Sport et hormones? Il y a bien longtemps déjà, à la fin des années 1950, le bon docteur Lucien Mias, capitaine rénovateur de l'équipe de France de rugby, expliquait qu'un bon pack c'était une contagion et que la base de tout était une question hormonale. Il y avait là matière à plusieurs thèses de doctorat. Je pense notamment à «De la contagion de l'esprit de vainqueur et de ses bases hormonales. Etudes rugbystiques. Extension au champ politique».
Mais demeurons dans le champ du sport et des hormones. La qualité hormonale supérieure du champion ne fait de doute pour personne. Les perturbations endocriniennes éventuelles du même champion sont d'ailleurs suivies de près par tous les médecins du sport, par tous les charlatans du sport comme par tous les zélateurs de cette vaste entreprise d'expérimentation sauvage sur l'homme que constitue, au fond, le dopage.
Observons qu'en ces temps qui sacralisent le Principe de précaution, certains précautionneux lancent parfois le bouchon en des eaux fort peu poissonneuses. Je me souviens ainsi d'une réunion consacrée au problème des «Perturbateurs endocriniens» introduits dans notre environnement par une technique triomphante autant que polluante. Lors de cette réunion, un quidam alla jusqu'à s'inquiéter des dommages endocriniens qui pourraient résulter, chez les compétiteurs du Tour de France, d'une inhalation permanente ... des gaz d'échappement des voitures suiveuses.
Sans méconnaître en rien l'importance du propos, j'avais cru de mon devoir de faire remarquer (à voix basse) à mon voisin immédiat que ces inhalations étaient bien peu de chose par rapport à ce que l'on me racontait (évidemment sous le sceau du secret) des perturbations hormonales induites par diverses formes de consommations médicamenteuses.
«La cortisone se consomme à la louche dans le peloton», m'avait susurré un vieux suiveur tout à fait médecin. Et un autre m'avait confié que le commerce de la testostérone s'il était réintégré au commerce officiel aurait de quoi rééquilibrer la dette publique.... Bien sûr une question, centrale, doit être posée: cette consommation effrénée, que la loi condamne, la morale médicale ne pourrait-elle pas la justifier? En clair: cette consommation ne servirait-elle pas tout simplement à compenser un manque créé de toutes pièces par l'activité sportive intense et particulièrement par l'activité cycliste? Cette interrogation fut soulevée publiquement il y a une quinzaine d'années par Bruno de Lignières, spécialiste d'endocrinologie.
Les plus grands malheurs humains surviennent non pas en raison de ce que nous ignorons mais de ce que nous croyons savoir et qui est faux. C'est à cet aphorisme que nous devons faire appel pour réfléchir. La consommation hormonale par l'organisme surmené ne serait-elle pas responsable de consommations certes illicites mais qui ne seraient que compensatoires? Peut-on penser que, chez l'homme, le réchauffement du contenu de la culotte par le frottement interminable sur la selle nuirait gravement à la production hormonale et à la bonne forme des spermatozoïdes?
La question est vaste; elle n'est pas sans fondement. Qu'est-ce que l'ectopie testiculaire ? C'est la non-descente pathologique des testicules au moment de la puberté masculine. Pourquoi les testicules doivent-ils, le moment venu, migrer? Voici la réponse que m'ont fournie mes Maîtres: trop au chaud, le testicule s'embourgeoise et ne peut assurer sa production hormonale. Je propose donc comme sujet de thèse à venir: « Le Tour de France. Un pourvoyeur du syndrome "ectopie testiculaire like"?».
Dans l'attente de faire partie du jury de cette thèse, je ne cesserai de demander que l'on traque sans fin les expérimentateurs humains sauvages. Ils ne soignent pas mais dopent à but lucratif. Et ils traitent les jeunes et insouciants athlètes du peloton comme on n'a plus le droit de traiter le bétail sur pied.
Jean-Paul Escande
Recueilli par Jean-Yves Nau
Image de une: Des cyclistes à Ljubljana, en Slovénie, REUTERS/Srdjan Zivulovic