L'Open de France de golf, qui se déroule jusqu'au dimanche 5 juillet sur le parcours du Golf National, est-il un grand tournoi? La réponse est, hélas, non!
Il serait exagéré, voire mensonger, de proclamer, en effet, qu'il s'agit du Roland-Garros du golf: l'Open de France ne fait pas partie des quatre tournois du Grand Chelem de la saison golfique. Trois d'entre eux ont donc lieu aux Etats-Unis, le pays où le golf est roi (Masters d'Augusta, US Open, USPGA) et un en Grande-Bretagne (British Open), le pays où le golf «moderne» est né. A Roland-Garros, toutes les meilleures raquettes mondiales se donnent rendez-vous sans exception. A Saint-Quentin-en-Yvelines, une quinzaine des 50 meilleurs joueurs de la planète a seulement répondu à l'appel des organisateurs qui peuvent néanmoins s'enorgueillir de présenter leur plus joli plateau depuis longtemps à lors de cette édition 2009.
Malgré ses quelque 400.000 licenciés et sa croissance continue en termes de pratiquants, le golf reste, en France, un sport qui cherche encore sa popularité et ses grands champions qui le feraient décoller dans les médias. Il faut remonter à... 1907 et à Arnaud Massy pour retrouver un Français vainqueur d'un tournoi du Grand Chelem (au British Open). Chez les femmes, Patricia Meunier-Lebouc, victorieuse du Kraft Nabisco Championship, l'une des quatre levées du Grand Chelem féminin, a, elle, réussi cet exploit en 2003, mais il n'a eu qu'un très faible écho en France où ces dames sont invisibles sur nos écrans.
Le troisième tournoi le plus doté d'Europe
Les meilleurs joueurs français ne sont pas, toutefois, des «manches»: Jean Van de Velde et Thomas Levet, ont bien terminé deuxièmes du British Open en 1999 et 2002, mais ils ne font pas partie de l'élite mondiale. Sur le circuit européen, ils se défendent remarquablement, emmenés par Thomas Levet, Raphaël Jacquelin, Grégory Havret, Grégory Bourdy ou Christian Cevaër, mais ledit circuit européen n'a pas la notoriété de son homologue américain, le PGA Tour, qui écrase la concurrence tant par la participation et que la dotation. Actuellement, aucun joueur français n'a sa carte pour évoluer régulièrement aux Etats-Unis qui accueillent la crème de la crème, Tiger Woods en tête.
La juxtaposition de trois circuits — américain, européen, asiatique — en golf n'aide pas de surcroît à la lisibilité de ce sport en France alors que le tennis présente l'avantage d'être modelé en un circuit mondial parfaitement cohérent. C'est l'un des écueils auxquels se heurte l'Open de France qui se débat dans cette confusion en dépit des 4 millions d'euros offerts aux joueurs, ce qui en fait le troisième tournoi le mieux doté en Europe. Cette même semaine se dispute un important tournoi dans le Maryland, aux Etats-Unis: il affiche six millions de dollars de prix.
Trois millions pour Tiger Woods
Ces 4 millions d'euros sont mis sur la table, insiste Gilles Jourdan, à la tête de cet Open de France et qui refuse d'avoir recours à des garanties pour attirer certains des joueurs les plus emblématiques. Qu'est-ce qu'une garantie? Une prime d'engagement qui «achète» la venue d'un compétiteur. A titre d'exemple, la présence de Tiger Woods dans un tournoi se monnaie autour de trois millions d'euros.
Là encore, le tennis est mieux régi que le golf où l'anarchie règne au sujet de ces garanties, tandis qu'il existe un règlement très clair sur le circuit ATP qui limite cette pratique. Les Masters 1000, les neuf tournois de tennis les plus importants après les quatre du Grand Chelem, n'ont pas, par exemple, le droit d'y avoir recours.
L'Open de France ne veut pas donner dans cette surenchère. Gilles Jourdan condamne fermement le système des garanties et stigmatise l'attitude de certains joueurs européens de premier plan qui préfèrent tourner le dos à des épreuves qui ont un passé comme l'Open de France pour se laisser courtiser par des promoteurs qui montent des tournois, dans les pays du Golfe notamment, et s'arrachent les vedettes au prix fort. «Pas de ça chez nous», dit Jourdan. Le vainqueur de l'Open de France recevra, dimanche, un chèque de 666.000 euros.
La main au porte-monnaie d'Alstom
Cette politique a ses vertus, mais aussi ses limites que borne notamment l'investissement d'Alstom dans l'épreuve que la marque soutient au moins jusqu'en 2010. Si Alstom cesse de mettre la main à la poche et s'en va demain et si l'organisation ne trouve pas un donateur aussi riche et conciliant, il faudra peut-être revoir cette politique de fond en comble dans cet univers très concurrentiel et dérégulé du golf mondial. Les garanties peuvent redevenir l'avenir de l'Open de France.
Cette année, l'Open de France a la chance de bénéficier de la participation de Padraig Harrington, l'Irlandais vainqueur de deux tournois du Grand Chelem en 2008, et d'Angel Cabrera, l'Argentin couronné lors du dernier Masters d'Augusta et sous contrat avec Alstom. Malgré ces deux stars, les prévisions de fréquentation ne sont pas plus mirobolantes que les années précédentes où l'on a oscillé entre 35 et 40.000 spectateurs.
Ryder Cup
Deux joueurs seulement, selon Gilles Jourdan, sont susceptibles de créer l'événement et l'engouement populaire et ils sont tous les deux Américains: Phil Mickelson et, surtout, Tiger Woods. Woods qui aurait dû jouer en France en 2001 à l'occasion du défunt Trophée Lancôme, mais qui avait dû renoncer à la dernière minute en raison du 11-Septembre. Mais, on l'a dit, on n'attire pas Tiger Woods avec du vinaigre et encore moins avec une dotation fût-elle de 4 millions d'euros. Sa venue est évidemment l'ultime objectif de tout organisateur. Outre le refus de sortir le carnet de chèques, la direction de l'Open de France doit également composer avec la date du tournoi dans le calendrier: encore trop éloignée du British Open, à la mi-juillet, elle n'est pas très attractive pour des Américains.
Tiger Woods à l'Open de France, reste, à l'évidence, un doux rêve, même si sa venue dans l'Hexagone pourrait être programmée en 2018 à l'occasion de la Ryder Cup, compétition planétaire pour laquelle la France s'est portée candidate à l'organisation. Allemagne, Espagne, Suède, Pays-Bas, Portugal se sont également mis sur les rangs. La campagne de lobbying promet d'être longue jusqu'à la désignation du lieu en 2011. Pas sûr que la France soit la mieux placée...
Yannick Cochennec