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Vers une libération de Gilad Shalit? (MàJ)

Temps de lecture : 6 min

La libération du soldat israélien Gilad Shalit, détenu à Gaza depuis juin 2006, fait depuis 24 heures l'objet de nombreuses rumeurs en Israël. Si le Premier ministre de droite Benyamin Netanyahou affirme qu'aucun accord n'a été conclu avec le Hamas, qui détient le jeune soldat israélien, un ministre israélien assurait pourtant mardi 24 novembre dans la matinée que la conclusion d'un accord sur un échange de prisonniers palestiniens contre Gilad Shalit est «très proche». Nous republions à cette occasion un article de notre chroniqueur Alexandre Lévy sur Gilad Shalit et on peut trouver ici un lien avec la vidéo prouvant que Gilad Shalit est en vie rendue publique au début du mois d'octobre.

De Tel Aviv - Volonté américaine, intervention égyptienne, priorité du nouveau gouvernement israélien... Depuis quelques jours, une rumeur persistante court en Israël: il y aurait une chance réelle de voir bientôt Gilad Shalit rentrer au pays. Le 25 juin, sa famille et son comité de soutien ont, à travers plusieurs manifestations, marqué le troisième anniversaire de l'enlèvement de ce frêle caporal de Tsahal, aujourd'hui âgé de 22 ans, dont le visage de gamin n'est aujourd'hui plus inconnu de personne dans son pays.

La récente libération d'un leader du Hamas, Aziz Al-Dweik, interpellé peu après l'enlèvement du soldat, et les informations évoquant un transfert rapide de l'otage vers l'Egypte ont soulevé, malgré les démentis officiels, de nouveaux espoirs. «Le sort de Gilad est une affaire de dimension nationale», nous a expliqué ce jour-là Ygal Palmor, le porte parole du ministère des Affaire étrangères, tout en reconnaissant que les autorités ne savent presque rien du sort de l'otage qui se trouverait entre les mains du Hamas quelque part dans la bande de Gaza.

Tout se négocie

En trois ans, ses ravisseurs n'ont distillé que quelques modestes preuves de vie — une lettre, une cassette audio... — refusant obstinément que l'otage ne reçoive la visite d'un quelconque organisme indépendant. Les tentatives de récupérer le soldat captif par la force se sont révélées infructueuses — ou trop dangereuses — lors de l'opération «Plomb endurci» de l'armée israélienne à Gaza; depuis, le «prix» de l'otage n'a cessé de monter.

Car ici tout se négocie: prisonniers, dépouilles mortelles, effets personnels... Depuis la création d'Israël, ses ennemis savent que les autorités sont prêtes à payer le prix fort — parfois en déclenchant une guerre comme ce fut le cas lors de la récente offensive au Liban — pour récupérer ceux qui sont tombés, morts ou vivants, entre leurs mains. Dans ce jeu de poker menteur, un otage vivant est un joker, une prise hors normes qu'il faut «rentabiliser de la meilleure façon qui soit. Et c'est ce que semble très bien réussir le Hamas avec Gilad Shalit, capturé au terme de ce qui semble avoir été un raid transfrontalier destiné à ramener un «otage vivant» en 2006 (il a coûté la vie à deux autres soldats de Tsahal).

Le soutien de la France

«Puisque mon fils ne peut pas le faire de là où il est, aujourd'hui nous voulons pousser un cri de désespoir», dit d'une voie à peine audible son père Noam en marge d'une manifestation devant le QG de l'armée à Tel Aviv. Depuis trois ans, cet homme timide et réservé s'est retrouvé bon gré mal gré au cœur de la campagne pour la libération de Gilad Shalit, avançant avec précaution entre les tenants d'une confrontation avec le gouvernement et ceux qui préfèrent faire profil bas pour ne pas gêner les négociations.

Plus tard dans la soirée, Noam demandera aux Israéliens de ne pas oublier Gilad Shalit. «Mon souhait, ce 25 juin 2009, est que chaque habitant de ce pays, homme ou femme, jeune ou âgé, ferme ses yeux pendant trois minutes. Pendant trois minutes, fermez vos yeux et essayez de penser à ce qu'endure actuellement mon fils».

Du fait des origines françaises (assez lointaines) de la famille de Gilad Shalit, cette affaire a aussi pris une résonance particulière à Paris. Le 26 juin, le ministre des Affaires étrangères Bernard Kouchner a ainsi appelé à la libération immédiate et inconditionnelle d'un «compatriote». A l'initiative de la communauté juive, plusieurs mairies de la région parisienne ont affiché le portrait du jeune homme sur leur fronton. «Oui, je reçois régulièrement un coup de fil de l'Elysée», confirme Noam Shalit. Un coup de fil de soutien plus qu'autre chose, même si Bernard Kouchner affirme que la libération de Gilad reste une «priorité» pour la France.

«Nous avons tous une mama juive»

Pour les Israéliens, la question des otages est plus que douloureuse. Les sondages donnent des informations contradictoires sur ce que pense l'opinion publique de ces «deals» qui consistent, le plus souvent, à récupérer des cercueils en échange de prisonniers palestiniens dont certains ont, selon l'expression consacrée, du «sang sur les mains». Dans ce domaine, la position de l'Etat est radicalement différente des autres démocraties, notamment des Etats-Unis, qui officiellement ne «négocient jamais avec les terroristes». «Depuis l'époque de Ben Gourion, chaque soldat doit savoir qu'Israël fera tout pour le récupérer. Sa famille aussi», expliquent les militaires. Quitte à payer un prix exorbitant et totalement disproportionné.

Pourtant le danger est exactement le même que dans les affaires criminelles d'enlèvement avec demande de rançon: chaque «succès» des ravisseurs crée un appel d'air pour d'autres enlèvements et fait monter en flèche le prix de l'échange. En 2008, Israël a accepté de libérer en échange des corps d'Eldad Regev et d'Ehud Goldwasser, les deux soldats tués au début de la dernière guerre du Liban, plusieurs figures du Hezbollah et un certain Samir Kuntar, condamné à 542 ans de prison par la justice israélienne pour avoir tué quatre personnes dont une fillette de 4 ans en 1979. A Beyrouth, ces derniers ont été fêtés en héros. Jusqu'au dernier moment, le Hezbollah a entretenu la confusion sur le sort des deux soldats. Aujourd'hui, pour Shalit, les négociations porteraient sur plusieurs centaines de prisonniers et la confusion est toujours là, savamment entretenue par les leaders du mouvement islamiste.

Les bons rapports du Mossad avec les services égyptiens

«Comment ne pas agir de la sorte? Nous sommes un tout petit pays. En nous avons tous une mama juive», dit Ron Ben-Yishaï, ancien commando d'élite devenu spécialiste des questions de sécurité pour le quotidien à grand tirage Yediot Ahronot. «Chacun d'entre nous a son Shalit», renchérit l'éditorialiste de Haaretz, Lili Galili. Mais jusqu'où les autorités sont elles prêtes à aller pour le récupérer? Où s'arrêtent les droits de l'individu face aux intérêts de la nation? «C'est un débat philosophique et existentiel, une réflexion abyssale», poursuit Ygal Palmor, le porte-parole de la diplomatie israélienne.

Une chose est pourtant sûre aujourd'hui. Quelque part dans les coulisses, les hommes de l'ombre se sont de nouveau activés sur cette affaire qui a beaucoup souffert des turbulences de la politique intérieure israélienne. De longues semaines se sont écoulées entre le gouvernement d'Ehoud Olmert et la constitution de celui Benjamin Netanyahu. Le nouveau Premier ministre a commencé par nommer un nouveau négociateur en chef. Un vétéran du Mossad contre un ancien du Shin Bet... Certains y voient un autre signe encourageant. Le Mossad entretient actuellement «d'excellentes» relations avec leurs collègues égyptiens, rappelle Ron Ben-Yishaï. La qualité de la médiation de ces derniers, le degré de rapprochement entre Washington et Damas et, une fois de plus, le prix qu'Israël sera prêt à payer seront décisifs pour le sort de Gilad Shalit.

Alexandre Lévy

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