Le président Obama, en visite en Russie cette semaine, a annoncé qu'il était parvenu à un accord avec son homologue russe,visant à réduire les stocks de têtes nucléaires américaines et russes en les ramenant à un nombre compris entre 1.500 et 1.675 pour chaque pays. Comment les négociateurs ont-ils calculé ces nombres?
Ils ont d'abord déterminés ces nombres en comptabilisant les cibles potentielles d'une frappe nucléaire, puis ils ont engagé des négociations. Les stratèges militaires américains imaginent toutes sortes de conflits avec d'autres puissances nucléaires. C'est ainsi qu'ils calculent le nombre de têtes nucléaires nécessaires pour détruire toutes les principales cibles dans chaque scénario. Cette estimation est régulièrement revue à la baisse, car les planificateurs militaires doivent retirer des cibles pour répondre au souhait de Barack Obama de réduire les réserves d'armes nucléaires. Eux-mêmes ont des avis qui évoluent quant à la force de dissuasion véritablement nécessaire. Le président américain consulte ensuite ses alliés, comme le Japon et la Corée et du Sud, qui sont sous la protection nucléaire des Etats-Unis, avant d'entrer dans des négociations avec la Russie. Des traités récents fixent des limites acceptables en matière de stocks de têtes nucléaires. Les Etats-Unis ont tendance à s'accrocher à la limite supérieure et la Russie à la limite inférieure. (Les stratèges militaires américains sont plus conservateurs que leurs homologues russes, en partie parce que davantage de pays comptent sur la protection américaine.)
Pour planifier la réduction de l'arsenal nucléaire, la première étape consiste à réaliser une «Nuclear Posture Review» [Révision de la posture nucléaire]. Il s'agit d'une analyse périodique de la politique nucléaire des Etats-Unis menée conjointement par le département de la Défense et plusieurs organismes. Ce rapport informe le président de l'état actuel de la situation et des besoins du programme nucléaire. Le président donne ensuite des directives très générales à son secrétaire à la Défense concernant l'objectif du programme d'armement nucléaire. Il lui indique, par exemple, s'il autorise les frappes préventives dans certains cas ou pas du tout. Enfin, le Pentagone publie en interne une série de possibilités de frappes avec les utilisations précises des armes nucléaires américaines.
Ce document est ensuite transmis au Commandement stratégique des Etats-Unis, où des planificateurs militaires étudient les possibilités de frappes en fonction de conflits hypothétiques avec six adversaires: la Russie, la Chine, la Corée du Nord, l'Iran, la Syrie, ainsi qu'un ennemi qui n'est pas un Etat et qui ressemble à Al-Qaïda. Pour chaque simulation, les planificateurs comptent et classent les cibles potentielles dans quatre catégories : 1) les forces militaires, 2) les infrastructures d'armes de destruction massives, telles que les bases de lancement et les entrepôts, 3) la direction militaire et le gouvernement du pays et 4) les infrastructures de soutien à la guerre, telles que les usines, les lignes de chemin de fer et les centrales électriques. Ils calculent alors le nombre de têtes nucléaires nécessaires pour détruire ou neutraliser ces cibles en tenant compte des dysfonctionnements mécaniques possibles. (Les planificateurs estiment que 15 % des armes nucléaires se révèleront défectueuses.) Ces calculs intègrent également le besoin de redondance, de sorte qu'il y ait suffisamment d'armes nucléaires pour mener une attaque même si une première frappe ennemie visait à mettre hors de combat les Etats-Unis.
Si les scenarios n'envisagent pas une guerre nucléaire entre les Etats-Unis et ses six adversaires en même temps, l'armée a toutefois prévu la possibilité qu'une puissance nucléaire profite du conflit entre deux autres pays pour exercer du chantage ou même effectuer une frappe nucléaire.
Conformément au Traité de réduction des arsenaux nucléaires stratégiques (dit SORT) de 2002, le dernier accord bilatéral entre les Etats-Unis et la Russie prévoit une limite comprise entre 1.700 et 2.200 têtes nucléaires pour chaque pays. Cette limite s'applique uniquement aux têtes nucléaires actuellement installées sur des missiles balistiques intercontinentaux, celles présentes dans des sous-marins ou celles qui doivent être chargées sur des bombardiers longue portée. Ne sont pas comprises les réserves de têtes nucléaires stratégiques (dont beaucoup peuvent être mises en action en l'espace de quelques jours) ou les armes nucléaires tactiques de plus petite taille, qui peuvent être lancées via des missiles de croisière ou par des chasseurs. Aujourd'hui, les Etats-Unis possèdent environ 500 armes nucléaires tactiques. La Russie, elle, en détient près de 3.000.
Brian Palmer
Cet article, traduit par Micha Cziffra, a été publié sur Slate.com le 06/07/09
crédit:Lee Jae Won / Reuters; missiles/ Juillet 2009
Si vous avez aimé cet article, vous aimerez peut-être celui-ci, ou celui-là