Deux nouvelles dissolutions. Le 24 juillet, Manuel Valls a annoncé qu’après Troisième voie, deux autres groupuscules d’extrême droite étaient dissous: l’Oeuvre française, fondée par Pierre Sidos et présidée par Yvan Benedetti, et les Jeunesses nationalistes, dirigées par Alexandre Gabriac (connu pour avoir été exclu du FN pour cause de salut nazi). Pour le ministre de l’Intérieur, il s’agit d’affirmer «qu’il n’y a pas de place dans notre pays pour la haine, la xénophobie, l’antisémitisme ou des actes antimusulmans». Le 10 juillet, le Conseil des ministres avait dissous les organisations Jeunesses nationalistes révolutionnaires et Troisième voie, ainsi que l'association Envie de rêver, mises en cause dans «l'affaire Méric».
Après la mort du jeune militant de gauche Clément Méric, Jean-Marc Ayrault avait déclaré dans l'hémicycle du Sénat vouloir «tailler en pièces, de façon démocratique, sur la base du droit, [les] mouvements d'inspiration fasciste et néonazie qui font tort à la République et qui font tort à la France». Dans un premier temps, il avait annoncé la dissolution des Jeunesses nationalistes révolutionnaires, auxquelles plusieurs suspects (dont un a été mis en examen et incarcéré pour violences volontaires ayant entraîné la mort sans intention de la donner) sont soupçonnés d'appartenir. Puis, le 11 juin, il a ajouté à la liste, devant l'Assemblée nationale, Troisième voie, une organisation dont les JNR forment le service d'ordre.
Le 25 juin, Serge Ayoub, à la tête de ces deux mouvements, avait annoncé leur auto-dissolution, qui n'a donc pas empêché leur dissolution par le gouvernement. L'association Envie de rêver gère Le Local, établissement qui sert de lieu de ralliement à Troisième voie.
La «base du droit» sur laquelle le gouvernement s'appuie, c'est la loi du 10 janvier 1936 sur les groupes de combat et les milices privées, votée sous le gouvernement d'union nationale de Pierre Laval avec pour objectif de combattre les organisations susceptibles «d'attenter par la force à la forme républicaine du gouvernement». Le gouvernement voulait se doter des moyens législatifs d'agir après les manifestations des ligues de droite et d'extrême droite du 6 février 1934, devant la Chambre des députés, et qui avaient dégénéré en émeutes place de la Concorde.
Au rayon des tendances politiques, l'extrême droite (ligues, organisation fascistes, collaborationnistes, etc) fournit d'ailleurs le gros des dissolutions avec 52 mouvements dissous en 77 ans. L'extrême gauche –principalement communiste et révolutionnaire– compte elle 14 organisations dissoutes. Le reste se partage entre organisations indépendantistes et régionalistes et mouvements islamistes.
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Source : Assemblée nationale
Les années 1930 ouvrent le bal avec 12 dissolutions, principalement de ligues ou d'organisations royalistes. Et la machine à dissoudre va fonctionner à plein régime par la suite à la Libération, entre mouvements collaborationnistes et néonazis.
Les années 1950 et 1960 sont les deux décennies les plus «égalitaires» puisqu'en matière de dissolution, les mouvements indépendantistes vietnamiens ou algériens sont presque autant la cible de l'Etat que les communistes ou les mouvements d'extrême droite.
Dans les années 1970, malgré l'arrivée d'un terrorisme d'extrême gauche en France, ce sont les régionalistes bretons, basques et corses qui sont victimes des dissolutions administratives. Le rythme des dissolutions continue de diminuer ensuite pour cibler l'extrême droite ou des organisations terroristes et fondamentalistes, la dernière en date avant les JNR et Troisième voie étant le mouvement islamiste radical Forsane Alizza en mars 2012.
Les JNR, Troisième voie, Envie de rêver, l'Oeuvre française et les Jeunesses nationalistes deviennent donc les 93e, 94e, 95e, 96e et 97e organisations à être dissoutes en près de 80 ans. Mais Serge Ayoub a annoncé qu'il comptait attaquer le décret de dissolution devant le Conseil d'Etat afin de le faire annuler pour «abus de pouvoir», estimant que les trois structures ne correspondent pas aux critères évoqués dans la loi. Yvan Benedetti, qui préside l'Oeuvre française, et Alexandre Gabriac, qui dirige les Jeunesses nationalistes, ont eux aussi annoncé leur intention de contester la dissolution de leurs mouvements.