Un couple de Corréziens a été interpellé, lundi 26 août à Marseille, après cinq jours de recherches. Accusés d’avoir abandonné leurs enfants, ils ont été placés en garde à vue. Ils avaient laissés deux de leurs enfants chez leurs nounous respectives, et mis le troisième, une petite fille de cinq ans, dans un taxi envoyé chez sa baby-sitter, avant de partir en vacances.
A partir de quand parle-t-on d’abandon d’un enfant?
En droit français, le couple s’est rendu coupable de délaissement d’enfants hors d’état de se protéger, un délit passible de sept ans d’emprisonnement et de 100.000 euros d’amende. Cela en décevra peut-être certains, mais il est particulièrement compliqué, légalement parlant, d’abandonner votre progéniture une fois que vous l’avez reconnue.
L’autorité parentale, si elle confère des droits aux parents, leur impose aussi un certain nombre de devoirs, parmi lesquels l’hébergement, l’assistance, la surveillance, l’éducation, l’entretien et la responsabilité. Néanmoins, des cas d’abandon d’enfants effectifs sont toujours observés en France, selon différentes modalités.
Avant d’avoir reconnu l’enfant
L’accouchement sous X est la principale façon légale d’abandonner un enfant —et donc celle sur laquelle il est le plus aisé d’obtenir des données. D’après l’Institut national d’études démographiques, environ 700 accouchements secrets ont eu lieu en France en 2010.
Après avoir reconnu l’enfant, à l’initiative des parents
Lorsque les circonstances l’exigent, les parents peuvent saisir le juge aux affaires familiales pour demander la délégation de leur autorité parentale à un tiers, qui peut être un membre de la famille, un proche digne de confiance, un établissement agréé pour le recueil des enfants ou un service départementale de l’aide sociale à l’enfance (Ase). Le juge peut refuser s’il estime la délégation contraire à l’intérêt de l’enfant.
Moins radical: les parents peuvent aussi placer volontairement leur enfant à l’Ase, par exemple s’il est confronté à des difficultés nécessitant un accueil spécialisé. Ils conserveront alors leur autorité parentale. Néanmoins, c’est un cas qui reste très marginal, la grande majorité des mesures de placement étant décidées par l’autorité judiciaire.
En France, on comptait en moyenne, selon l’Insee, 4,3 placements en établissement d’aide sociale à l’enfance pour 1.000 enfants en 2012.
Après avoir reconnu l’enfant, à l’initiative d’un tiers
Ici, il s’agit de rendre officiel un abandon constaté de fait: c’est la déclaration judiciaire d’abandon. Elle permet de déclarer un enfant «abandonné» si ses parents s’en sont manifestement désintéressés depuis un an et si il a été recueilli par un particulier, un établissement ou un service de l’Ase.
La déclaration ne peut être faite que par un tribunal de grande instance, saisi le plus souvent par les services sociaux. Elle permet le placement de l’enfant en vue de l’adoption.
Procédure différente, le retrait total de l’autorité parentale peut être prononcé par un juge pénal si les parents sont condamnés pour un crime ou un délit sur leur enfant, sur l’autre parent, ou pour un crime ou délit de leur enfant. Le retrait de l’autorité parentale ne permet pas directement de placer l’enfant en vue de l’adoption, mais entraîne pour le tribunal l’obligation de désigner un tiers ou le service de l’Ase pour assurer sa garde.
Hors de France, il existe une autre forme relativement répandue d'abandon légal d'enfants: l'utilisation des «boîtes à bébé» ou «tours d'abandons», où l'on peut laisser des nourrissons qui seront pris ensuite en charge par un hôpital, une association caritative ou les services sociaux. Ce système était courant au Moyen-Âge et n'a commencé à disparaître qu'à la fin du XIXeme siècle.
Abolie en 1904 en France, la pratique a été réintroduite en Allemagne en 2000, ouvrant la voix à sa réhabilitation dans plusieurs pays européens. Ce principe, qui ne permet pas à l'enfant de connaître ses origine, est vivement critiqué par l'Onu.
Margaux Leridon
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