Difficile à imaginer alors que le siège du centre commercial de Nairobi a déjà coûté la vie d'au moins 68 personnes, mais depuis plusieurs mois, l'idée la plus communément partagée sur les shebabs – le groupe islamiste somalien lié à Al-Qaïda et responsable de l'attaque – veut qu'ils se soient sérieusement affaiblis.
Les shebabs ont été chassés de Mogadiscio en 2011 par les troupes de l'Union Africaine et la ville connaîtrait depuis un calme relatif. L'an dernier, en octobre, les Forces de Défense kényanes et l'Armée Nationale somalienne ont repris le contrôle de Kismaayo, un port au sud du pays et dernier bastion urbain des shebabs. Depuis, au sud de la Somalie, la zone encore contrôlée par le groupe n'a eu de cesse de se restreindre.
Si on en croit une analyse publiée à la fin de l'an dernier par le Combating Terrorism Center de l’Académie militaire de West Point, «le groupe extrémiste est passé d'un organe faisant respecter la Charia à une bande d'insurgés très affaiblie (…) Il ne représente plus d'alternative politique crédible au gouvernement somalien et retrouve actuellement ses origines de faction insurrectionnelle locale». Le rapport laisse entendre que des divisions internes quant à la décision prise par le groupe, en 2012, de prêter allégeance à Al-Qaïda seraient en partie responsables de sa perte d'influence, auxquelles s'ajoutent des offensives militaires d'un certain nombre de pays, aux premiers rangs desquels le Kenya et l’Éthiopie.
L'argument demeure globalement correct, et ce en dépit des événements du week-end. En tant qu'organe politique de maintien de l'ordre islamique, les shebabs semblent relever d'une force révolue. Mais en réalité, leur faiblesse au sein de la Somalie pourrait les hisser au rang de menace internationale.
Les shebabs ont déjà frappé des pays ayant participé à des opérations militaires en Somalie. Leur attentat le plus tristement célèbre est celui exécuté au moment de la Coupe du Monde de 2010, qui avait coûté la vie de 74 spectateurs à Kampala, en Ouganda. Le groupe a aussi été accusé de plusieurs attentats au Kenya, dont l'explosion d'un arrêt de bus à Nairobi et de nombreuses attaques à la grenade lancées contre des églises. Maintenant que la maîtrise territoriale du groupe s’amenuise, on peut s'attendre à ce que les shebabs se lancent dans ce genre d'opérations de plus en plus souvent. Ils pourraient désormais davantage ressembler à un groupe terroriste transnational plutôt qu'à une armée rebelle combattant pour le contrôle de territoires.
Ces deux dernières années, en Somalie, les offensives menées par le Kenya et ses alliés ont porté un coup très dur aux shebabs en tant que force politique viable, mais tandis que des images terribles ne cessent de nous arriver de Nairobi, on voit bien que le danger que le groupe pose à l'extérieur du pays n'en est pas pour autant réduit.
Joshua Keating
Traduit par Peggy Sastre