Sports

Lance Armstrong, héros malgré nous

Temps de lecture : 4 min

Le coureur américain n'a jamais gagné le coeur du public français, mais sa notoriété reste inégalée dans le peloton.

Le Tour de France, qui s'élance samedi 4 juillet de Monaco, sera évidemment dominé par la présence de Lance Armstrong, septuple vainqueur et recordman absolu de l'épreuve. Devrait-on écrire écrasé tant la venue de l'ancien retraité des pelotons fait l'actualité du départ?

A 38 ans, le Texan, sorti de sa retraite depuis quelques mois, revient en effet sur les routes de ses exploits, qui l'ont vu endosser le Maillot Jaune de 1999 à 2005. Peut-il revêtir la célèbre tunique une huitième fois sur les Champs Elysées ? Les spécialistes en doutent, préférant parier sur l'Espagnol Alberto Contador qui fait partie, comme Armstrong, de la redoutable équipe Astana.

Mais l'essentiel est -paraît-il- ailleurs pour l'Américain dont il est difficile, pour un Français, de percevoir à quel point il est une icône aux Etats-Unis, regardée avec la dévotion due à un miraculé -ce qu'il est puisqu'il a survécu à un cancer des testicules avant de gagner sept fois la Grande Boucle. Si Armstrong s'est remis en selle, c'est avant tout, jure-t-il, pour enfourcher le cheval de bataille de sa fondation Livestrong qu'il promeut à travers le monde au gré de ses courses qui génèrent des dons pour la lutte contre le cancer. Oui, qu'on se le dise, le Texan milliardaire n'a pas surgi de trois ans et demi d'inactivité pour étoffer sa colossale fortune. La preuve : il ne touche pas, dit-on, de salaire chez Astana. Pédaler pour la bonne cause est son unique souci, même s'il a récemment confié à Michel Drucker, qu'il ne venait pas en France «pour faire de la figuration».

La France, parlons-en. La France qui ne s'est jamais émue de ce destin «bigger than life». La France où il est de bon aloi de ne pas aimer Lance Armstrong, conscient de n'avoir jamais suscité l'adhésion au bord des routes nationales où ses résultats phénoménaux ont laissé pantois et sceptiques. Si le grand public a été plus indulgent que la presse persuadée que l'Américain avait été un dopé en puissance lors de ses années de domination, il n'y a jamais eu entre lui et le peuple du bord des routes françaises l'esquisse d'une passion. C'est parce que ce sentiment est au cœur de cette compétition que le pays continue de la suivre par millions chaque après-midi de juillet malgré les scandales à répétition. Armstrong dopé? Cela n'a jamais été prouvé, comme le relève l'écrivain-journaliste François Thomazeau, spécialiste du vélo, dans une chronique récente. Son confrère, Pierre Ballester, est, lui, nettement plus vindicatif et pense que ce retour d'Armstrong décrédibilise carrément le Tour de France.

Reste que les révélations de L'Equipe, en septembre 2005, qui démontraient qu'Armstrong avait roulé à l'EPO lors de sa victoire en 1999, n'ont débouché sur aucune certitude - il a même été blanchi. Pas vu, pas pris, donc innocent(é), ce qui met en rage ses (nombreux) pourfendeurs.

Et même si on n'a pas envie d'être dupe, pourquoi l'indulgence de la vox populi valable pour d'autres ne le serait pas, après tout, pour Armstrong? Personne, en France, n'a remis en cause les mythes des multiples vainqueurs du Tour à une époque où le dopage existait comme aujourd'hui, à une échelle certes plus «bricoleuse». Laurent Fignon, vainqueur du Tour de France en 1983 et 1984 et qui vient d'admettre certaines dérives au cours de sa carrière dans un livre tout juste paru, lâchait, mercredi 1er juillet, dans les colonnes de L'Equipe à propos de Bernard Hinault: «Ça me paraît aujourd'hui dépassé de vouloir faire croire aux gens qu'on n'a jamais rien pris.»

Armstrong a sinon paru incarner, aux yeux des Français, une sorte de George W. Bush du vélo droit dans ses cale-pieds. Un Américain - Texan caricatural, donc détestable, qui nous a regardés de haut quand il ne nous a pas carrément ignorés ou moqués. A la télévision américaine, en 2006, n'avait-il pétaradé au sujet de l'équipe de France de football: «Tous les joueurs ont été testés positifs comme étant des trous du cul». Une sorte de revanche posthume après tous les «dopé ! dopé!» qui lui avaient sifflé aux oreilles. «Je ne suis pas là pour faire copain-copain avec des gens qui ont passé la journée à boire en attendant la course, avait-il pesté un jour. Ne venez pas voir les coureurs si c'est pour les huer. C'est une question de classe. On en a ou on n'en a pas.»

Armstrong n'a jamais suscité l'adhésion tout simplement parce qu'il s'est constamment soucié de se mettre à distance de la foule - et des journalistes. A cause du blindage de son apparence et de sa difficulté à parler le français, il a toujours paru froid, hautain et lointain, ce qui est encore la réalité puisque la presse américaine en est venue à le surnommer... Ben Laden lors du dernier Giro parce qu'il avait soudainement refusé tout contact avec les journalistes et qu'il ne communiquait plus que par vidéos par le biais de Twitter dont il a adopté les rites.

On peut ne pas aimer Armstrong. «Soit on le hait, soit on l'adore», résume Bonnie Ford, journaliste américaine pour espn.com qui le suit depuis des années. Mais on doit reconnaître, et apprécier, son courage, à moins que ce ne soit un certain goût de la provocation, pour revenir se frotter à la dureté du Tour de France, peut-être justement pour tenter de capter un peu de cette affection du public français qui risque de le regarder différemment cette fois, ne serait-ce que parce qu'il ne sera plus le favori. On ne l'a jamais vu en perdition dans un col hors catégorie - bien au contraire. Aura-t-on l'occasion de voir, cette fois, ce fascinant spectacle qui nous le rendrait - qui sait - enfin humain?

Jeudi 2 juillet, L'Equipe a publié les résultats d'un sondage qui indiquait que la présence d'Armstrong ne dérangeait pas, à 72%, les personnes interrogées. 91% des questionnés allaient même jusqu'à affirmer qu'elle n'augmentait pas leur intérêt pour la Grande Boucle. Comme indifférents à sa venue. Ce dont on doute un peu puisque Lance Armstrong est l'unique vedette de ce Tour de France et, par extension, du cyclisme mondial. Combien sont-ils à se souvenir de l'identité de celui qui a franchi, l'année dernière, la ligne d'arrivée en vainqueur?

Yannick Cochennec

(Photo: Armstrong gagne la 17e étape du Tour de France en 2004, REUTERS/Wolfgang Rattay)

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