valider normalement leurs tickets auprès d’un guichetier ou par le biais d’une machine en consultant en temps réel les résultats sur des écrans placés en hauteur. Mais le lieu, qui mérite vraiment la visite en raison de l’atmosphère fébrile qui y règne dans l’attente du passage du poteau d’arrivée et parce qu’il offre aussi le visage d’une France très diverse issue de tous les horizons professionnels, a également vocation à servir de laboratoire pour étudier en direct le comportement des joueurs. C’est là que la carte PMU sur le modèle d’une carte Navigo a été notamment expérimentée plusieurs mois avant d’être généralisée sur l’ensemble du territoire.

Dimanche 6 octobre, à l’occasion du 92e Prix de l’Arc de Triomphe, la plus importante course de galop dans le monde, l’Espace Beaubourg affichera naturellement complet pour une course dont les enjeux devraient tourner autour de 20 millions d’euros dans les seules frontières françaises. Dans le même temps, ce montant sera vraisemblablement approché en Asie, continent amoureux fou des courses hippiques à l’instar du Japon qui aura deux partants et favoris dans cette édition 2013 à commencer par le crack Orfèvre qui pourrait devenir le premier cheval japonais de l’histoire à triompher lors de la course phare de Longchamp.

A l’heure du numérique et des paris en ligne, cet espace high-tech a été, en quelque sorte, à l’avant-garde de la tentative de modernisation du PMU souvent confronté à une image relativement vieillotte voire ringarde. Cette bataille du rajeunissement de l’image de l’enseigne se poursuit tous azimuts et à brides abattues avec, par exemple, la participation de l’équipe de France de football (dont le PMU est partenaire majeur) à une journée de courses, mardi 8 octobre, sur l’hippodrome de Vincennes. Car il s’agit d’essayer de séduire et d’attirer de nouvelles clientèles en leur montrant notamment qu’il y a bien d’autres façons de jouer aux courses que de passer par le bon vieux bar-tabac du coin et de maintenir le niveau des enjeux dont une partie des revenus sert à préserver la continuité de l’élevage français.

La partie est loin d’être gagnée d’autant que ce n’est pas la première offensive sur le sujet. En effet, alors qu’au premier semestre 2013, avec 5,306 milliards d’euros, les enjeux du PMU ont cru de 0,2 % par rapport au premier semestre de l’année 2012 et que le Produit Brut des Jeux global (le PBJ est la différence entre les mises des joueurs et les gains qui leur sont reversés sur les différents jeux), s’est fixé à 1,287 milliard d’euros, soit une progression de 0,8%, une sonnette d’alarme a été tirée.

Que le PMU ait réussi sa diversification en trouvant de nouveaux relais de croissance est un fait indéniable grâce notamment à ses activités à l’étranger ou dans le domaine des paris sportifs (2e du marché) et du poker (3e), mais, comme le constate Sylvain Copier, spécialiste des (en)jeux au sein du quotidien Paris-Turf, «les points de vente PMU souffrent avec une baisse des activités de plus de 4% et une érosion du ticket moyen des parieurs de -1,4 % à 11,80 €.» «Si la crise est une possible explication à cette chute, elle n’explique pas tout, ajoute-t-il. Après une grosse période de croissance des enjeux due à la multiplication des réunions lors d’une même journée, le marché est arrivé à maturité de ce point de vue et tout le monde ne peut plus forcément suivre. Dimanche dernier, il y avait, par exemple, 50 courses de trot sur lesquelles il était possible de miser en France. Et il y a, bien sûr, le fait que la population des courses vieillit et qu’il est urgent de la renouveler.»

Conscient de cette carence démographique, le PMU a tenté de réagir par le biais d’une nouvelle campagne intitulée «Vous aimez parier? Vous allez adorer les paris hippiques» déclinée à la télévision et que vont soutenir nos meilleurs footballeurs à Vincennes dans quelques jours. Mais il est peut-être déjà trop tard.

En effet, il y a 30 ou 40 ans, 15% de la population française de 18 ans et plus jouait aux courses au moins une fois par an. Cette proportion est tombée à 10% dans un univers médiatique où les courses ont disparu des principales chaînes visibles par le grand public pour se réfugier sur des réseaux plus spécialisés et plus confidentiels comme L’Equipe 21 ou Equidia. «Le PMU et l’Institution des courses ont laissé au moins filer une génération de turfistes potentiels, celle ayant aujourd’hui entre 30 et 50 ans, souligne François Hallopé, observateur de longue date du milieu des courses et éditorialiste à Paris-Turf. Durant ces trois dernières décennies, les dirigeants se sont plus préoccupés d’augmenter l’offre de courses et de paris que de recruter de nouveaux. Erreur que n’a pas faite la Française des Jeux.»

La culture hippique perdue

Mais où recruter les nouveaux parieurs? Certainement pas sur les hippodromes aux affluences souvent bien maigrelettes même s’ils devraient être exceptionnellement 60.000 à Longchamp dimanche pour L’Arc de Triomphe. Evidemment, la bataille se joue désormais sur tous les écrans à commencer par les mobiles et les tablettes qui génèrent désormais autour de 20% des enjeux hippiques pour le PMU.

Mais face aux paris sportifs et au poker prisés des populations relativement jeunes, les courses sont un peu à la traîne sachant que 495 millions d’euros ont tout de même été misés sur le Net lors du premier semestre 2013. Selon l’Autorité de Régulation des Jeux En Ligne (ARJEL) et sur des chiffres portant sur le début de l’année, 37% des joueurs ont joué exclusivement au poker contre 19% de personnes tentées par les paris sportifs et seulement 17% par les paris hippiques qui réclament, il est vrai, une vraie culture des courses qui n’est pas facile à transmettre de génération en génération, contrairement au football.

Toujours selon l’ARJEL, chez les 18-35 ans, le nombre de parieurs hippiques ayant joué au moins une fois par semaine sur le Net est de 23% quand il monte à 65% pour les paris sportifs et à 61% pour les jeux dits de cercle (poker notamment).

Dans un effort important de modernisation de ses points de vente, le PMU a décidé aussi de doter d’ici à la fin de l’année ses enseignes de quelque 500 tablettes tactiles sur lesquelles les parieurs peuvent trouver le maximum d’informations sur les partants des courses à venir. Mais la transition s’annonce ardue comme à l’Espace Beaubourg où, malgré la modernité du lieu, le rajeunissement des parieurs est loin d’être visible à l’œil nu et où le bon vieux papier, que ce soit celui dont on fait les journaux spécialisés ou celui dont on fabrique les cartes de jeu, a encore quelques beaux jours devant lui.

Le développement de la popularité des paris par le PMU via les réseaux sociaux sera, lui, à l’évidence, une course de longue haleine.

Yannick Cochennec

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