Lundi 29 juin, Richard Gasquet, 23 ans, a comparu devant le tribunal arbitral de la Fédération Internationale de Tennis qui doit statuer sur son cas de «dopage» dans les deux semaines qui viennent. Le même jour, on a appris que Mathieu Bastareaud, 20 ans, joueur du XV de France, aurait voulu mettre fin à ses jours dans le sillage du «scandale» qui le touche depuis le 21 juin.
Les deux affaires n’ont évidemment rien en commun, sauf qu’elles concernent deux très jeunes adultes qui se retrouvent emportés dans un infernal tourbillon médiatique dont ils ne sortiront pas indemnes quels que soient les résultats des deux enquêtes qui les concernent.
Rappel des faits. Gasquet a été contrôlé positif à la cocaïne en marge du tournoi de Miami, en mars, et clame depuis son innocence. Pour sa défense, il évoque une série de baisers échangés avec une certaine Pamela dans une boîte de nuit la veille de son contrôle. Il parle même «de bonnes galoches» et sous-entend que si des traces de cocaïne ont été trouvées dans son organisme, c’est à cause de ces langoureux «patins» et, par voie de conséquence, de la dénommée Pamela qu’il accuse de facto d’avoir consommé de la drogue ce soir-là – ce qu’elle dément. L’histoire prêterait à rire si la carrière de Richard Gasquet n’était pas clairement menacée par cette virée nocturne puisqu’il risque deux ans de suspension qui équivaudraient à une condamnation à mort sportive.
Psychologiquement, le voilà donc au bord du gouffre et la cible de tous les amuseurs publics qui ne sont pas privés de le mettre en boîte avec férocité.
Mathieu Bastareaud est, lui, carrément au fond du trou et d’un lit d’hôpital de la région parisienne où s’est terminée pour lui la tournée du XV de France aux Antipodes. La raison de ce cauchemar? Un mensonge raconté dans la nuit du 20 au 21 juin alors que les Français venaient de perdre contre les Néo-Zélandais à Wellington. Rentré à l’hôtel la pommette en sang au terme de la célèbre troisième mi-temps, Bastareaud dit avoir été agressé par des individus. A sa surprise, l’incident prend vite des proportions énormes en Nouvelle-Zélande où le pays se sent touché dans son honneur par ces prétendus agresseurs locaux. Et le 24, acculé, il avoue de guerre lasse: «Je suis tombé dans ma chambre. J’ai heurté la table de nuit et je me suis ouvert la pommette. J’ai eu honte et j’ai paniqué». Les medias néo-zélandais, qui n’ont pas apuré le passif moral de l’affaire du Rainbow Warrior en 1985, se déchaînent alors avec une violence inouïe qui trouve une formidable caisse de résonance sur le Net où le pauvre Bastareaud est lynché de tous les côtés avec une cruauté parfois ordurière qui n’a pas dû lui échapper (le métier de modérateur mériterait d’être rendu obligatoire sur certains sites de sport en France qui pratiquent honteusement l’escalade). Jusqu’à l’annonce de son hospitalisation lundi.
Voilà donc où peut mener le sport de haut niveau ou plutôt, doit-on écrire, le sport spectacle: devant les tribunaux et à l’hôpital.
Il ne faudrait surtout pas perdre de vue que nous avons affaire ici à des êtres humains à peine sortis de l’adolescence et donc fragiles. Encensés hier, Gasquet et Bastareaud se retrouvent désormais bien seuls face à leurs erreurs de jeunesse – une malheureuse soirée qui a dégénéré dans les deux cas. Car ce ne sont pas les avocats qu’Arnaud Lagardère, son mécène, a mis à la disposition de Gasquet qui vont réparer les dégâts collatéraux de ce gâchis au-delà de l’aide qu’ils lui fournissent pour tenter de le «sauver». Quant à la Fédération Française de Rugby, où l’on sait ce que botter en touche veut dire, on ne peut pas dire qu’elle ait fait bloc autour de Bastareaud alors que plusieurs personnalités de la délégation française savaient apparemment ce qui s’était vraiment passé dans la nuit de Wellington. On doit même affirmer qu’en termes de communication, elle a été en dessous de tout.
Un manque de transparence fédérale qui est un «crime» à l’heure de la (trop) grande exposition médiatique des jeunes sportifs qui, pour certains, ne sont pas préparés à en encaisser les chocs très violents. Hier, une troisième mi-temps qui finissait mal pour le XV de France n’était qu’une anecdote rangée parmi les échos d’un journal. Aujourd’hui, tout se sait et tout se dit, avec parfois images ou vidéos volées à l’appui. Appréhender les medias tels qu’ils existent et fonctionnent aujourd’hui est un sujet à mettre de toute urgence au programme des sports-études. Savoir bien s’entourer quand on est un jeune sportif professionnel en est un autre. Sans oublier d’y associer les familles jamais préparées à voir débarquer les marchands du temple ou à faire face aux demandes des medias. Rama Yade, nouvelle Ministre des Sports, a là un chantier à ouvrir avec les fédérations placées sous sa tutelle.
Pour conclure, il faut souligner que beaucoup de commentaires ont été impitoyables sur la Toile pour Gasquet et Bastareaud sous le prétexte qu’ils sont connus. Des propos démesurées pour des histoires qui ne méritent pas tant de publicité et, parfois, tant de méchanceté. Gasquet et Bastareaud doivent être entendus et défendus. Puis sanctionnés si nécessaire. Mais, de grâce, arrêtons l’acharnement.
Yannick Cochennec
Richard Gasquet au Masters de Shanghai en 2007. REUTERS/Aly Song