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17 cocktails pour vous sentir mieux dans votre corps

Temps de lecture : 7 min

Pour être à la mode tout en raffermissant votre fessier, suivez le régime Slate de l'alcool santé! Ou comment trouver de nouvelles excuses aux piliers de bars.

Cocktails / REUTERS
Cocktails / REUTERS

«A votre santé!» est une formule si vieille et répandue qu'elle relève d'une prière –et d'une prescription– aussi séculaire qu'universelle. Au cœur du Croissant Fertile, là où est née la boisson civilisée, les Babyloniens avaient l'habitude de s'envoyer un peu de vin et de miel pour soigner leurs rhumes, inaugurant ainsi la carrière de la «plus ancienne médecine documentée» et, par la même occasion, la tradition des beuveries à base de sirop pour la toux.

Toutes les cultures anciennes reconnaissaient les bénéfices de l'alcool sur la santé, en particulier pour ses effets stimulants et anesthésiants. Les papyrus égyptiens indiquent que le vin et la bière entraient dans la composition de potions promettant de redonner l'appétit, provoquer les accouchements, traiter la jaunisse et guérir l'épilepsie –même si ce dernier remède demande aussi l'ajout d'une poudre de testicules d'âne.

Le plus vieux remède

Pour certains anciens, la picole avait l'extraordinaire vertu de chasser les mauvaise esprits, quand d'autres s'émerveillaient sur ses propriétés dépuratives sur l'estomac, comme dans le Yucatán pré-hispanique: «Le vin leur est bénéfique car il agit comme purgatif et les fait vomir des vers: pour ces raisons, ils deviendront des hommes forts et sains». Des croyances qui ont traversé les siècles: le gin, par exemple, est réputé être au départ un traitement contre le lumbago, tandis que l'angostura faciliterait la digestion. Mélangez-les et vous obtiendrez le pink gin, un remède traditionnel des officiers de la marine britannique voulant combattre d'affreuses attaques de sobriété. Vous avez saisi: tous ces trucs sont censés être bons pour vous.

Et aujourd'hui, de soir en soir, il n'est pas rare de croiser des buveurs exaltant les vertus médicales de leurs cocktails, aussi nouvelles que supérieures. Dans tous les milieux, dans toutes les régions, les Américains prennent le vieux toast au pied de la lettre. Une nouvelle ère de «l'alcool santé» est-elle à prévoir?

On se rue sur des breuvages sucrés à l'eau de coco, on coupe ses long-drinks au jus de betterave et des livres sur des «cocktails d'apothicaires» à base de «plantes, fleurs et épices bienfaisantes» s'arrachent en librairies. Tandis que Seattle s'apprête à accueillir un bar à jus/bar à cocktails et que les bistrots de San Francisco n'ont plus que les légumes à la bouche, les New Yorkais ont bien du mal à garder leur sérieux face à un biochimiste vantant les effets «anti-âge et anti-inflammatoires» de ses mélanges.

De grandes chaînes de restaurants ont adopté les recettes de Bethenny Frankel, une star de la télé-réalité qui, avec sa marque de cocktails allégés Skinnygirl, a touché le gros lot. Vous pouvez commander une Skinny Patron Margarita chez Chili's, une Skinnybee Margarita chez Applebee's ou encore une Skinny Blackberry Margarita chez T.G.I. Friday's. Selon Advertising Age, «les mentions skinny sur les cartes des principales chaînes de restaurant ont grimpé de 44% au premier trimestre 2013 par rapport à l'année précédente» et bien que ces «boissons ne génèrent pas un énorme chiffre d'affaires, elles permettent d'empêcher le "véto" des quelques personnes qui, dans un groupe, peuvent être au régime».

La mode alcoolique

Un spécialiste de l'alcool peut être au courant des tendances du moment, à la limite, mais l'idée de consigner tous les mélanges santé qui sortent de nos jours a de quoi faire tourner la tête. Cette culture a déjà plusieurs tournées d'avance et imaginer succomber à la mode du «juicetailing» avait de quoi me retourner l'estomac. Je ne me suis donc pas creusé la tête pour trouver les bonnes proportions d'un long-drink impliquant du mezcal, du celery bitters et l'une de ces nouvelles liqueurs de fruits riches en propriétés «antioxydantes». Je ne suis pas sorti pour dénicher du vinaigre à boire, une base de cocktail censée être aussi «une boisson santé purifiant l'organisme». Je ne me suis pas rendu à un brunch dédié aux deux stars de Cooking Channel dont Glamour vient de donner les recettes detox à base de gin et de betterave et ne n'ai pas non plus, vraiment, cherché à récupérer un colis promis par une marque et contenant de la vodka sans gluten.

Que l'on liste toutes les options disponibles pour un buveur soucieux de sa santé et la chose pourrait facilement se terminer par un «Soyons sérieux, la picole sera toujours de la picole». Mais quand même, relier les points de cette nouvelle mode alcoolique est utile pour rendre compte d'une autre tendance culinaire, plus générale, où vous êtes ce que vous mangez. Les happy hours sont de plus en plus en phase avec une dimension sociale (dans le sens également statutaire du terme) de la diététique et de ses valeurs.

Faire la synthèse entre l'éthique du bien-manger et l'esthétique de la culture-cocktails a même parfois quelque chose de naturel (l'accent mis sur les ingrédients frais, le fétichisme du savoir-faire artisanal). Mais à d'autres moments, cette synthèse exige des contorsions bien ridicules, dans le sens premier du terme, comme avec cette femme de la Nouvelle Orléans proposant «une approche yogique de la vie arrosée» ou cet établissement de Brooklyn qui se targue d'être le «premier hybride bar/studio de yoga de New York». Le Cobra Club, c'est son nom, propose tous les dimanches après-midis une session spéciale «gueule de bois». Ses poses douces sont censées aider à éliminer les maux de tête, les nausées et la fatigue. Et un bloody mary ou un mimosa est compris dans le prix du cours (15$).

Je mange bien, donc je suis quelqu'un de bien

Vu que je suis le genre de yogaphobe pour qui le bloody mary «gratuit» du Cobra Club est un peu cher payé, j'ai préféré m'aventurer ailleurs pour continuer mon enquête. Flanqué de mon équipe de recherche, j'ai posé mon carnet sur une des tables du LCL: Bar & Kitchen, un établissement assez récent de Midtown Manhattan situé au rez-de-chaussée de l'hôtel Westin. Son nom entend rentabiliser la récente mode du locavorisme (ou lcvrsm comme ses propriétaires pourraient l’orthographier). Sur son site, nous apprenons que le LCL propose une «sélection créative et toujours renouvelée de cocktails 'santé' mettant l'accent sur des jus pressés à froid, des ingrédients frais du jour et les meilleurs produits de saison».

Le bar est propriété du Gerber Group, célèbre pour ses bars lounge du meilleur goût où déambulent des filles en robes fuseau noires servant des businessmans urbains prêts à dégainer à tout moment leurs cartes de société. Le LCL propose des cocktails plutôt bons, même s'ils ne sont pas aussi mémorables que les petits laïus qui les accompagnent. J'ai voulu y goûter un French 75 fait avec du jus de poire d'Organic Avenue, une marque avalisée par Gwyneth et que porte aussi aux nues le blog Vegan American Princess. Mais comme ils n'avaient plus de jus de poire, je me suis rabattu sur un long-drink composé de gin, de liqueur de marasquin, de jus de gingembre et de citron vert, rehaussés de concombre et de menthe. Même si ses qualités réellement nutritives laissaient à désirer, le nom du cocktail fleurait bon le bien-être spirituel: Serenity Now.

Aucune discussion sur les nouvelles tendances culinaires ne serait complète sans faire référence au kale – le légume le plus sexy depuis les bikinis en feuilles de laitue de la PETA et tel phénomène de la culture alimentaire en 2013 que c'est même un cliché de le mentionner comme tel. Si vous possédez un exemplaire de Fifty Shades of Kale: 50 Fresh and Satisfying Recipes That are Bound to Please, merci de me dire si (comme je l'espère secrètement) son marque-page ressemble à un martinet vert foncé. Si ce n'est pas le cas, dites-vous juste qu'un livre avec un tel titre existe en vrai et que je sais qu'il contient la recette d'un mojito au kale.

Les créateurs de cette boisson – deux médecins, Jennifer Iserloh et Drew Ramsey – expliquent que la menthe du Kalejito atténue le stress, tandis que ses fans exaltent ses «vertus végétales» et, ce faisant, tentent de saupoudrer d'un soupçon de rectitude morale une forme de plaisir indifférente à la morale. Ce qui permet de tester les limites des sous-entendus philosophiques de ce nouveau snobisme alimentaire: je pense que je mange bien, donc je suis quelqu'un bien.

Je n'ai pas encore croisé de Kalejito, mais je me suis quand même mélangé à la jeunesse manhattanaise, avec sa musique assourdissante et ses sourires enjoués, pour goûter au plus célèbre des cocktails au kale – le Garden Variety Margarita du Wayland, qui a quand même un petit quelque-chose avec son chou gingembré. La taille réelle de ce quelque-chose peut faire débat. J'ai apprécié cette tequila qui, avec sa personnalité végétale, peut tenter le buveur santé, mais je ne l'ai appréciée que modérément. A mon avis, ce n'est qu'une margarita un peu supérieure à la moyenne, mais verdâtre, et avec un goût feuillu assez persistant.

Mon compagnon d'analyse – un végétarien de longue date – s'est même montré encore plus critique: «Son goût dominant est un aigre-doux vulgaire, écœurant et collant au palais, un peu comme un mélange de vinaigre balsamique et de jus de courgette oubliée dans le bac à légumes. Je ne crois pas que j'exagère en disant que c'est le pire cocktail que je n'ai jamais bu». Plus tard, nous avons convenu que ces margaritas aux kale en contenaient trop peu pour qu'on reconnaisse véritablement la saveur du légume, mais suffisamment pour laisser un arrière-goût si tenace qu'il peut durer plus longtemps que n'importe quelle gueule de bois potentiellement générée par ce breuvage.

Et nous avons ensuite conçu un grand plan maléfique pour, nous aussi, exploiter cette mode des jus de perlimpinpin –ces placebos pour personnes écologiquement correctes, nutritionnellement responsables et végétalement vertueuses prêtes à tout pour s'abandonner, sans mauvaise conscience, aux rites de l'hédonisme alcoolique. Une partie du plan, c'était d'inventer quelques recettes originales, mais je n'ai pas encore réussi à honorer ma promesse.

Pourquoi? Bien sûr, il y a pire que de passer son dimanche à tester des variations du Jack Rose à base de vinaigre de grenade, mais je ne peux pas surmonter un certain scepticisme quant à la durée de vie culturelle des zones les plus ostensiblement folles de toute cette affaire. (Si les foules acheteuses sont encore gagas de l'eau de coco et que la vodka de quinoa équitable a peut-être un certain avenir, il semblerait aussi que la mixologiste de la Nouvelle Orléans ait abandonné les cocktails pour les soins ayurvédiques).

Ce qui fait que, pour l'instant, je n'ai qu'une recette classique de boisson santé à offrir:

Lait

Une bouteille de lait bio*

Ouvrez la bouteille. Versez entre 150 et 200 ml dans un verre ou buvez directement au goulot, debout, la porte du frigidaire ouverte pour gâcher de l'électricité, selon votre préférence.

*Le lait entier permet certes une expérience gustative des plus rondes, mais je conviens que le lait demi-écrémé est plus léger et a quand même très bon goût.

Troy Patterson

Traduit par Peggy Sastre

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