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Prism, NSA: pourquoi les révélations sur Echelon n'ont servi à rien

Temps de lecture : 2 min

Avant les écoutes de l'Europe par la NSA révélées ce week-end, il y avait cet instrument de la Guerre froide qui s'est vite transformé en moyen d’espionnage industriel et économique, au profit essentiellement des Etats-Unis et de leurs entreprises.

Station d'écoutes du réseau Echelon sur la base de la RAF de Menwith Hill en 2000. REUTERS/Archives
Station d'écoutes du réseau Echelon sur la base de la RAF de Menwith Hill en 2000. REUTERS/Archives

Ce n’est pas la première fois qu’éclate un scandale lié à un système d’écoutes que les Américains –et plus généralement les Anglo-Saxons– auraient mis en place pour espionner l’ensemble de la planète, les communications privées comme les pays alliés. En 1988, un journaliste écossais, Duncan Campbell, signait dans l’hebdomadaire britannique de gauche The New Statesman, un article sur ce qu’il est convenu d’appeler le réseau Echelon. Il s’agit d’une vaste organisation de surveillance des télécommunications –conversations téléphoniques, fax, etc.

A l’époque, Internet était encore balbutiant. Depuis les nouvelles techniques ont permis un maillage beaucoup plus serré dans la surveillance des échanges d’informations.

Dans un premier temps, l’article de Duncan Campbell, intitulé Somebody’s listening (Quelqu’un écoute), ne rencontra pas beaucoup d’écho. Mais il fut rapidement corroboré par des enquêtes de journalistes et d’universitaires américains, britanniques ou néozélandais. Car le réseau Echelon couvre l’ensemble du monde. Il est le produit d’un accord entre les Etats-Unis et la Grande-Bretagne passé en 1943 pour intercepter les communications ennemies.

Cet accord UKUSA, pour United Kingdom United States Communications Intelligence Agreement, s’est élargi à cinq pays, au début de la guerre froide. Le Canada, l’Australie et la Nouvelle-Zélande ont rejoint les deux fondateurs, d’où un autre surnom de l’accord «Five Eyes» (les cinq yeux).

Echelon s’appuie sur un réseau de bases terrestres en Amérique, en Europe, en Océanie et en Asie. La plus grande se trouve à Menwith Hill, dans le Yorkshire. Elle est directement gérée par la NSA américaine. Et sur un réseau de satellites et de sous-marins.

A l’origine, Echelon était un instrument de la guerre froide dans la rivalité Est-Ouest mais il s’est vite transformé en moyen d’espionnage industriel et économique, au profit essentiellement des Etats-Unis et de leurs entreprises. Les entreprises qui bénéficient en priorité des informations obtenues par ce système d’écoutes sont celles qui produisent du matériel pour Echelon, comme Lockheed, Boeing, etc.

Plusieurs cas de contrats que des sociétés européennes ont perdus au profit de firmes américaines à la suite de l’espionnage mené par Echelon ont été recensés. Les «grandes oreilles» se sont aussi intéressés aux positions respectives des pays participants aux négociations du GATT, l’ancêtre de l’OMC (Organisation mondiale du commerce).

La «découverte» du réseau Echelon a provoqué une vague d’indignation en Europe continentale dans les années 1990. Le Parlement européen s’est saisi de l’affaire, a commandé plusieurs rapports sur ses activités et adopté des motions dans lesquelles les élus européens faisaient part de leur indignation. Les protestations ne sont guère allées plus loin. Pour des raisons à la fois économiques et politiques.

D’une part, les sociétés européennes éventuellement lésées par ces activités d’espionnage craignent de subir des représailles sur le marché américain, voire sur des marchés tiers, si elles protestent trop vigoureusement.

D’autre part, les Américains reconnaissent benoîtement cette activité d’espionnage, comme vient de la faire encore John Kerry, même s’ils ont tendance à minimiser sur l’ampleur et les conséquences de cette surveillance. «Oui, mes amis d’Europe occidentale, nous vous avons espionnés. Et il est exact que nous utilisons des ordinateurs pour trier les données en fonction de mots-clés», a déclaré James Wosley, ancien directeur de la CIA, à la suite d’un rapport commandé par le Parlement européen à Duncan Campbell.

C’est une sorte d’évidence qui ne surprend pas les habitués des services de renseignements. Tous les pays le font qui en ont la capacité. Tout est en effet question de moyens, comme l’expliquait, il y a quelques années, Zbigniew Brzezinski, ancien conseiller pour la sécurité de Jimmy Carter:

«Quand vous avez la possibilité d’avoir des informations, il est très dur d’imposer des barrières à leur acquisition...»

Après quelques mouvements de mauvaise humeur, voire un ajournement de quelques mois des négociations sur la zone de libre-échange transatlantique, les gouvernements européens se contenteront-ils d’une justification de ce type?

Daniel Vernet

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